Accueil > Études de cas > La France d’en bas vue d’en haut > Ça pue !

Ça pue !

À propos de Georges Mothron et de sa politique municipale en direction des SDF

par Laurent Lévy
31 août 2007

L’annulation par Georges Mothron, maire UMP d’Argenteuil, de son « arrêté anti-mendicité » ne changera rien à l’analyse que l’on pourra faire de l’incident de l’été : ça pue.

L’idée d’éloigner des centre-villes les sans domicile fixe n’est pas nouvelle, et le maire d’Argenteuil n’en a pas eu la primeur. De loin en loin, été après été, des arrêtés en ce sens sont pris par divers édiles. Dans des conditions souvent illégales qui conduisent systématiquement, lorsqu’ils sont attaqués, à leur annulation judiciaire. George Mothron n’aura pas attendu cette inévitable annulation ; il a pris les devants. Mais l’odeur de sa décision initiale, on peut l’espérer, le poursuivra longtemps.

L’idée n’était pas si bête ; elle était seulement abjecte. Il ne suffit pas d’un arrêté pour faire décamper les mendiants. On ne peut spéculer sur une exécution spontanée des ordres de Monsieur le Maire. Or, il existe une technique bien éprouvée pour éloigner les animaux indésirables : le répulsif. Un produit dégageant une odeur tellement insupportable aux dits animaux qu’ils déménagent sans demander leur reste. Rien de plus simple que d’adapter cette technique à ces autres nuisibles, assurément sous-humains, que sont les SDF. La municipalité d’Argenteuil a donc employé l’argent de ses contribuables à l’achat de répulsif. Pas contre les chiens ou les chats, pas contre les rats ou les putois : contre une catégorie particulière d’humains, ceux qui mendient dans les centre-villes.

On pourrait s’interroger sur les caractéristiques de ce produit – que le personnel municipal, c’est son honneur, a refusé de répandre. Car si son odeur est telle qu’elle fasse fuir les SDF, ne pouvait-on craindre que les trottoirs du centre-ville se trouvent désertés y compris par les citoyens qui, bien sous tous rapports, disposent d’un logement stable où ils se nourrissent de repas équilibrés ? Ou faut-il penser que ce répulsif (allons-y de la publicité gratuite : il s’appelle « Malodor » ; il y a des gens pour produire ça et le commercialiser – et après tout, puisqu’il y en a pour l’acheter…) vise de manière sélective les mal-logés ?

Il semble que pour Monsieur Mothron, il y ait une relation étroite entre les questions sociales et les questions d’odorat, et que le principal souci que lui causent les SDF est perçu par le nez. En 2005, son arrêté municipal, qui avait été annulé par l’autorité de tutelle, expliquait que la gêne publique induite par la présence de SDF au centre ville était une gêne olfactive.

Réponse du berger à la bergère ? C’est également une « gêne olfactive » que Monsieur le Maire a voulu infliger aux SDF de sa ville. Gageons qu’il pourra, lui, multiplier l’usage des eaux de toilettes les plus raffinées. On ne pourra l’approcher qu’en se pinçant le nez.