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« L’offre politique »

La politique n’est pas une marchandise !

par Laurent Lévy
29 janvier 2007

L’expression a depuis quelque temps fait son apparition dans le vocabulaire
politique. De l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par toutes les
couleurs de l’arc-en-ciel, on évoque - généralement pour la trouver
insuffisante et pour affirmer que l’on entend suppléer à ses manques -
« l’offre politique »...

L’offre doit satisfaire la demande. C’est le B-A-BA de l’économie de marché.
Et voici que partis et formations de tout poil rivalisent pour apporter à la
« demande politique » « l’offre politique » qui pourra lui correspondre. La
formule est devenue banale, si banale qu’on n’y prête guère attention. La
politique, en somme, est affaire de marketing.

À vrai dire, dès ses premières occurrences, l’expression est apparue comme
toute naturelle. Et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi.

C’est que nous vivons sous le règne du marché. La marchandise s’insinue dans
tous les pores de la société. Chemin faisant, elle s’empare de chacune de nos
circonvolutions cérébrales, de chacun de nos neurones. On apprend à ne penser
qu’à travers elle. Ce qui ne se compte pas en argent devient louche. L’amour,
l’hospitalité, en auraient presque quelque chose de dangereusement subversif.

Dans une économie marchande, offreurs et demandeurs sont par définition
séparés. Et en bonne économie politique, l’offre est le fait des producteurs,
la demande celui des consommateurs.

Lorsque l’on évoque « l’offre politique », c’est bien de cela qu’on parle. On
parle de citoyens que l’on considère comme de simples demandeurs, de simples
consommateurs de politique. Et on parle d’offreurs, qui sont des partis, des
militants, des spécialistes institutionnels ou autoproclamés, qui doivent
satisfaire cette demande. Et sur ce marché politique, comme sur tout marché,
offreurs et demandeurs sont séparés. La politique n’a alors jamais vocation à
être cet en-commun que l’on construit ensemble, mais le résultat d’une
adhésion des citoyens à des choix faits, peut-être en fonction de ce que l’on
estime qu’ils attendent, à travers l’équivalent politique de ce que sont les
études de marché, mais fondamentalement en dehors d’eux.

Bien sûr, les choses sont rarement dites ainsi. Sans doute aussi sont-elles
rarement pensées ainsi. Et bien des utilisateurs de cette métaphore douteuse
se récrieront. Ce n’est, diront-ils qu’une façon de parler. Ce n’est qu’une
formule commode pour dire... Pour dire quoi, au fait ? Pour dire que « les
gens » attendent autre chose, et que eux, ceux qui savent et qui agissent,
entendent le leur proposer.

Souhaitons que cette expression soit laissée à ses propriétaires légitimes,
les idolâtres du capital et du marché. Les autres, ceux qui luttent contre la
domination de la marchandise et de ses succédanés, préfèreront une politique
construite en commun, et faite de partage et de solidarité plutôt que calcul
et de maquignonnage.