Nous espérions ne plus avoir à reparler de Caroline Fourest, de Fiammetta Venner et de leur revue Prochoix . Cette revue, dont nous partageons les combats contre le sexisme, l’homophobie et l’ordre moral, et à laquelle nous avions contribué en mai 2003 en publiant un article critiquant les politiques dites de " mixité sociale ", est entrée depuis l’été 2003 dans un combat acharné " contre le voile ", mais aussi contre les élèves voilées et contre toutes celles et ceux qui refusent de les exclure de l’école publique, combat qui les a amené à publier une série d’attaques contre notre collectif - et plus encore contre la personne de Pierre Tévanian, qui a eu, en décembre 2003 l’honneur d’un communiqué de Prochoix intitulé " Pierre Tévanian ou la gauche pro-voile ".
À chacune de ces attaques, nous avons réagi, en prenant garde toutefois de ne pas répondre à l’injure par l’injure, et en nous contentant d’apporter des faits qui réfutaient les accusations infondées qui nous étaient faites (en citant, par exemple, des textes où nous disions le contraire de ce que l’on nous faisait dire) .
Nous pensions l’affaire close, et la rupture consommée, lorsqu’en janvier dernier, nous avons reçu, à quelques jours d’intervalles (le 14 et le 20), deux courriers recommandés de " mise en demeure " (sic) nous demandant de " supprimer " (sic) toutes les mises au point que nous avions publiées. Ces deux courriers portaient l’en-tête " Prochoix " ; le premier était signé Liliane Kandel, et mentionnait le passage jugé par elle " diffamatoire " (un extrait de notre texte " Pieux mensonges ", en ligne sur ce site, faisant allusion à la reprise d’un de ses articles sur deux sites racistes d’extrême droite) ; l’autre était signé Caroline Fourest, rédactrice en chef de Prochoix, et parlait de passages " diffamatoires " ou " injurieux " dans chacun des six textes la mentionnant, mais sans citer aucun de ces passages.
Les deux courriers mentionnaient également le nom d’un cabinet d’avocat (le même dans les deux courriers : Maître Gaëtan Papazian), et nous menaçaient, si nos textes n’étaient pas " supprimés " dans un délais de quelques jours, de " donner à cette affaire les suites juridiques qu’elles méritent " [1].
Manifestement, " l’affaire " ne mérite pas de " suites juridiques " très poussées : nous n’avons supprimé aucun texte, et à l’issue de l’ultimatum qui nous était imposé, nous n’avons reçu aucune nouvelle ni de Liliane Kandel, ni de Caroline Fourest, ni de M. Gaëtan Papazian. Il faut se rendre à l’évidence : il s’agissait d’un coup de " bluff ", destiné à nous faire retirer des textes qui, s’ils ne tombent pas sous le coup de la loi, contiennent en revanche quelques vérités qui dérangent manifestement nos interlocutrices.
Cette stratégie d’ intimidation vient de se poursuivre : au bout de trois mois, M. Gaëtan Papazian nous a adressé un nouveau courrier recommandé qui, sans évoquer aucun grief précis contre aucun de nos textes, nous " met en demeure " de " mettre un terme définitif " à notre " agissement répréhensible et préjudiciable " à l’égard de ses clientes Caroline Fourest et Fiammetta Venner, et nous " somme " de " cesser toute publication, propos tendancieux et gravement injurieux " à leur égard. " À défaut ", ajoute-t-il, " et en cas de nouvel écart de votre part, je n’hésiterai pas à recourir à la voie contentieuse et à saisir les tribunaux compétents ".
Pour plus de précision sur l’enjeu de cette opération qui commence à ressembler à du " harcèlement judiciaire ", et afin de faire apparaître son absence de fondement, nous reproduisons ci-dessous deux courriers que nous avons écrits : le premier est la réponse que nous avons adressée en courrier recommandé à Liliane Kandel, auteure de la première lettre de menace ; le second est une lettre à Caroline Fourest, que nous n’avons finalement pas pris la peine de poster, considérant que nous n’avions pas à gaspiller des timbres pour répondre à ce qui ressemblait trop à une opération d’intimidation. Quant à M. Papazian, il pourra considérer la conclusion qui suit comme une réponse à son propre courrier.
Lettre à Liliane Kandel
Madame,
Ayant pris connaissance de votre courrier recommandé du 17 janvier 2004, je tiens à vous faire les remarques suivantes ;
– 1. les sites SOS France et SOS Occident ont effectivement repris votre article intitulé " Un foulard qui suscite d’étranges cécités ". Je vous joins les copies des pages internet en question, qui l’attestent.
– 2. le passage dans lequel j’évoque cette situation de fait vous met clairement à l’abris d’une quelconque accusation de connivence avec ces sites d’extrême droite : j’affirme que personne n’est comptable des lieux de publication de ses textes, dès lors qu’on n’a pas été consulté. Votre cas n’était évoqué que pour le démontrer, et pour démontrer que personne n’est à l’abri de telles accusations infondées.
Je ne " supprimerai " donc pas mon texte, comme m’y invite votre " mise en demeure ". J’ai décidé de procéder à une modification de détail, afin que mon texte reste exact dans les semaines et les mois à venir, quelles que soient les évolutions du contenu de ces sites, et notamment une fois votre texte retiré : je remplace " se trouve depuis sa parution en une " par cette formule plus simple : " a figuré sur ". Cette modification, cela dit, ne change rien quant au fond de mon propos : dans l’ancienne rédaction comme dans la nouvelle, il n’y a absolument rien qui vous porte atteinte, étant donnée ma remarque 2.
Il reste à se demander quel est le sens de votre lecture erronée de mon texte, et du ton comminatoire de votre courrier.
Veuillez agréer, Madame, l’expression de ma considération distinguée.
Pierre Tevanian
P.S. Pièces jointes : pages internet des sites "SOS France" et "SOS Occident" contenant l’article "Un foulard qui suscite d’étranges cécités" de Liliane Kandel. [2].
Lettre à Caroline Fourest
Madame,
J’accuse réception de votre courrier du 20/01/2004. Contrairement à ce que vous dites, les textes que vous évoquez ne sont ni " diffamatoires " ni " injurieux " ; ils ne contiennent pas non plus de " fausses citations ". Il n’y a donc pas de raison de les " supprimer ", comme vous me mettez " en demeure " de le faire.
Concernant les deux seuls griefs précis que vous formulez, je tiens à vous dire que
1. sur la mention que je fais de votre appartenance à la " bourgeoisie blanche " (dans le texte intitulé " Campus ou champ de bataille ? "), j’ai déjà répondu dans un texte précédent, en expliquant très clairement pourquoi la mention de ce fait ne doit pas être comprise comme une injure ou une insulte. Je vous y renvoie donc : il s’agit du point 29 du texte intitulé " ProChoix : le choix de la calomnie. Deuxième partie ", en ligne sur www.lmsi.net.
2. sur ce que vous appelez dans votre courrier " la volonté nette d’une campagne de décrédibilisation " de votre revue, volonté que vous croyez pouvoir déduire du " simple listing du menu " de notre site, vous n’êtes pas sans savoir que les cinq textes qui figurent dans ce " menu " et qui vous sont consacrés (sur plus de 230 textes publiés sur notre site) ne sont que des réponses à des propos désobligeants et non fondés que vous avez à chaque fois pris l’initiative de tenir à mon égard dans votre revue ou sur votre site ; par conséquent, on ne saurait y voir une quelconque " campagne ".
Plus précisément,
– mon texte intitulé " Eclaircissements " (publié en deux parties) est comme son nom l’indique une mise au point écrite en réaction à un article de Caroline Fourest et Fiammetta Venner publié dans le n°25 de ProChoix (plus précisément , c’est une réaction à des reproches non-fondés et extrêmement désobligeants : complicité avec les " islamistes ", volonté d’occultation des violence sexistes en banlieue, " racisme différentialiste ") ;
– mon texte intitulé " Pieux mensonges " est une mise au point écrite en réaction à un texte de la rédaction de Prochoix paru dans le n°26 de la revue (m’accusant sans raison de " procès d’intention en islamophobie " contre votre revue, et m’associant à l’UOIF sur la base d’informations tronquées) ;
– enfin, mon texte intitulé " Prochoix : le choix de la calomnie " (publié en deux parties) est une mise au point écrite en réaction à la publication en décembre 2003 d’un communiqué de Prochoix intitulé " Pierre Tevanian ou la gauche provoile ", dans lequel j’ai relevé une trentaine de contre-vérités .
– Il en va de même du texte de Xavier Ternisien, " Salir un homme ", que vous nous demandez également de " supprimer " : il s’agit d’ une réponse à des propos tenus par Caroline Fourest à son sujet dans le n°26 de la revue ProChoix.
Nous ne céderons donc pas à votre menace de procès : nous ne supprimerons aucun des six textes que vous nous demandez de supprimer. Cela étant dit, nous nous interrogeons sur le sens de ce courrier comminatoire , qui se substitue au débat d’idées ou à la réponse sur les faits.
Veuillez agréer, Madame, l’expression de ma considération distinguée.
Pierre Tévanian
Conclusion
Sans vouloir accorder trop d’importance à ces tentatives de " censure par la peur ", nous avons estimé qu’il était utile de rendre public le comportement de Liliane Kandel, Caroline Fourest et Gaëtan Papazian, afin de faire connaître les procédés singuliers auxquels ne répugnent pas de recourir des gens qui, bien entendu, disent lutter pour la démocratie, la liberté et l’égalité.
Nous sommes conscients que, de tels procédés ne faisant pas honneur à leurs auteurs, nous risquons, en les rendant publics, de porter à nouveau " préjudice " aux animatrices de la revue Prochoix. Mais avant de nous attaquer en justice pour ce " préjudice ", M. Papazian devrait prêter attention à ce détail qui, en la matière, a son importance : nous ne faisons, depuis le début que répondre à des attaques, nous ne le faisons qu’en rendant publics des faits vrais, qui ne concernent pas la vie privée de quiconque, et nous restons par conséquent dans les limites de la liberté d’expression telles que les fixe la loi. Il n’est pas certain que ce soit le cas de tout ce que Caroline Fourest et Fiammetta Venner ont publié sur le compte de Pierre Tevanian.