Première partie : Retour sur la loi anti-voile du 15 mars 2004
Seconde partie : Les arguments des féministes antivoile et pro-loi
Les réflexions qui précèdent m’amènent à une question qui a souvent été posée, et qui est peut-être la question que se posent beaucoup de ces féministes évoquées plus haut qui sont restées à la croisée des chemins, embarrassées, souvent muettes, partagées entre la conscience que la loi pouvait être qualifiée de raciste, et le souci du « sort des femmes des quartiers ». Ceci signifiait pour ces féministes de répondre à la question : Comment prendre en compte le racisme de la loi, sans pour autant passer la violence contre les femmes par pertes et profits ?
Cette question préoccupe beaucoup. Mais ses attendus – « ne pas oublier les violences contre les femmes des quartiers et banlieues » – montrent que le discours pro-loi a réussi à faire passer son message principal : il existerait une violence extraordinaire dans les quartiers et banlieues. Et la preuve qu’elle est extraordinaire est que l’on doit imaginer à son sujet une réponse extraordinaire, spécifique. On prend pour acquis qu’elle ne peut pas être comparée à et incluse dans la violence masculine ordinaire.
En effet, de deux choses l’une :
– soit la violence masculine telle qu’elle se manifeste dans « les quartiers » (discrimination sexiste, harcèlement, intimidation, viol) est du même ordre que la violence masculine contre laquelle les organisations féministes luttent depuis leurs débuts, auquel cas les lois et politiques élaborées contre ces violences, aussi insuffisantes soient-elles, s’appliquent également à la violence des « quartiers » (qui n’a plus alors à être désignée ainsi) ;
– soit la violence masculine des « quartiers et banlieues » est spécifique et différente, ou ses victimes sont spécifiques et différentes des autres femmes, et alors il faut des mesures spécifiques et différentes.
Mais il est impossible de préconiser des mesures spécifiques sans impliquer que les auteurs ou les victimes de violences sont différent⋅e⋅s des auteurs et des victimes « ordinaires ».
On a vu que pour ces féministes « partagées », tout se passe comme si établir que la loi est raciste n’était pas une raison suffisante pour la refuser. C’est donc qu’elles acceptent l’idée que des lois pourraient être bonnes pour les femmes tout en étant racistes (« raciste peut-être, mais ne pas oublier les femmes »).
Mais pourraient-elles accepter cette idée, que des lois visant une population, donc racistes, pourraient être néanmoins être anti-sexistes, si elles ne partageaient pas avec les féministes pro-loi une prémisse fondamentale : le sexisme serait pire dans les « quartiers », et justiciable d’un traitement spécial ?
Ce qu’on sent se dessiner en filigrane, c’est une vision dans laquelle la lutte contre le racisme peut entrer en contradiction avec la lutte contre le sexisme, et réciproquement la lutte contre le sexisme peut être contradictoire avec la lutte contre le racisme. Et si la question turlupine tant de féministes, c’est qu’elles ont l’impression de devoir faire un choix déchirant : la lutte antiraciste semble venir en soustraction de la lutte antiféministe.
Avant de parler de l’articulation des luttes, il faut alors en revenir à la question-mère, celle de l’articulation entre les oppressions. Les mécanismes du système patriarcal – ou de genre – et du système raciste sont similaires : assignation à une place sociale sur la base de critères qui essentialisent un groupe. Mais chaque système retient des critères différents. Il s’ensuit que ces systèmes construisent deux ensembles de populations différents. Le dilemme entre lutte antisexiste et lutte antiraciste n’est pensable que si l’on suppose que les deux populations cibles du sexisme et du racisme sont différentes.
Or, le racisme construit certes deux groupes de « race », mais chacun comporte deux « genres » ; et le système de genre construit bien deux groupes de « genre », mais chacun comporte deux « races » [1]. Les ensembles, tout en n’étant pas superposables, ont des aires de recouvrement :
– dans chaque groupe racial il y a des « femmes » et des « hommes », des dominées et des dominants ;
– et dans chaque groupe de genre il y a des « Blancs » et des « Noirs », des dominant.e.s et des dominé.e.s.
Si l’on revient à la question de la compatibilité des luttes, on s’aperçoit que l’hypothèse selon laquelle lutte antiraciste et lutte antisexiste peuvent entrer en contradiction n’est envisageable que si on considère que les personnes opprimées par le racisme sont toutes des hommes.
Dit autrement : cette hypothèse ne se comprend que si les femmes du groupe ne sont pas soumises au régime raciste. À cette condition en effet, des mesures racistes mais antisexistes pourraient être bonnes pour elles.
En revanche, si on considère qu’elles font partie du groupe racisé et subissent en même temps sexisme et racisme, il est clair qu’une mesure raciste, même antisexiste, est une mesure contre elles.
Les prémisses du dilemme : des hommes sans qualité et des femmes indignes
La question posée plus haut n’est pas épuisée pour autant : on n’a pas épuisé les prémisses qu’elle contient. En effet, en posant cette question, on n’implique pas seulement que les femmes du groupe racisé, les femmes « des quartiers et banlieues », ne sont opprimées que par le sexisme ; on implique aussi qu’elle ne sont opprimées que par un sexisme : celui de « leurs » homme [2].
Car si elles sont opprimées par le sexisme général, ordinaire, alors pourquoi passer une mesure raciste ? Le fait de mettre les deux en balance : antisexisme contre antiracisme, implique que l’on met en balance, à l’intérieur du même groupe, les intérêts des hommes et des femmes, et qu’on estime que ce n’est qu’en réprimant les hommes du groupe que le sort des femmes du groupe sera amélioré. Cela implique réciproquement, que le sort des femmes du groupe ne sera amélioré qu’en visant les hommes de leur groupe, et non les hommes en général. L’amélioration du sort des femmes du groupe passe donc par une mesure de racisme, puisqu’il est proposé de réprimer les hommes de manière sélective.
Ainsi, mettre en balance antisexisme et antiracisme, c’est adhérer, de façon implicite ou inconsciente mais adhérer tout de même, à la thèse selon laquelle, dans les « quartiers et banlieues », vivraient des gens à part de la société en général. Du coup, ce ne sont pas seulement les hommes du groupe qui sont distingués pour leur sexisme extraordinaire : dans cette vision, les femmes aussi sont tenues à l’écart, conceptuellement ségréguées de la société dans son ensemble ; elles n’ont rien en commun avec les autres, les femmes « hors quartiers et banlieues », puisqu’elles sont victimes d’une part d’un sexisme spécifique et d’autre part ne sont victimes que de ce sexisme-là.
Dès lors, la sollicitude qui s’adresse à ce groupe de femmes ne peut pas être une sollicitude ordinaire, de femme à femme ; c’est nécessairement une sollicitude de haut en bas : de moins opprimée — ou opprimée « ordinairement » — à plus opprimée, ou opprimée « extraordinairement ». Mais c’est aussi une sollicitude insultante, fondée sur la prémisse que les femmes des quartiers et banlieues, d’abord sont des victimes et ne sont que cela ; ensuite vivent avec et aiment des pères, des frères, des maris et des fils qui ne sont pas simplement sexistes comme tout un chacun, mais le sont au point de n’être quasiment que cela. Le sexisme les définit tout entiers, et il n’y a en eux pas de place pour autre chose, du moins pas pour autre chose de positif.
L’indignité de ces hommes rejaillit sur les femmes qui les aiment : car quelle femme faut-il être pour aimer quelqu’un d’indigne ? Les femmes de ce groupe devraient donc, dans la vision commune et parfois féministe, quitter ces hommes dont les traits négatifs épuisent la description, car il n’y a rien à attendre d’eux ; et en tous les cas cesser d’éprouver des sentiments positifs à leur égard, sous peine d’être considérées elles-mêmes comme indignes [3]. C’est d’ailleurs ce que dit le groupe Ni Putes, Ni Soumises, et ce pour quoi il est approuvé et admiré par un grand nombre de féministes, mais aussi d’intellectuels, de journalistes, de politiciens et de ministres qui les financent et les décorent.
Noircir les uns ou blanchir les autres ?
Si le groupe Ni Putes Ni Soumises dénonce un sexisme très réel (les harcèlements et les violences contre les femmes ne sont pas imaginaires [4] ), il semble en revanche totalement ignorer que le sexisme et les violences masculines ne sont pas l’apanage des « quartiers et banlieues ». Or, une demi-vérité est un mensonge.
Quand par exemple, en 2003, Samira Bellil présenta pour la première fois son livre Dans l’enfer des tournantes à la télévision, ni la présentatrice, Mireille Dumas, ni les invités n’eurent un mot pour mentionner, ne fut-ce qu’une fois, que les viols collectifs ne constituent que 6 % de tous les viols recensés (et encore ce chiffre comprend-il les violences intra-familiales), ni tout ce qu’on sait de ces viols collectifs, connus en France depuis des temps aussi reculés que le reste des matériaux historiques. Cette émission réussit à présenter les viols collectifs comme un phénomène d’une part nouveau, d’autre part localisé dans les « quartiers et banlieues » ; l’inférence qu’il était dû aux mœurs spécifiques des violeurs, Arabes et Noirs, était présentée sur un plateau aux téléspectateurs/trices qui ne pouvaient la manquer.
Ce dévoilement d’une réalité dramatique aurait été la bienvenue si elle avait eu pour objectif de parler de la violence contre toutes les femmes en France. Mais le but recherché n’était pas celui-là. Si le livre de Samira Bellil fit un tabac, celui tiré de la première enquête scientifique nationale sur les violences contre les femmes, le rapport ENVEFF (2003), fut totalement ignoré des médias – et pire, attaqué de façon vicieuse par des universitaires [5]. On peut donc penser que la publicité faite au livre de Bellil et aux « tournantes » (viols collectifs) était dirigée non pas tant vers la protection des femmes, que vers la stigmatisation des garçons des « quartiers et banlieues » (Hamel, 2003b). L’effet global du discours est de produire une image dans laquelle le sexisme est le seul fait de ceux qu’on appelle « immigrés de la deuxième génération » (alors qu’ils sont français) ; dans laquelle, combattu, et vaincu dans la société globale (« normale »), le sexisme résiduel a trouvé refuge dans les ghettos. Il ne reste plus qu’à assiéger ceux-ci pour s’en débarrasser tout à fait [6].
L’absolution des hommes dits « français de souche », décrétés par omission incapables de violer, avait commencé : la présentation sélective des violences accomplissait de pair l’accusation des autres et leur exonération de tout ce dont ces autres étaient accusés. Dans cette affaire, il est difficile de déterminer lequel des deux buts est le plus consciemment visé, du noircissement des uns ou du blanchiment des autres.
Sortir les femmes racisées de l’ensemble des femmes…
La façon dont sont envisagés les problèmes et leur solution ne peuvent pas séduire un grand nombre de ces femmes « des quartiers et banlieues ». Car est ainsi occulté un fait central :
Les femmes d’un groupe racisé sont victimes du racisme tout autant que les hommes.
Certes, le racisme, se combinant avec l’oppression de genre, est modifié par cette dernière : il prend des formes genrées, de même que le genre prend des formes racisées. Mais la discrimination, pour s’exercer de façon différente selon le genre, n’en épargne aucun.
L’oppression « spécifique » des femmes « de couleur » (appartenant à des groupes racisés ou plus généralement subalternes) est un des thèmes majeurs des études féministes anglaises, mexicaines, indiennes, brésiliennes, nord-américaines, et le sujet de centaines d’ouvrages depuis 15 ans. Même en France, pays sous-développé de ce point de vue, des travaux portant sur ce thème voient le jour [7]. Mais l’un des points majeurs des féminismes critiques du féminisme « blanc » [8] est le refus de considérer que les situations diverses des femmes « du Tiers-Monde » (terme dans lequel Chandra Mohanty (1991) englobe aussi les « minorités raciales » des pays occidentaux) seraient des particularismes au regard d’une situation « générale », voire « universelle » qui serait incarnée par la situation des femmes blanches [9].
Les féministes appartenant à des groupes racisés ou subalternes insistent, dans le monde entier, sur trois points qui rendent parfois difficile l’entente avec les féministes des groupes raciaux dominants (« blancs » en Europe et en Amérique du Nord, « métisses » au Mexique, etc.) :
– elles refusent de séparer la lutte féministe de la lutte anti-raciste, car le sexisme et le racisme constituent ensemble et de façon indissociable leur oppression des femmes « de couleur » (ou « du Tiers-monde » ou « racisées ») ;
– elles refusent de renier les solidarités objectives et subjectives qui les lient aux hommes de leur groupe, racisés eux aussi ;
– elles contestent l’idée que « leur culture » est nécessairement plus sexiste que celle du groupe dominant, et qu’elles sont nécessairement « plus opprimées » que les femmes appartenant à ce groupe.
Ceci ne signifie nullement qu’elles tolèrent plus le sexisme des hommes racisés que celui des autres, mais qu’elles ne peuvent ignorer ce qu’elles ont en commun avec ces hommes, pas plus d’ailleurs qu’elles ne peuvent ignorer ce qu’elles ont en commun avec les femmes des groupes racialement dominants. Elles refusent d’appliquer comme des « recettes » les stratégies d’émancipation pensées à partir d’autres situations. Elles veulent mener leur lutte à partir de leur situation de « double oppression » [10], de genre et de race, ce qui implique qu’elles luttent à la fois avec et contre les hommes de leur groupe, ainsi qu’avec et contre les femmes du groupe dominant.
… pour leur appliquer un traitement spécial…
Il ne fait aucun doute qu’avec l’émergence d’un mouvement féministe indigène, la même revendication sera bientôt exprimée en France [11]. Mais avant même qu’elle ne soit explicitée par les intéressées, toutes les féministes auraient dû s’alarmer de la « solution » proposée aux femmes arabes et noires. Cette « solution », qui n’est pas nouvelle, est résumée ainsi par Loubna Méliane, porte-parole de NPNS : il faut
« aider les femmes des quartiers à quitter leur milieu et leur famille ».
Rien de moins. Or est-ce la « solution » que les féministes occidentales, que ce soit en France, en Suisse, en Belgique, ou ailleurs, ont prise pour elles-mêmes ? Et est-ce la « solution » qu’elles ont préconisée aux autres femmes avant de s’adresser aux femmes arabes et noires ? L’extraordinaire violence de cette « solution », présentée comme la seule, apparaîtrait clairement aux féministes si elles se mettaient une minute à la place de ces femmes dont elles parlent tout en refusant de parler avec elles.
On ne peut imaginer une telle « solution », un tel « conseil », que si on est incapable de s’identifier en pensée à l’autre. Ce qui est manifeste dans ce conseil, c’est le « deux poids, deux mesures » incompatible avec une démarche féministe : l’expression d’exigences supérieures à celles que l’on a pour soi-même ou pour les personnes considérées comme des « semblables ». Car cette exigence que les féministes blanches ainsi que Ni Putes Ni Soumises expriment vis-à-vis des femmes « des quartiers et banlieues », elles n’imagineraient pas l’exprimer vis-à-vis d’elles-mêmes, et donc vis-à-vis de « sœurs » féministes.
La plupart des gens dans nos sociétés, comme dans d’autres, éprouvent de l’attachement pour leurs parents. Quand le féminisme dénonce, comme il le fait, l’exploitation et les violences qui prennent place dans la famille, c’est parce qu’elles existent, mais aussi parce que, dans le lieu censé être celui des relations affectives, elles sont encore plus scandaleuses qu’ailleurs. Cependant aucune féministe n’a jamais soutenu que l’attachement n’est qu’ un moyen de domination, même s’il est cela aussi, encore moins préconisé de renoncer totalement à tout attachement. Et hic et nunc, l’attachement des enfants aux parents et des parents aux enfants est bien réel, on le constate tous les jours. En dépit des désaccords et des ressentiments qu’ils et elles éprouvent, peu d’enfants, en dehors des cas de maltraitance, choisissent de rompre tout lien avec leurs parents. Les enfants préfèrent garder ces liens, même si les relations sont conflictuelles.
Les féministes ne font pas exception à la règle. Pourquoi alors nombre d’entre elles voient-elles dans la rupture avec la famille d’origine « la seule façon de s’en sortir » pour les femmes « issues de l’immigration » ? Pourquoi exigent-elles des femmes arabes et noires quelque chose qui serait douloureux pour elles au point que beaucoup préfèrent passer des compromis plutôt qu’en arriver là ? Pourquoi exigent-elles de ces autres femmes ce qu’elles n’envisagent pas pour elles-mêmes ? Sinon parce qu’elles perçoivent ces femmes à travers un filtre d’altérité tel que toute empathie, toute identification est impossible ?
… qui est un traitement de type colonial
La capacité d’empathie a été et demeure pourtant la « technique » féministe qui a le plus fait ses preuves. Le féminisme part d’un principe fondateur, qu’au-delà des différences de situation, les femmes ont quelque chose en commun : l’oppression patriarcale. Mettre cette théorie en pratique suppose de chercher ces points communs, et donc de se mettre à la place de l’autre femme et de considérer cette « autre femme » comme sa semblable, son égale. Les femmes arabes et noires à qui cette suggestion de quitter leur famille est faite sans arrêt, de façon explicite ou subliminale, sont en droit d’être doublement offusquées.
D’une part, elle perçoivent très bien le manque d’empathie, l’incapacité d’identification, la position d’altérité absolue d’où provient cette suggestion ; et d’autre part elles éprouvent du ressentiment devant l’image qui leur est renvoyée par cette suggestion, même si cette image n’est pas explicitée : une image dans laquelle leur mère et leur père, leurs sœurs et leurs frères ont si peu de qualités qu’il est inimaginable qu’elles/ils soient aimé⋅e⋅s par elles. Ce sont non seulement leurs proches, mais leurs propres sentiments pour ces proches, et donc elles-mêmes, qui sont estimé.e.s sans valeur.
En outre, la « famille » et le « milieu » dont on veut « sauver » les jeunes filles sont certes contraignants, comme toutes les familles et tous les milieux, mais sont aussi le lieu de solidarités, tant familiales que sociales, qui n’existent pas « dehors ». En quoi d’ailleurs réside cette attirance pour le « dehors », sinon en la croyance au mythe d’un homme blanc non-sexiste ?
Il faut souligner l’incohérence remarquable qui caractérise la façon de considérer ces femmes dans le discours que les médias ont construit comme étant le seul discours « féministe », qu’il soit tenu par des machistes confirmés ou par des femmes. Ce sont les lycéennes qu’on prétend sauver des familles qui les contraindraient, dit-on, à porter le foulard… en les renvoyant dans ces familles. Ce sont les « autres » de même origine qu’on prétend sauver des premières alors qu’elles ne demandent rien et sont au contraire encore plus opposées à la loi que les autres lycéen.n.es [12].
Le seul point commun à ces « raisons » diverses, souvent contradictoires entre elles et avec leurs objectifs affichés, réside dans le regard porté sur les Françaises d’origine immigrée, un regard qui les construit comme des êtres incapables de discerner le vrai du faux, le bon du mauvais : une population d’enfants qui ne peuvent que « se tromper » [13]. Des enfants à la place desquels on doit décider, pour leur bien ; plus : imposer cette décision par la contrainte s’il le faut. Que des politiciens aient cette attitude n’étonne pas. Mais comment des féministes qui dénoncent le paternalisme des hommes, peuvent-elles ne pas voir que la même logique est à l’œuvre dans la prétention à « sauver » des femmes malgré elles et contre leur gré ? Que l’administration de la violence contre les enfants, les femmes, les colonisé.e.s, prend toujours pour excuse la débilité des victimes que le paternalisme a précédemment construite ? [14]