Accueil > Études de cas > Le cas Sarkozy > Chapeau !

Chapeau !

Remarques sur un discours de Nicolas Sarkozy

par Laurent Lévy
15 janvier 2007

Quand Ségolène Royal s’adresse à ses troupes, et - via la télévision, toujours présente - à l’ensemble des Français [1], rien de tel pour se donner une image féministe que de compatir, trémolos dans la voix, avec les « femmes mutilées, femmes excisées, femmes violées, femmes écrasées », sans oublier, en tête de liste, les « femmes voilées » [2]. Quand Nicolas Sarkozy s’adresse à ses propres troupes, rien de tel pour resserrer les rangs que d’en appeler à la restauration de l’Autorité avec un grand A, laquelle se décline, immanquablement, par la mise au pas des écoliers à casquette et - devinez quoi - des écolières qui - attention à la surprise - portent le voile ! Laurent Lévy revient sur cette singulière obsession du couvre-chef...

C’est une vieille règle de la politesse, qui date de l’époque où les
messieurs portaient chapeau : on se découvre devant une dame !

C’est un temps où les ouvriers ne portaient pas chapeau, mais casquette. La
règle s’appliquait néanmoins. Ôter son couvre-chef était de la part des
hommes, une marque de déférence. On se découvre devant les dames ; on se
découvre à l’église...

La règle a disparu en même temps que l’usage social du chapeau ; par l’effet,
aussi, sans doute, du cinéma américain. Le chapeau du cow-boy reste bien
vissé sur sa tête. Celui du détective des films noirs également.

Quand la mode est revenue de la casquette, dans la jeunesse des banlieues, il
s’est trouvé de nombreux professeurs pour ressortir la vieille règle. Ils
imposeraient leur autorité en classe en demandant fermement aux lycéens de se
découvrir. Comme à l’église.

Nicolas Sarkozy, Monsieur Kärcher, veut lui aussi que l’on soit bien polis.
Et lorsqu’il parle de la République, avec une majuscule appuyée sur la lettre
initiale, le voilà qui explique qu’elle est

« celle qui veut une école de
l’autorité et du respect, où l’élève se lève quand le professeur entre, où
les filles ne portent pas le voile, où les garçons ne gardent pas leur
casquette en classe ... »
 [3]

Cherchez l’erreur.

On se demandait bien pourquoi il fallait à tout pris dévoiler les élèves qui
prétendaient couvrir leur chevelure. Signe religieux ostensible ? Non, simple
incivilité. Comme le fait de ne pas se lever quand le professeur entre dans
la salle. Comme le fait de garder sa casquette dans le sanctuaire scolaire.
C’est une question de couvre-chef. Et d’ailleurs, de nombreux établissements
scolaires ont ajouté, après la loi du 15 mars 2004, une clause à leur
règlement intérieur pour prohiber le port de tout couvre-chef.

Mais voilà : cette vieille règle de politesse était le fait d’une société
très patriarcale ; et l’obligation de se découvrir n’incombait pas aux
femmes. À l’heure du féminisme avancé, c’est chose faite.

Chapeau !

Notes

[1Les quatre millions de résidents étrangers ne votent pas, à quoi bon s’adresser à eux ?

[2Ségolène Royal, Discours du 13 novembre 2006

[3Nicolas Sarkozy, Discours d’investiture, 14 janvier 2007. Cité par Le Monde du 15 janvier