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Le Petit Facho de gauche (Deuxième partie)

Bréviaire du racisme vertueux

par Fatouche Ouassak
20 août 2007

Paru en feuilleton dans le mensuel L’Indigène de la république, ce lexique propose, selon les mots de son auteure, quelques rudiments permettant de « véhiculer sournoisement, dans un long discours sur le vivre-ensemble et la tolérance, des représentations racistes, tout en ramassant le stylo tombé par terre que l’on vient d’utiliser pour signer, les larmes aux yeux, une pétition en faveur du petit Mamadou, cinq ans, menacé d’expulsion si on ne fait rien ».

Arabe :

 Version « mille et une nuits » : Phonétiquement, prononcer "ârââbe", en fermant langoureusement les yeux, sur fond d’Oum Kalthoum, lors d’une discussion à propos des magnifiques poèmes de Khalil Gibran.

 Version « foyer Sonacotra » : Phonétiquement, prononcer « le problème avec les arabes... », en ouvrant fébrilement les yeux, lors d’une discussion à propos des problèmes d’insécurité dans les cités.

Black : Permet de désigner un Noir en étant à l’aise (sans être obligé de l’insulter en le traitant de « Noir »), pour montrer qu’il n’y a aucun malaise, que le Black est sans discussion l’égal de l’Humain, et qu’il n’y a vraiment aucun malaise.

Contrôle d’identité : Contrôle qui consiste à aider les jeunes portant des patronymes noiro-arabo-islamico-pas-nets-en-tout-cas, à ne pas oublier leurs origines ethniques, mêmes lointaines, qui seules peuvent les protéger contre la folle tentation d’aspirer à être des citoyens à part entière.

Cours d’intégration républicaine :

 Séance lors de laquelle on rappelle que les races n’existent pas, que seule existe la race humaine. Lorsque dans l’espace public, on parle de « représentants de la diversité », de « jeunes de la troisième génération », de « français de souche »..., on met définitivement un terme à la catégorisation raciale, indigne de la France humaniste, pour fêter tous main dans la main l’esprit républicain et l’universalisme (par souci d’organisation quand même, les mains africaines ensemble, les mains maghrébines ensemble, les mains de souche ensemble...).

 Séance lors de laquelle il est demandé, pour plus d’efficacité, de regarder le médaillon balancer doucement de gauche à droite, de droite à gauche, de gauche à l’extrême droite...

Les paupières s’alourdissent et les races n’existent pas ; en tout cas, pas au pays des Lumières, de Maurras et des Droits de l’Homme.

Déloyale : Qualifie la femme d’origine immigrée, que l’on a recrutée en pensant naïvement qu’elle serait reconnaissante et dévouée, et qui se met pourtant à prendre la parole en son propre nom lors des réunions, à refuser de travailler plus de 52 heures par semaine, et qui veut même avoir un salaire égal à celui de ses collègues qui ont à peine quelques diplômes de moins qu’elle.

Devoir de mémoire : Travail de mémoire que doivent absolument faire les jeunes maghrébins des banlieues, chez qui la montée de l’antisémitisme rappelle dangereusement celle des années 1930, pour que plus jamais ils ne reproduisent l’horreur de la Shoah, extermination de 6 millions de juifs au Maghreb sous la 4ème République maroco-tunisienne.

Fierté d’être français : Sentiment puissant que ressentent les jeunes issus de l’immigration lorsqu’ils expriment leur admiration pour les Français de souche qu’ils rêvent d’égaler. Alors que de façon inquiétante de plus en plus d’africains et de maghrébins se résignent à assumer ce qu’ils sont, les jeunes-issus-de-l’immigration-fiers-d’être-français veulent montrer qu’en ce qui les concerne, ils ne se résigneront jamais à cette terrible fatalité. Ils savent qu’être considéré comme un vrai français, lorsqu’on a des origines ethniques, cela se mérite, mais cela ne leur fait pas peur : ils se battent fièrement, jour après jour, pour atteindre leur idéal, et remercient la République de leur donner la chance d’oser aspirer à être français.

« Il faut éviter les amalgames » : Principe fondamental à rappeler au début de chaque phrase, pour être tranquille, lorsqu’on aborde la question de la délinquance qui est, il ne faut pas se mentir, l’activité principale des jeunes issus de l’immigration vivant dans les cités. Déclinaisons :

 « 99% des musulmans ne sont pas des extrémistes » : Principe fondamental à rappeler en début de phrase, pour être tranquille, lorsqu’on aborde la question du très grand danger islamiste que représentent, il ne faut pas se mentir, les jeunes issus de l’immigration vivant dans les cités.

 « 99% des musulmans ne sont pas des terroristes : Principe fondamental à rappeler en début de phrase, pour inciter les Français à faire un peu de calcul mental (1% de terroristes, sachant qu’il y a 4 millions de musulmans en France...), histoire qu’ils continuent à être très prudents dans le métro, pour ne pas risquer de mettre en péril une culture de la peur et de la suspicion si difficilement mise en place.

« J’ai lu dans Le Monde il y a quelques semaines que... » : Caution de gauche qui permet de parler franchement des vrais problèmes de la société française sans être taxé de raciste à tout bout de champ. Toujours bien avoir lu l’article « il y a quelques semaines », et jamais « il y a quelques jours », pour décourager les plus curieux d’essayer de retrouver les traces de l’article fictif.

« J’ai un ami, Rachid, éducateur à Vitry, qui dit que... » : Expression de gauche synomyme de « J’ai lu dans le Monde que... ». Attention : pour une personne qui ne compte pas l’ombre d’un cheveu frisé de maghrébin parmi ses amis, pour plus de crédibilité, préférer avoir lu dans Le Monde. Exemples :

 Avoir lu dans Le Monde... la régulation de l’immigration : Avoir lu dans Le Monde que (ou avoir un ami Rachid qui dit que) les Français d’origine immigrée eux-mêmes ne veulent plus du laisser-faire concernant l’afflux en France de migrants. Pas bêtes sur ce point précis, les Français d’origine immigrée disent avoir compris que c’est le laxisme dans ce domaine qui les empêche d’être des Français de souche et qui les oblige à provoquer le racisme de la société française à leur égard.

 Avoir lu dans Le Monde... le foulard à l’école : Avoir lu dans Le Monde que (ou avoir une amie Rachida qui dit que) la loi interdisant le voile à l’école a été vécue comme un facteur d’émancipation par les jeunes filles qui portaient le foulard. Ces filles comprennent que cette loi est une grande réussite puisqu’elles ne portent plus le voile à l’école. Elles ne vont en effet plus à l’école et continuent le formidable processus d’émancipation enclenché par cette loi dans leur chambre.

Kabyles : Hommes et femmes à l’esprit beaucoup plus laïc, poétique, dithyrambique et anthropo-sidérurgique que les algériens d’origine maghrébine. En effet, eux ont le bon goût d’avoir la peau claire, certains poussant même leur soif d’universalisme jusqu’à avoir les yeux verts.

Maghrébin non homophobe : Maghrébin homosexuel, bisexuel, transsexuel... – ou en tout cas pas tout à fait normal lui-même, côté sexualité.

Maghrébin non sexiste : Maghrébin âgé de 26 ans, résidant au 34 rue Voltaire, à Paris. Il y en avait un deuxième à Wattignies (près de Lille), mais il est malheureusement mort dans un accident de moto en février dernier.

Maghrébin non antisémite :

Définition en cours de construction. Appel à contribution des lecteurs : si vous connaissez une personne répondant au critère « maghrébin non antisémite », merci de contacter de toute urgence la rédaction du journal à l’adresse suivante : journalindigene@yahoo.fr (qui fera suivre au Petit facho de gauche). Pour ne pas que cet appel à contribution soit vain, les Maliens, les Comoriens, les Sénégalais du nord du Sénégal, ainsi que les touristes qui ont passé au moins 3 fois 15 jours de vacances à Marrakech ou à Djerba, seront considérés comme « maghrébins » par le Petit facho de gauche, qui a peu d’espoir mais qui essaie d’y croire malgré tout.

Mariage mixte : Sorte de défi humaniste et humanitaire, qui consiste à vouloir tirer vers le haut une personne immigrée en lui permettant, dans le cadre de cette union mixte, d’avoir des enfants qui certes hériteraient pour moitié d’un sang immigré, mais qui seraient quand même à moitié normaux.

« Ma femme kabyle et moi » : Façon de présenter sa femme à ses amis de gauche en rentabilisant de façon maximale un mariage mixte. En effet, cela permet d’être intouchable en matière de tolérance et de grand-humanisme, même lorsqu’on s’accorde, au cours d’une discussion de gauche, une blague un peu raciste mais pleine de tendresse sur ces bons à rien d’Algériens.

« Ma femme... et moi » : Façon de présenter sa femme lorsqu’elle est antillaise. Inutile en effet de qualifier plus précisément son épouse pour susciter l’admiration de ses amis de gauche, la belle couleur de peau « chocolat » se passant de tout commentaire. Préférer la légèreté en la montrant du doigt, lorsqu’elle s’éloigne.

Marrakech et Ouarzazate : Marrakech est un site touristique français déclassé car les domestiques (« marrakchis » en arabe) ont été incapables de conserver l’authenticité non-marchande du site, que les touristes payaient pourtant très cher. En outre, les marrakchis n’étaient absolument plus en mesure de garantir le dépaysement : les touristes toujours plus nombreux y croisaient de plus en plus de touristes. C’est pourquoi aujourd’hui, pour des vacances plus authentiques, plus dépaysantes et plus branchées, de plus en plus de touristes préfèrent se rendre à Ouarzazate, afin d’évider de rencontrer des touristes.

Noyer le poisson : Sacrifice rituel de ce poisson indigne qu’est la discrimination raciale. Noyer la discrimination raciale, à la gloire de la République une et indivisible, en implorant pêle-mêle la discrimination sociale, la discrimination homophobe, la discrimination à l’égard des gauchers, des roux, des blondes, des trop gros, des trop belles, des trop intelligents, des trop gentils… – et toute discrimination qui pourrait de près ou de loin servir à la noyer bien profond.

Petit facho : Désigne un homme qui vote Front National, a un gros ventre, un CAP ou un BEP, est chômeur, alcoolique, très mal habillé et a les cheveux gras à la racine, et aux pointes. Ses propos bassement racistes sont évidemment à condamner en Francepaysdesdroitsdel’homme. Ce qui est drôle au fond, c’est qu’il déteste les immigrés, par rapport auxquels il se croit supérieur, alors qu’ils sont absolument égaux au niveau culturel : quasiment analphabète, il a lui aussi un fort accent quand il croit parler français, et culturellement, il aime presque autant battre sa femme et ses enfants.

Pratique du ramadan : Variable qu’utilisent les instituts de sondage pour mesurer le degré d’obscurantisme des musulmans en France, et qui, lorsqu’elle est croisée avec la variable « non-consommation de porc », donne une assez bonne idée du risque préoccupant d’alqaïdaïsation galopante de la société française.

Prendre sur soi : Attitude qui consiste, lorsqu’un immigré algérien se plaint de façon arrogante du traitement réservé aujourd’hui en France aux immigrés et à leurs enfants, à ne pas montrer son étonnement de voir que les mêmes qui ont chassé hors de l’Algérie les Français en 1962, s’accrochent autant aux basques de la France à présent, en se plaignant de surcroît. Attitude « Grand Seigneur » qui consiste à résister à l’envie de faire à l’immigré en question un petit rappel historique, et à se contenter de lui sourire ironiquement, sans rien dire.

Projets de lutte contre les discriminations à l’embauche : Projets visant à proposer aux Français d’origine ethnique des formations et des parrainages pour qu’ils apprennent à se présenter de façon moins provocante aux entretiens d’embauche. On les aide ainsi à ne pas provoquer les discriminations illégales qu’ils subissent. Les employeurs, discriminant illégalement sont rassurés par ce type de démarche, signant même dans leur grande bonté, lors de colloques avec cocktails et auto-satisfaction, des Chartes de la Diversité. Technique efficace qui pourrait être généralisée à l’ensemble du système judiciaire : dans une affaire de viol par exemple, on mettrait en prison la personne violée pour qu’elle apprenne à ne plus provoquer le viol qu’elle a subi. Les violeurs seraient sûrement rassurés par ce type de démarche, et signeraient peut-être dans leur grande bonté, lors de colloques avec cocktails et auto-satisfaction, des Chartes de la Chasteté.

Projet inter-culturel : Séminaires de formation sur « l’Art du couscous-merguez au Maghreb, de la préhistoire à nos jours », qui se déroulent sur 47 demi-journées et demi. À l’issue de cette formation à l’inter-culturalité, les travailleurs sociaux sont capables de comprendre comment ça peut fonctionner, un petit africain, et pourquoi ça ne veut pas fonctionner, un petit maghrébin.

Responsabiliser les parents : Politique publique dont l’objectif est de valoriser et de rendre leur dignité aux parents des quartiers dits « sensibles », en montrant à ces parents démissionnaires à quel point ils devraient avoir honte d’être aussi indignes et irresponsables.

Rmiste : Personne que la société a le devoir de sortir de l’alcoolisme.

P.-S.

Ce texte est paru en plusieurs parties, dans les numéros 4 à 8 de L’indigène de la république, Mensuel, 16 pages, 2 euro.