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Au Parti socialiste, un zeste de xénophobie ?

par Stéphane Maugendre
26 janvier 2013

Personne ne s’est bercé d’illusions sur ce que l’élection de François Hollande et d’une majorité législative de centre gauche allait entraîner dans le domaine de la politique migratoire et du traitement des étrangers en France : nulle révolution à prévoir, pas même une réflexion de fond sur des perspectives de réforme à long terme. Mais ce classicisme conservateur n’interdisait pas d’espérer et même d’attendre une attitude moins brutale que celle des dirigeants précédents qui avaient délibérément érigé cette brutalité en vertu.

Or, le gouvernement actuel multiplie les brutalités tandis que, sauf à la marge, sa majorité n’exprime aucun état d’âme. Quant au Parti socialiste, il a même offert, lors de son université d’été d’avril 2012, une standing ovation remarquée au ministre de l’Intérieur venu y tenir un discours dit de fermeté. Fort de ce soutien enthousiaste, Manuel Valls peut en toute tranquillité s’affirmer l’héritier direct de Nicolas Sarkozy : comme de son temps, déploiements de force contre les Roms, maintien de 30 000 régularisations par an, annonce de la multiplication des expulsions. Même en matière d’activité policière, dont la gauche défendait jusqu’alors l’encadrement, le gouvernement ne veut plus de dispositif permettant de réduire les contrôles d’identité discriminatoires. Au lieu de profiter de l’invalidation de la garde à vue relative aux étrangers en situation irrégulière par la Cour de cassation pour instaurer un dispositif plus respectueux de leurs droits, il a mis en place une « retenue » qui comporte moins de garanties encore.

Même dans le domaine de l’intégration des étrangers en situation régulière, François Hollande, ses ministres et sa majorité ne font rien : la promesse du droit de vote est oubliée ; la facilitation de la naturalisation relève du trompe-l’œil.

Pour les sans-papiers, c’est la catastrophe. Eux attendaient évidemment beaucoup d’un changement de majorité. Il est normal que leur désillusion les conduise au désespoir et que ce désespoir puisse les entraîner à la révolte, comme à Lille où une quarantaine d’entre eux vient d’arrêter une grève de la faim commencée il y a plus de deux mois. Là encore, le gouvernement a délibérément opté pour une brutalité ostentatoire en expulsant deux d’entre eux le 31 décembre, y ajoutant, pour faire bonne mesure en ce jour de fête, un jeune Pakistanais en France depuis l’âge de 15 ans.

Comment s’expliquer cette surenchère dans la maltraitance des étrangers, qui va très au-delà du comportement habituel des responsables situés au centre de l’échiquier politique ? À n’en pas douter, le président de la République et son gouvernement espèrent séduire l’opinion par leur fermeté à l’encontre des étrangers faute de lui apporter satisfaction par des mesures favorables en matière sociale, économique ou fiscale. Les étrangers lui servent de monnaie d’échange à la faveur d’une sorte de prise d’otages politicienne qui ne s’embarrasse ni des droits fondamentaux, ni de l’égalité entre les êtres humains, ni de la simple décence. De cette brutalité émane un discours politique implicite qui murmure aux Français que le pouvoir les protège malgré tout de l’adversité puisqu’il frappe les étrangers.

Devenir xénophobe pour essayer d’être populaire, tel est désormais le programme, exactement comme celui de Sarkozy en campagne. Le discours de Grenoble [1] érigé en philosophie de l’État, quels que soient ceux qui le dirigent. La dérive des responsables politiques de la France devient aussi dangereuse qu’abjecte.

P.-S.

Cette tribune de Stéphane Maugendre, président du Gisti, a été publiée dans Libération le 18 janvier 2013.

Notes

[1Allocution prononcée par Nicolas Sarkozy le 30 juillet 2010, dans laquelle il déclarait la guerre aux délinquants, proposait de déchoir de la nationalité toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un policier, d’un gendarme ou de toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, et s’engageait à démanteler la moitié des campements illégaux de Roms dans les trois mois.