À l’heure
Où l’extrême-droite sous toutes ses couleurs politiques étend son emprise,
Où les guerres impérialistes des « grandes puissances » rythment et détruisent les vies,
Où beaucoup sont paralysés par l’arrivée potentielle du fascisme et choqués par la banalisation des agressions et des discours racistes,
Où les attaques contre les libertés publiques désarment les solidarités et interdisent les rencontres.
Où, en 48h, des Ukrainiens ont obtenu leur droit, celui que nous voulons pour tous, celui de circuler et de s’installer librement, d’avoir un titre de séjour et un hébergement, et de bénéficier de transports gratuits dans toute l’Europe.
Où l’on prétend que la vie de certains, parce que blancs, blonds ou chrétiens, vaut plus que celles de tous les autres.
Où les États et l’Union Européenne ont ainsi révélé ce que beaucoup faisaient semblant d’ignorer en nous prouvant que « contrôle aux frontières, visa, asile, clandestin, capacité d’accueil, appel d’air, toute la misère du monde », sont des éléments de langage qui ne reposent que sur des intérêts politiques.
Nous ouvrons pour remettre l’égalité à l’ordre du jour.
Nous ouvrons parce que leurs frontières ne sont pas les nôtres, et parce que nous ne reconnaissons pas les nôtres à la couleur de leurs yeux, à leur passeport, à leur « qualité » ou à la marque de leur voiture.
Nous ouvrons pour que toutes les personnes privées du droit de vote interviennent dans les élections présidentielles.
Résister à l’extrême-droite, c’est s’organiser avec toutes celles et ceux qui sont ici.
Parce que nous n’accepterons jamais qu’un statut administratif, qu’un travail ou qu’un papier soit la condition de la valeur d’un homme ou d’une femme.
À bas les catégories séparatistes et les pratiques d’apartheid inventées par l’État : « réfugié, assisté, communautariste, migrant économique, islamogauchiste, français, citoyen ».
Parce que le seul séparatisme qui tue, c’est celui de l’État et des riches.
Parce que nous n’accepterons jamais que quiconque essaye de faire exister deux mondes différents sur un même bout de trottoir.
Il n’y a qu’un seul monde… que le racisme divise.
Nous ouvrons pour exister ensemble, car personne ne devrait se contenter de survivre.
Nous ouvrons en chantant les slogans révolutionnaires « Houria salama wa 3adala », « Nan kar azadi » et « Mong hpar hak rwarou » [1]. Nous ouvrons avec en mémoire les martyrs de nos révolutions.
Nous ouvrons pour toutes celles et ceux qui résistent aux Américains comme aux Talibans, pour les prisonniers de Aby Ahmed, de Sissi, de Mohamed VI ou d’Idriss Déby, dirigeants installés et maintenus au pouvoir par la France.
Nous ouvrons avec dans le cœur toutes celles et ceux qui crèvent à petit feu ou se tuent, en prison, en Centre de rétention administrative ou en exil.
Nous ouvrons avec le souvenir des morts de la Manche, de la Méditerranée, de Vintimille, des Alpes et de la rue et pour qu’il n’y en ait plus demain.
Nous ouvrons avec les comités de résistance populaires du Soudan, le Hirak du peuple algérien, avec le peuple sénégalais qui dit « France, dégage ! » et le peuple malien qui fête le départ de l’armée française.
Nous ouvrons pour résister à la torture de l’attente :
Parce qu’à Stalingrad, à Pantin, à Saint-Denis, à Calais, à Briançon, c’est la politique par la rue : on coupe les tentes au cutter et on jette de l’eau de javel sur des gens.
On cherche à les enfoncer dans le trottoir. On cherche à transformer des visages et des corps en mobilier urbain.
Frontex et les règlements de Dublin et de Schengen font de l’Europe une prison à ciel ouvert.
Nous nous battons :
Pour des papiers, des visas et la nationalité française pour n’importe qui veut : c’est la seule chose qui permet d’aller voir sa famille au pays ou de la faire venir ici, d’enterrer ses parents, et de ne pas avoir peur dans la rue.
Pour un logement digne pour toutes et tous, qu’on réquisitionne les vides et qu’on en construise de nouveaux.
Pour que plus personne ne dise « avant, je n’étais pas fou » et que personne n’ait plus jamais à se taire.
Pour que jamais un retour au pays ne sonne comme une peine à perpétuité.
Nous ouvrons pour qu’existe un endroit où puisse se reconstruire la solidarité entre français et étrangers, entre exilés et sans-papiers, entre les immigrés et leurs enfants.
Pour que les immigrés aient un lieu indépendant pour se réunir et s’organiser librement entre ici et là-bas.
Parce que ce sera l’égalité ou rien !
Ce lieu est une arme. Ce lieu est un outil.
C’est une ambassade de Paix dans un monde en guerres.
Ceci est l’Ambassade des immigrés.
C’est l’ambassade de celles et ceux à qui on répète qu’ils sont étrangers,
Celle depuis laquelle nous préparons nos victoires collectives.
Celle depuis laquelle nous obtiendrons l’égalité de toutes et tous.