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Retraites : 12 idées reçues à combattre

10 – Les hauts salaires contribuent plus dans le nouveau système

par Anaïs Henneguelle
28 janvier 2020

En soutien à la grève, et pour étendre les prochaines mobilisations, le Collectif Les mots sont importants republie une réfutation en douze points de la propagande gouvernementale sur la "réforme" des retraites. Ce guide d’auto-défense a pour vocation de fournir des arguments à tous ceux et toutes celles qui s’opposent à la réforme des retraites mais sont parfois démunis face aux éléments de langage (parfois faux, la plupart du temps incomplets ou simplistes) qu’on leur oppose. Comment répondre aux éléments de langage du gouvernement ? Que rétorquer à son ami, salarié du privé, qui prétend que « ça fait les pieds aux fonctionnaires et aux cheminots » ? Quels chiffres simples mais efficaces mettre en avant pour exprimer sa colère ou son inquiétude ? En bref, comment (se) mobiliser contre la réforme des retraites ?

9ème idée reçue : Le nouveau système bénéficiera aux femmes et aux familles

Les hauts salaires resteront affiliés seulement sur un « bout » de leurs revenus

En écoutant le gouvernement, on a l’impression que les plus riches, sur leurs revenus supérieurs à 120 000 euros bruts par an, vont payer plus de cotisations que sur les 120 000 premiers euros. Or, c’est justement le contraire ! Les cotisations seront de 28 % sur les 120 000 premiers euros (comme pour tous les travailleurs : c’est le taux unique an- noncé dans le rapport Delevoye) et de 2,8 % pour les salaires au-dessus [1].

En clair, au-delà de 120 000 euros bruts par an, les plus riches paieront moins de cotisations que les autres travailleurs. Certes, ils n’ouvriront pas de droits supplémentaires, mais ils pourront utiliser cet argent non utilisé par le système de retraites pour épargner... et s’ouvrir des droits à la retraite par capitalisation ! En fait, les hauts salaires restent affiliés au système de retraites par répartition, mais uniquement sur le bas de leur rémunération...

La « cotisation de solidarité » n’est pas du tout nouvelle

Même si le gouvernement communique beaucoup sur le sujet, la « cotisation de solidarité » appliquée aux hauts revenus n’a en fait rien de nouveau : il s’agit d’un léger relèvement du taux par rapport à celui pratiqué dans le système actuel (de 0,5 point) [2].

Les plus riches cotiseront en fait moins dans le régime annoncé

En fait, cette idée de séparer en deux les revenus des plus riches (avant 120 000 euros et après 120 000 euros) revient finalement à abaisser le plafond sur les cotisations : on ne pourra cotiser pour le système des retraites que jusqu’au plafond de 120 000 euros, soit 10 000 euros bruts par mois. Or, dans le système actuel, un tel système de plafond existe déjà, mais il est bien plus haut : les cotisations sociales sont obligatoires jusqu’à 27 000 euros bruts environ.

Donc, pendant plusieurs décennies (le temps que les générations nées avant 1975, donc concernées uniquement par le système actuel, finissent d’écluser leurs droits, en fait jusqu’en 2065), il faudra continuer à payer malgré tout des pensions très élevées à certaines personnes (puisqu’elles ont beaucoup cotisé, jusqu’à 27 000 euros bruts environ), sans plus percevoir de très hautes cotisations (puisqu’on ne percevra plus les cotisations sur les salaires compris entre 10 et 27 000 euros... ) [3].

11ème idée reçue : Le nouveau système sera plus lisible

P.-S.

Ce texte a été rédigé par Anaïs Henneguelle, maîtresse de conférences en économie à l’Université de Rennes 2, membre du collectif d’animation des Économistes Atterrés. Nous le reproduisions avec l’amicale autorisation de l’auteure. La liste des arguments décodés ici s’inspire de l’allocution d’Édouard Philippe du 11 décembre dernier.

Notes

[1Pour plus d’éléments sur ce taux à 2,8 % (et sur la polémique suscitée par les propos de Thomas Piketty), voir cet article du Monde Diplomatique.

[2Voir l’article de Michaël Zemmour.

[3C’est le problème que pointe l’économiste Michaël Zemmour dans cet article.