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Arméniens contre l’extrême droite 

Au nom de notre passé, de notre présent et de notre avenir : appel à une mobilisation massive

par Collectif
4 juillet 2024

L’appel qui suit, dont les signataires sont indiqués en post-scriptum, a été publié le 26 juin dernier dans L’Obs sous le titre « Des Arméniens soutiennent le Nouveau Front populaire ». Nous le republions ici à la veille du second tour, estimant qu’il garde toute son actualité, qu’il prend même une dimension plus solennelle et impérieuse encore – et que l’appel au vote-barrage qu’il préconise peut désormais s’étendre à toutes les forces politiques (y compris Renaissance ou Les Républicains) qui se trouvent en position de battre le parti fasciste.

La France est à la croisée des chemins. Deux visions de la société vont s’affronter à l’occasion des élections législatives des 30 juin et 7 juillet. D’un côté, celle du Rassemblement national et de ses forces supplétives. Son fondement est le racisme et la xénophobie, une conception de la France qui ignore que notre pays s’est toujours enrichi de son ouverture à l’étranger. De l’autre, celle du Nouveau Front Populaire, qui incarne un espoir pour plus de justice sociale après des décennies de reculs sociaux.

Qui mieux que nous, Françaises et Français d’origine arménienne, peut en témoigner ? Nos ancêtres rescapés du génocide de 1915 sont venus s’installer en France et ont pu y faire leurs vies, y fonder des familles et travailler. Ils n’auraient pas pu trouver refuge en France si un gouvernement d’extrême droite avait présidé aux destinées du pays.

L’ouverture au monde des Arméniens contredit en tous points la conception étriquée de la nation du Rassemblement national. La trajectoire de Missak Manouchian, récemment entré au Panthéon, en est une illustration éclatante. Marine Le Pen était présente lors de l’événement, prête à tout pour instrumentaliser le vote des Arméniens, alors que Missak représente tout ce que le Rassemblement national rejette : l’immigration, la culture, la lutte pour la justice, la résistance au fascisme. Avec tous les Arméniens membres des FFL ou des FFI, il aurait combattu pied à pied le Rassemblement national.

L’extrême droite et la droite flattent souvent les Arméniens en les désignant comme l’exception qui confirme la règle : la communauté parfaite qui a su faire l’effort de s’intégrer là où les autres seraient trop différents, pas assez occidentaux, pas assez chrétiens. L’histoire nous prouve qu’il n’en est rien : les Arméniens furent eux aussi rejetés violemment, par l’extrême droite notamment, en tant qu’« inassimilables » car trop orientaux, trop bigots et trop « communautaires ».

En matière de politique étrangère, l’extrême droite ment aux Arméniens. Elle instrumentalise la défense de la République d’Arménie face à ses agresseurs azerbaïdjanais et turcs, en l’embarquant dans une supposée défense des chrétiens d’Orient, qui n’est que le prétexte à une croisade islamophobe. Elle se moque en réalité éperdument de leur sort, les liens entretenus entre le régime d’Ilham Aliyev (président de la république d’Azerbaïdjan depuis le 31 octobre 2003) et ses députés européens comme Thierry Mariani en sont la preuve. La défense des Arméniens, ceux du Haut-Karabagh (Artsakh) tout particulièrement, suppose une diplomatie reposant à la fois sur des droits humains universels et du pragmatisme.

Depuis 2017, le macronisme a servi de marchepied à l’extrême droite. Recyclant ses thèmes de manière éhontée, il n’a cessé d’aggraver les tensions et les antagonismes au sein de la société, multipliant dans le même temps les attaques contre le modèle social français. Macron et ses alliés ont voté avec le Rassemblement national des lois de « préférence nationale » et se sont alignés sur lui concernant l’abolition du droit du sol à Mayotte. Il a également repris les néologismes les plus caractéristiques de l’extrême droite, comme la stigmatisation du « droit-de-l’hommisme » et de « l’immigrationnisme ». Le résultat nous l’avons sous les yeux : le Rassemblement national est aux portes du pouvoir.

La cooptation au ministère de la culture de Rachida Dati, relais le plus célèbre, et parmi les plus fervents, du régime suprémaciste d’Ilham Aliyev, dont on sait les visées impériales voire génocidaires contre les Arméniens, au Haut-Karabagh (Artsakh) et au-delà, de même que le soutien aux importations de gaz azerbaïdjanais au Parlement européen, montrent que le soutien du gouvernement actuel aux Arméniens est à géométrie variable.

L’autre vision du monde est celle qu’incarne le Nouveau Front populaire, soit le rassemblement de toutes les gauches. Elle reconnaît le caractère depuis toujours pluriel de la France. Des membres des différents partis qui la composent constituent des soutiens indéfectibles de la cause arménienne, votant les résolutions de soutien à l’Arménie au parlement européen, ou se déplaçant en Arménie pour soutenir le peuple face à l’Azerbaïdjan et la Turquie.

Depuis toujours, le cœur du programme du Rassemblement national est le racisme, la discrimination, le cynisme et la loi du plus fort, dans nos frontières comme à l’international. Celui du Nouveau Front populaire est éloquent : condamnation de tous les racismes, réhabilitation de l’hôpital, de l’école et de tous les services publics, rétablissement des retraites à 62 puis 60 ans, de l’assurance chômage et de tous les droits sociaux démantelés. C’est aussi le seul programme longuement détaillé et chiffré économiquement, qui est validé par de nombreux économistes dont une prix Nobel. C’est bien la liberté, l’égalité et la fraternité qui sont au cœur de ce programme, face à une extrême droite liberticide, ouvertement hostile à « l’égalitarisme » et à toute idée de fraternité humaine.

Nous, Françaises et Français d’origine arménienne, appelons les citoyennes et les citoyens à se mobiliser massivement contre l’extrême droite, et à apporter ses suffrages au Nouveau Front populaire.

P.-S.

Signataires :

Viviane Albenga, sociologue ;
Renaud Cornand, sociologue ;
Séverine Dessajan, anthropologue ;
Julien Dessajan, médecin ;
Dan Gharibian, musicien, auteur, compositeur ;
Macha Gharibian, musicienne, auteure, compositrice ;
Philippe Huneman, philosophe ;
Razmig Keucheyan, sociologue ;
Stefan Kristensen, philosophe ;
Sylvie Manouguian, responsable associative ;
Hovig Mencarelli, collaborateur parlementaire ;
Danielle Mourgue, syndicaliste Solidaires-Sud Éducation ;
Claude Mutafian, historien ;
Alain Navarra-Navassartian, sociologue ;
Marie Sonnette-Manouguian, sociologue ;
Hovig Ter Minassian, enseignant-chercheur ;
Pierre Tevanian, philosophe