
Publié le 4 février 1869, le texte qui va suivre est de ces œuvres qui, aujourd’hui encore, font vibrer nombre de militants révolutionnaires. Il a été écrit par un écrivain de valeur, l’un des rares à avoir franchement pris parti pour les Communards, alors que le merveilleux monde des lettres appelait quasi-unanimement à leur extermination : Jules Vallès.
Il s’agit de l’éditorial du premier numéro d’un éphémère journal intitulé Le Peuple, qui présente avec lyrisme et empathie plusieurs figures emblématiques de cette catégorie politique si fondamentale : le peuple, justement !
Parce que le parti-pris communard de Jules Vallès nous paraît admirable, et parce qu’en ces temps de restauration versaillaise le peuple mérite plus que jamais des éloges lyriques et empathiques, nous le republions. Mais parce que le culte des Grands Auteurs, et plus largement la tonalité encore dominante de maints discours populistes, barricadistes et insurrectionnistes, leur imaginaire et leurs points aveugles, méritent pour le moins d’être interrogés, nous ferons suivre ce texte de trois questions qui ouvrent, nous semble-t-il, quelques perspectives vertigineuses [1].
Le texte :
« Cet homme à peau de bête, coiffé comme un pendu, que la pluie glace, que la vapeur brûle, debout sur la locomotive, coupant le vent, avalant la neige, mécanicien, chauffeur, c’est le Peuple !
L’animal qui, là-bas dans les champs, redresse son échine cassée et levant son coup maigre aux muscles tendus comme des cordes, regarde d’un oeil terne le wagon qui s’enfuit, le paysan brun comme une feuille de vigne ou blanc comme une rave, c’est le Peuple !
Ce barbu aux épaules larges, à chapeau de goudron, qui, sur la rivière muette, mène dans le courant le radeau de bois noyé, seul entre le ciel et l’eau, le flotteur mouillé jusqu’au ventre et perclus jusqu’au coeur c’est le Peuple !
Ce mineur qui vient, la lampe accrochée à son front, traverser la chambre du feu grisou, et qui est resté l’autre jour enfoui dix heures sous un éboulement – on ne voyait que ses grands yeux blancs dans le trou noir – ce mineur, c’est le Peuple !
Ce couvreur qui tombe du toit comme un oiseau mort, ce verrier dont la vie fond avec le verre dans le brasier, ce tourneur que la poussière de cuivre étouffe, ce peintre que la céruse mord, ce mitron, pâle comme sa farine, c’est le Peuple !
Il suffit à tout, contre l’eau, le vent, la terre et le feu, ce peuple héroïque et misérable !
C’est de ce peuple-là que nous allons parler. »
Les questions :
1. Comptez les hommes.
2. Cherchez la femme.
3. Cherchez l’erreur.
Réponses en Post-Scriptum.
