Le renouvellement des générations, à Libération, était jusqu’ici plutôt facteur d’amélioration. Les grandes figures de babyboomers réac et aigris, du type Joffrin ou Le Vaillant, tendaient à s’effacer, au profit de plumes plus jeunes et plus affutées, en particulier en termes de féminisme, de laïcité ou d’antiracisme. Puis il y eut le « coup » indécent, violent, abject, que fut la publication, sous forme de tribune, d’une« lettre ouverte » sur le viol signée par un violeur – le 8 mars dernier, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. On boycottait, depuis lors, tout achat du journal, en espérant un geste fort – à commencer par de réelles excuses – pouvant racheter l’affront. En vain. Le hasard fit, un mois plus tard, tomber entre nos mains le pénultième dessin, avant départ à la retraite, du grand Willem, puis une publicité donnant à voir l’une des toutes premières oeuvres de sa successeuse Coco, de quarante ans sa cadette, marquant d’emblée son territoire idéologique, de la plus sinistre des manières. Le rappel fut édifiant, cinglant, douloureux : comme a pu le dire Pierre Bourdieu, la jeunesse n’est qu’un mot.
Voici donc deux dessins. Parus à quelques jours d’écart, dans le même journal : deux dessins sur le même thème.
À gauche, un dessin de gauche sur le COVID et sa contagion, incriminant les mots d’ordre ronflants, réactionnaires et irresponsables d’un ministre qui se refuse à fermer les écoles (« la transmission »).
À droite, un dessin de droite (extrême) sur la même COVID et sa contagion, incriminant... les racisés et leurs outils d’émancipation. Représentés en chauve-souris-vampires, tranquillement, comme à la grande époque du Juif vampire, de l’Arménien, du Levantin, du Métèque vampire [1].
So long, Willem. Adieu, Libé.