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Lettre ouverte à Monsieur Levy, père d’Alma et de Lila, nos élèves.

Une exclusion brutale, et beaucoup de mensonges...

par Kheira Cherif, Sylvie Guérin-Belaïd, Mohamed Metaane, Mehdi Mokrani, Emmanuelle Rougemont
28 octobre 2003

Cinq enseignants du lycée Henri Wallon d’Aubervilliers ont tenu à se désolidariser de la campagne médiatique menée par quelques activistes au nom de toute l’équipe enseignante de leur établissement, qui a abouti à l’exclusion (au demeurant illégale) de deux élèves "voilées" : Alma et Lila Lévy. Ils ont tenu également à se démarquer des récits mensongers qu’ont donné de cette affaire certains de ces activistes - et notamment de la version produite par Philippe Darriulat dans le journal Le Monde.

Oui, monsieur Lévy, vous avez raison, nous ne nous reconnaissons pas, à l’instar d’autres collègues de l’établissement Henri Wallon, dans ce " nous " employé par Philippe Darriulat.

Nous avons bondi, comme vous, lorsqu’il vous a reproché d’utiliser les médias pour défendre le droit à l’école laïque de vos filles, alors que la médiatisation de cette affaire n’est pas de votre fait. Cette médiatisation a déclenché l’arrivée de Monsieur l’Inspecteur d’Académie, suivie de la décision de réunir un conseil de discipline le vendredi 10 octobre.

Dès ce jour, le mardi 23 septembre, les jeux étaient faits et nous refusons d’accréditer la fiction hypocrite d’un dialogue qui n’a jamais existé au sein de la communauté scolaire d’Henri Wallon sur ce sujet. Ainsi, nous n’avons pas même été informés de l’initiative du MRAP qui a rencontré quelques professeurs en votre présence.
Des enseignants de notre établissement scolaire, qui croient avoir le monopole de la lutte pour les droits des femmes et la défense de la laïcité, ont mené campagne contre le foulard. Ils n’ont pas jugé utile d’engager sur ce sujet complexe, sensible, polémique, une véritable réflexion, informée, documentée, argumentée, que nous appelions pourtant de nos vœux le vendredi 26 septembre dans une lettre ouverte à nos collègues. Nous suggérions alors de discuter de la question avec un ou des intervenants extérieurs, sociologues, historiens.. Lors d’une réunion, l’une d’entre nous a proposé l’intervention de Madame Cherifi, médiatrice de l’Education nationale, étrangement silencieuse dans cette affaire. En vain. Elle n’a pas été écoutée.

Nous avons donc continué dans un climat détestable à nous positionner par tracts ou articles de presse interposés, au rythme des déclarations médiatiques des uns et des autres, faussement consensuelles ou pour certaines franchement révoltantes.
Nous ne sommes pas des militants du foulard, ni des adversaires de la laïcité ; nous estimons seulement que tous les enfants ont droit à l’instruction.
Aujourd’hui, vos filles adolescentes, interdites de scolarité depuis le 23 septembre, paient au prix fort, cette incapacité à dialoguer et à débattre sereinement dans notre établissement.

Pour sortir de ce déshonneur pointé à juste titre par D. et G. Cohn-Bendit dans le journal Le Monde daté du vendredi 17 octobre 2003, nous demandons donc à l’Inspection Académique, la réintégration rapide d’Alma et Lila dans l’établissement public de leur choix.

Nous craignons que les évènements d’Aubervilliers ne soient perçus comme un encouragement pour tous ceux qui voudraient exclure d’autres Alma et Lila plus anonymes, et souhaiteraient fermer les portes de l’école à des jeunes filles qu’ils contribuent ainsi à diaboliser.

P.-S.

Kheira Cherif, Sylvie Guérin-Belaïd, Mohamed Metaane, Mehdi Mokrani Emmanuelle Rougemont, enseignants de la cité scolaire Henri Wallon d’Aubervilliers.