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Les autres ont réformé et leur chômage a baissé !

Cinquième partie du petit guide contre les bobards de la loi Travail

par Attac
6 avril 2016

« Il est temps d’agir et il faut agir de façon extrêmement musclée », a déclaré Pierre Gattaz le 15 décembre dernier lors d’une conférence de presse. Sur le chômage il faut agir « aussi sérieusement qu’on a traité les attentats terroristes, c’est-à-dire avec un état d’urgence économique pour la croissance et pour l’emploi ». Un mois et demi plus tard était publié le projet de loi Travail qui reprend l’essentiel des exigences du Medef. Et pas seulement : François Hollande « se sait sous surveillance de Bruxelles et de Berlin quant aux réformes – « on coche une case », plaisante-t-il parfois » (Les Échos, 17 mars 2016).

Car la France peine à faire décoller sa croissance. Les éditorialistes nous serinent chaque jour : le chômage des jeunes bat des records, alors qu’ailleurs en Europe règne le plein emploi, obtenu au moyen de réformes salvatrices.

Le gouvernement doit donc supprimer les rigidités du marché du travail, qui sont la faute d’un Code du travail trop protecteur. Mais comment faire accepter des réformes musclées, nécessairement impopulaires, à un peuple ignorant des évolutions du monde ?

En lui racontant des bobards.

Qui veut noyer la démocratie la submerge de bobards. Le petit guide en 8 parties édité par Attac se veut donc un outil contre le mépris, au service de la lutte contre la loi Travail et de cette insurrection démocratique dont nous avons tant besoin. Nous publions ici la cinquième partie.

Quatrième partie

« Nous devons réformer le droit du travail comme nos voisins l’ont fait », Manuel Valls, 6 mars 2016. Sans la loi Travail, nous dit-on, la France resterait à la traîne.

Des « exemples » qui ne donnent pas envie

En Espagne, la réforme de 2012 a facilité les licenciements et privilégié les accords d’entreprise, et le nombre de chômeurs a baissé de 1,5 million entre 2012 et 2015. La preuve que ça marche ? Sauf que… 21 % des travailleurs espagnols sont encore au chômage (alors qu’ils n’étaient que 8,3 % avant 2007). Le gouvernement a un peu desserré l’étau de l’austérité budgétaire en 2015. Cela a permis une petite reprise de l’économie en 2015 (+3 %) qui a créé des emplois mais aucunement rattrapé l’effondrement intervenu avec la crise. Et si le taux de chômage a un peu baissé, c’est aussi parce que près de 300 000 Espagnols ont dû émigrer entre 2012 et 2015 pour aller chercher ailleurs.

En Grèce aussi, les licenciements ont été facilités et les conventions collectives démantelées au bénéfice des accords d’entreprise. Mais l’emploi n’a pas augmenté. Si le taux de chômage a légèrement diminué (de 28 % à 25 %) c’est là aussi en grande partie du fait de l’émigration. Comme au Portugal, d’ailleurs, un pays de 10 millions d’habitants qui en a perdu 400 000 depuis 2010.

Et l’Italie, dernier exemple en date brandi par les promoteurs de la loi Travail, Matteo Renzi a lui aussi libéralisé les licenciements et imposé un contrat de travail unique « à protection croissante », donc sans protection les premières années. 200 000 emplois ont été créés en 2015 (+1 %), alors que l’Italie connaissait une légère reprise économique qui aurait de toute façon bénéficié à l’emploi. Surtout, beaucoup de patrons ont licencié leurs salariés en CDD pour les réembaucher immédiatement en CDI précaire et bénéficier de deux années avec zéro cotisation sociale : des emplois très chèrement payés sur le budget de la protection sociale.

Que faire alors ?

Les réformes du travail dans l’Union européenne détruisent les protections des travailleurs, tandis que les politiques d’austérité nous enfoncent dans le chômage. Pourtant ni l’argent ni les besoins ne manquent en Europe. Ainsi la Banque centrale européenne fournit chaque mois 80 milliards d’euros de liquidités aux banques privées sans aucune condition. Pour créer des millions d’emplois, elle pourrait simplement flécher cet argent vers des projets utiles à la transition écologique.

Sixième partie

P.-S.

Nous republions ce guide avec l’amicale autorisation d’Attac.