Janvier 2003. Mort brutale de deux sans-papiers au cours de leur expulsion. Le 30 décembre 2002, Ricardo Barrientos, un Argentin de 52 ans meurt d’une crise cardiaque au cours de son expulsion forcée, après avoir été maintenu immobile, plié en deux sur son siège, par des agents de police. Trois semaines plus tard, Mariame Getu Hagos, un Somalien de 24 ans, meurt dans des conditions similaires. Ces deux morts se produisent dans une indifférence quasi-générale de la classe politique. Aucun débat n’est ouvert sur lqa question des expulsions forcées. un Argentin reconduit vers son pays le 30 décembre 2002 et un Somalien refoulé vers l’Afrique du Sud le 16 janvier 2003.
Janvier 2003. Publication et médiatisation du livre collectif Les Territoires perdus de la République. Coordonné par Emmanuel Brenner, il rassemble des contributions d’enseignants qui dressent un tableau apocalyptique des « banlieues ». Les « arabo-musulmans » apparaissent dans ce livre comme les sources principales des problèmes qui se posent dans les écoles des quartiers populaires. Ce livre marque une rencontre des thèses et arguments habituels de deux mouvances : les soutiens inconditionnels d’Israël et les « nationaux-républicains » nostalgiques de « l’élitisme républicain » de « jadis ». À propos de ce livre, cf. Alain Gresh, « Grandeur des principes et bassesse des pratiques ».
Janvier-février 2003. Offensive de la droite sur le thème de la « nouvelle judéophobie ». Reprenant à son compte les thèses développées un an plus tôt par Pierre-André Taguieff dans La nouvelle judéophobie, Jean Pierre Raffarin se rend au dîner annuel du C.R.I.F. et y dénonce la « montée des communautarismes ». Roger Cukierman, président du C.R.I.F., dénonce de son côté l’existence d’une alliance antisémite « rouge-brun-vert » et accuse nommément Gilles Lemaire, secrétaire national des Verts, et Olivier Besancenot, porte parole de la L.C.R. Une première vague de déclarations et de débats médiatiques s’en suivent assimilant antisémitisme et antisionisme d’une part, antisémitisme et jeunes issus de la colonisation d’autre part. Plusieurs essayistes, comme Alain Finkielkraut ou Alain-Gérard Slama, prétendent d’établir un lien organique entre « judéophobie » et « francophobie ». Cette opposition entre les « intégristes » et « communautaristes » « arabo-musulmans » d’un côté et « les Juifs » et « la France » de l’autre, est reprise par le ministre des écoles Xavier Darcos : dans un entretien accordé au Figaro le 14 février 2003, il dénonce « un communautarisme souvent lié à l’islamisme qui s’installe dans les établissements scolaires », et il ajoute que « le problème s’envenime avec la réapparition d’insultes racistes et antisémites ». Il conclut qu’il faudrait « que le drapeau français flotte au-dessus de l’entrée de chaque école ». Quant au ministre de l’éducation nationale Luc Ferry, lors d’une réunion consacrée au racisme et à l’antisémitisme (le 27 février), il met en cause l’idéologie du « droit à la différence », qu’il qualifie de « calamité ». Sur cette campagne, cf. notamment Fatiha Kaoues, « Tous antisémites ? », et Mona Chollet, « Les apprentis sorciers du communautarisme », Dominique Vidal, « Les pompiers pyromanes de l’antisémitisme » et « Non, la France n’est pas l’objet d’une flambée antisémite ». Sur les thèses de Pierre-André Taguieff, cf. Vincent Mespoulet, « Taguieff, allumeur d’incendies ».
Février 2003. Vote de la LOPSI (Loi d’orientation pour la sécurité intérieure), dite « Loi Sarkozy ».
– De nouveaux délits sont créés, parmi lesquels : l’outrage au drapeau et à l’hymne national (passible de six mois de prison et 7500 euro d’amende), le regroupement dans les halls d’immeuble (passible de deux mois de prison et 3750 euro d’amende), l’occupation d’un terrain appartenant à autrui (passible de six mois fermes, 3750 euro d’amende et confiscation du permis de conduire), le « racolage passif » (laissé à l’appréciation des policiers, et passible de deux mois de prison et 3750 euro d’amende), « l’exploitation de la mendicité » (incluant toute personne qui partage les subsides de la mendicité, et passible 45000 euro d’amende et 3 ans de prison - voire dix ans si le délit est commis « en bande organisée ».
– Le délit d’outrage à personne dépositaire de la force publique est généralisé : en plus des agents de police, il s’applique désormais pour les outrages commis à l’encontre des personnels de santé, des gardiens d’immeuble, de leurs conjoints, de leurs ascendants, de leurs descendants, et de « toute personne vivant habituellement avec eux ». Les peines peuvent aller jusqu’à 30000 euro d’amende et deux ans de prison. Elles atteignent 5 ans de prison pour les menaces de mort.
– Les échoppes vendant de la nourriture et/ou diffusant de la musique peuvent désormais être fermées pour une durée de trois mois sous prétexte de « tranquillité publique ».
– Les contrôles d’identité sont désormais autorisés sans que l’agent fasse valoir des « indices » laissant présumer une infraction ou un projet d’infraction.
– La fouille des véhicules, désormais réservée aux enquêtes sur les activités terroristes, est désormais autorisée pour presque tous les délits, notamment le vol et le recel.
– L’obligation faite aux policiers d’informer un prévenu qu’il a le droit de garder le silence est supprimée.
– Un fichier informatique, dit fichier STIC, est créé, dans lequel figurent non seulement les personnes condamnées mais aussi les personnes simplement suspectées d’avoir commis un délit, les témoins et les victimes. Ce fichier est consultable dans le cadre d’enquêtes, mais aussi dans le cadre d’une procédure d’embauche. Il est également consultable par les services de police d’un pays étranger.
– Un fichier génétique est prévu.
– La police a désormais le droit de filmer les espaces publics.
– Enfin, les étrangers soupçonnés de « trouble à l’ordre public » peuvent se voir retirer leur titre de séjour sans procès, de manière immédiate et définitive.
Février-mars 2003. Lancement du mouvement « Ni putes ni soumises » et de la marche « pour l’égalité et contre les ghettos ». Cette marche, organisée par la « Maison des potes », soulève le problème de la condition des femmes en banlieue, sans jamais relier ce problème à celui du sexisme dans l’ensemble de la société française. Le mouvement ne prononce pas un mot sur les lois Sarkozy qui viennent d’être votées, prétextant qu’il a suffisamment à faire ne se concentrant sur le problème précis des violences sexistes dans « les quartiers ». Le mouvement multipliera pourtant les prises de position sur d’autres questions, plus éloignées de leur problématique que l’oppression « sécuritaire » que les lois Sarkozy exercent sur « les quartiers » : la lapidation et les « crimes d’honneur » dans les pays arabo-musulmans, ou encore le conflit israélo-palestinien. Chose inhabituelle pour un mouvement qui est loin d’être un mouvement de masse, la mobilisation bénéficie d’une très importante couverture médiatique, et reçoit le soutien de tous les principaux dirigeants socialistes, ainsi que celui de plusieurs ministres du gouvernement de droite. Cf. Elise Lemercier, « L’association Ni putes, ni soumises : une inflation politico-médiatique démystifiée par le terrain ».et sur ce site, « Le cas Ni putes ni soumises ». Cf. aussi Sarah Ayito N’Guema N’Dong, Construction politique d’un sexisme de banlieue : émergence du collectif « Ni putes ni soumises », Mémoire soutenu sous la direction de Michel Camau à l’Institut d’Etudes Politique d’Aix-Marseille 3, 2005.
Mars 2003. Reprise des expulsions de sans-papiers par « vol groupé ». À trois reprises en un mois, plusieurs dizaines de sans-papiers sont expulsés par charter, notamment vers le Sénégal et la Côte d’Ivoire (alors en pleine guerre civile). Le ministre annonce que ces « vols groupés » seront désormais hebdomadaires, sans susciter la moindre protestation dans l’opposition parlementaire de gauche. Il reçoit même le soutien du socialiste Julien Dray, qui déclare que les expulsions par « vols groupés » sont « normales » et « naturelles ».
Mars 2003. Publication d’un rapport accablant sur les violences policières commises dans les « zones d’attente ». Réalisé par l’Anafé (association d’aide aux étrangers retenus aux frontières), ce rapport révèle l’existence de nombreuses violences (injures, sévices, privations de nourriture ou de soins), attestées par des témoignages multiples (celui des militants associatifs, mais aussi celui des passagers, des employés des compagnies aériennes, des médecins, des services sociaux). Cf. le site de l’ANAFE.
Mars 2003. Première proposition de loi sur « l’œuvre positive accomplie par les Français Outre-mer ». Présentée par soixante députés, sous la direction de Jean Léonetti et Philippe Douste-Blazy, elle ne sera pas votée telle quelle, mais constitue la première version de la fameuse loi adoptée le 23 février 2005. Cf. le site de la LDH de Toulon.
Mars 2003. Nouvelle offensive médiatique sur « la violence à l’école ». Le ministre délégué à la famille, Christian Jacob, se déclare favorable à des amendes contre les parents des élèves absentéistes. Le ministre de l’éducation nationale, Xavier Darcos, invoque la violence sexuelle pour remettre en cause publiquement le principe de la mixité garçons-filles à l’école.
Mars 2003. Début d’une nouvelle campagne contre « le voile à l’école ». Dans un lycée de Lyon, une forte majorité des enseignants se met en grève pour protester contre l’acceptation en cours d’une élève qui porte un bandana. Cette grève est fortement médiatisée. Dans les semaines qui ont précédé, les médias se sont illustrés par la mise en premier plan de toute une série de thème ayant pour point commun apparent : l’islam. Ont notamment été médiatisés et dramatisés : le refus d’une supérette d’Evry de vendre de la viande non halal, et la polémique autour de la décision de Martine Aubry d’accepter des séances de piscines réservée aux seules femmes.
Mars 2003. Entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Irak, et relance en France du plan « Vigipirate renforcé ». Les manifestations contre la guerre en Irak, comme celles contre l’oppression du peuple palestinien, réunissent de plus en plus de jeunes issus de l’immigration post-coloniale.
Avril 2003. Publication d’un rapport accablant sur les « violences illégitimes » commises par la police. Présidée par le magistrat Pierre Truche, la commission de déontologie dénonce notamment les « conditions d’exercice de la police en région parisienne la nuit » , le « manque d’encadrement des jeunes policiers » et le traitement de certains mineurs. Cf. le site de la LDH de Toulon.
Avril 2003. Ouverture du premier centre fermé pour jeunes mineures délinquantes. Le règlement intérieur de ce centre, situé à Lusigny, fixe comme objectif la « rectification » des jeunes filles enfermées, et il leur impose un test de grossesse et une mesure du tour de poitrine. Les détenues sont également incitées à « s’identifier » à des modèles « féminins » dans leur habillement et leurs activités. Il leur est enfin interdit de parler une langue étrangère et d’écouter de la musique individuellement. Plusieurs associations (parmi lesquelles le Syndicat de la Magistrature) se mobilisent pour la suppression de ces orientations rétrogrades. Quelques mois plus tard, le directeur de ce centre sera mis en cause pour harcèlement sexuel sur ses employées. Cf. le site de la LDH de Toulon.
Avril 2003. Publication par le journal Libération du projet de loi Sarkozy sur l’immigration. Le droit au mariage est remis en cause : il est prévu que ce droit soit conditionné par la régularité la possession d’un titre de séjour. Il est également prévu de donner aux Préfets et aux procureurs la possibilité de suspendre un mariage lorsqu’existent des soupçons de « mariage de complaisance ». Le Projet de loi prévoit enfin de rallonger d’un an le délais qui sépare le mariage du plein droit à une carte de résident de dix ans ; et un nouveau délit apparaît : la « simulation » de mariage « en vue d’obtenir ou de faire obtenir un titre de séjour ». Ce nouveau délit de solidarité serait passible de cinq ans d’emprisonnement. L’accès à la carte de résident de dix ans est également remis en cause. Il ne devient possible qu’au bout de cinq ans (au lieu de trois), et des conditions supplémentaires sont introduites, notamment des « conditions d’intégration », laissées à l’appréciation de l’administration... Le projet de loi prévoit également un quintuplement de la durée légale de « rétention administrative » : un étranger sans papiers peut déjà être détenu sans jugement pendant douze jours ; il est question de passer à soixante jours. Cf. le dossier réalisé sur cette loi par le GISTI.
Avril-mai 2003. « Incident du Bourget » et politisation du débat sur « le voile à l’école ». Le 19 avril, au Bourget, Nicolas Sarkozy s’adresse aux sympathisants de l’UOIF et se fait siffler alors qu’il évoque l’obligation pour les femmes musulmanes voilées de se découvrir sur les photographies de leurs papiers d’identité. Ces sifflets sont traités dans les jours suivants comme un véritable scandale, et l’incident sert de prétexte à la relance d’un autre « problème de voile », le plus ancien et le plus « classique » : celui de l’école publique. À gauche, Jack Lang annonce aussitôt une proposition de loi visant à interdire le port du « foulard » à l’école, tandis que , le 18 mai, Laurent Fabius exige devant le congrès du PS l’interdiction législative des « signes religieux ostentatoires » à l’école bien sur mais plus largement dans l’espace public. Libération publie enfin une pétition initiée par l’Union des Familles laïques et plusieurs intellectuels parmi lesquels Pierre André Taguieff et Michèle Tribalat. Un Appel anti-prohibitionniste est lancé en réaction à cette offensive : cf. « Oui à la laïcité, non aux lois d’exception » (Appel publié aussi par Libération) et Pierre Tevanian, Le voile médiatique. Un faux problème : « l’affaire du foulard islamique ».
Juin 2003 : Création des Commissions Stasi et Debré. Jean-Louis Debré, président de l’Assemblée nationale, compose une mission d’information « sur la question des signes religieux à l’école », présidée par lui-même. Il se dit d’ores-et-déjà favorable à une loi. En juillet, Jacques Chirac crée une « Commission de Sages » chargée de réfléchir sur « l’application du principe de laïcité dans la République ». Il en confie la présidence à son ami Bernard Stasi, connu pour être un catholique soucieux de ne pas céder aux emportements fantasmatiques à propos de l’islam. Prise en charge par Rémy Schwartz, la sélection des « témoins » auditionnés sera plus que tendancieuse : une réfugiée iranienne forcée à porter le voile en Iran, mais pas de lycéennes françaises portant le voile ; plusieurs enseignants militants radicaux de l’éradication des voiles, mais aucun enseignant d’un des 90% d’établissements scolarisant des filles voilées sans qu’il y ait jamais eu de crise. Le battage médiatique ne faiblit pas. Sur cette commission, cf. Alain Gresh, « Grandeur des principes et bassesse des pratiques. Les faux semblants de la Commission Stasi », Jean Baubérot, « Lettre ouverte à la commission Stasi »
Juillet 2003. Réforme « en trompe-l’œil » de la double peine. Nicolas Sarkozy crée de nouvelles catégories d’étrangers « protégés », c’est-à-dire soustraits au régime de la double peine. Les médias, mais aussi certaines associations, saluent l’« avancée », sans préciser qu’elle est minime : elle ne concerne qu’une petite partie des victimes de la double peine, dont le principe n’est aucunement remis en question. À partir de cette date, Nicolas Sarkozy se vantera pourtant, sans être démenti, d’avoir « abrogé la double peine ». Libération (en décembre 2005, dans une interview réalisée par le service politique) et même Le Monde diplomatique (en septembre 2006, dans un article de Marie Bénilde) concèderont au ministre cette chimérique « abrogation de la double peine ». Cf. Stéphane Maugendre, « Sarkozy et la double peine : une réforme de dupes ».
Septembre-octobre 2003 : « Affaire d’Aubervilliers », publication du livre Bas les voiles ! et recrudescence de déclarations islamophobes. À l’initiative d’un petit groupe de professeurs responsables nationaux de mouvements d’extrême gauche (LO et la LCR), une immense campagne médiatique aboutit à l’exclusion d’Alma et Lila Lévy au seul motif qu’elles portent un foulard. Un rassemblement de protestation est organisé devant le lycée, regroupant notamment des militants des JCR, de « Socialisme par en bas », du collectif « Les mots sont importants », du MIB, de Femmes Publiques... L’exclusion des deux élèves est saluée comme une victoire du féminisme par Gisèle Halimi dans une tribune du journal Le Monde. Quant au ministre des écoles, Xavier Darcos, il déclare à propos de ces deux élèves : Quand on n’aime pas la république, il faut aller ailleurs ». Au même moment paraît chez Gallimard un pamphlet prohibitionniste intitulé Bas les voiles ! Son auteure Chahdorrt Djavann est invitée sur toutes les chaînes de télévision et de radio, où elle s’autorise de son expérience iranienne pour tenir les propos islamophobes les plus extrêmistes : le patriarcat puise ses racines dans le Coran, l’Islam légitime la pédophilie, etc. Le 24 octobre, lors d’une émission sur LCI, l’éditorialiste du Point, Claude Imbert, se déclare « islamophobe » et dénonce la « débilité » de « l’Islam », sans être exclu ni même suspendu du Haut Conseil à l’Intégration où il siège (ni poursuivi, ni inquiété d’une quelconque manière). Cf. Alma et Lila Lévy, Des filles comme les autres, La découverte, 2004 ; Laurent Lévy, « Quand la fin justifie les moyens », et Jérome Vidal, « Anatomie d’un pamphlet prohibitionniste ».
Octobre 2003. Mort d’un immigrant clandestin congolais de 16 ans dans une soute à bagages. Le corps du jeune homme est retrouvé frigorifié, dans la soute à bagages d’un avion assurant un vol Kinshasa-Paris. Selon des témoignages recueillis par l’Anafé, le commandant de bord a eu très tôt connaissance de la présence d’un passager clandestin dans les soutes de l’avion, mais n’a pas été autorisé à modifier son plan de vol pour débarquer le passager et éviter qu’il meure de froid.
Octobre 2003. « Université d’automne » des « Ni putes, ni Soumises ». L’événement, très médiatisé, bénéficie du soutien et de la présence de nombreuses personnalités du monde politique (toutes tendances confondues) et du show-buiseness. Cf. Mona Chollet, « Aïcha et les “gros tas”. Fortune médiatique des Ni putes ni soumises_et des filles voilées ».L’association refuse alors de se joindre à la demande d’une loi interdisant le voile. Sa présidente Fadela Amara publie au même moment un livre [1] où elle dénonce une telle loi comme une provocation irresponsable à l’encontre des musulmans. Deux mois plus tard, elle signera une pétition dans le magazine Elle réclamant une telle loi, et engagera son mouvement dans un Tout de France de la Laïcité assurant la promotion de la loi anti-voile.
Novembre 2003. Forum Social Européen et « Affaire Tariq Ramadan ». La présence de l’intellectuel suisse Tariq Ramadan au Forum Social Européen de Saint-Denis suscite une controverse importante, menée notamment par Claude Askolovitch dans Le Nouvel Observateur. L’offensive, qui vise pour les uns à disqualifier le mouvement « altermondialiste » et pour les autres à le « purifier » de ses éléments « rétrogrades », prend pour prétexte la publication d’un texte de Tariq Ramadan critiquant les « intellectuels communautaires », juifs ou non, qui font preuve de complaisance avec les agissements de l’Etat d’Israël. Ce texte, qui appelle les intellectuels juifs à se désolidariser d’Israël et les intellectuels musulmans à se désolidariser des régimes « islamiques » les plus oppressifs, est dénoncé par des associations (SOS Racisme, l’UEJF), des journalistes (Claude Askolovitch) et des intellectuels (Bernard-Henri Lévy, Alain Finkielkraut, Pierre-André Taguieff, André Glucksmann) comme un texte antisémite, mais aucune plainte n’est déposée. Mis en cause dans le texte de Tariq Ramadan, Alexandre Adler réagit en reconnaissant à l’intellectuel « musulman » le droit de défendre « les siens » comme lui défend « les Juifs », et en réservant son animosité aux « traîtres juifs, comme Rony Brauman ». Ces propos ne sont pas condamnés par tous ceux qui se sont scandalisés de l’approche « communautaire » du texte de Tariq Ramadan. Ce dernier devient, à l’occasion de cette « affaire » démesurément médiatisée, un personnage médiatique connu de tous, incarnant un « intégrisme retors », maître dans l’art du « double discours ». Interrogé par Thierry Ardisson sur ce qu’il dirait à Tariq Ramadan s’il le croisait, le socialiste Julien Dray répond : « Rien, je lui casserais la gueule ». Cf. Mona Chollet, « Affaire Tariq Ramadan : deux poids, deux mesures » et « Tariq Ramadan, Caroline Fourest et l’islamisation de la France ». Cf. aussi Aziz Zemmouri, « Renaud (Camus) ou Tariq (Ramadan), le tribunal de la pensée te rendra blanc ou noir » et Faut-il faire taire Tariq Ramadan ?, Editions de l’Archipel, 2005, et sur ce site, « Tariq Ramadan, mythes et réalités » et Laurent Lévy, « L’Arabe est fourbe », Brèves réflexions sur les accusations de « double langage » de Tariq Ramadan. Le texte litigieux de Tariq Ramadan est disponible par exemple ici.
Décembre 2003 : Annonce de la loi anti-voile et naissance du Collectif Une école pour tou-te-s/Contre les lois d’exclusion. Les commissions Debré et Stasi rendent leurs conclusions, favorables à une loi interdisant « tous les signes religieux ». Comme les pétitions prohibitionnistes parues dans Libération et dans Elle, le discours présidentiel appelle à une prohibition de « tous les signes religieux ostensibles », mais son argumentaire ne cible que le voile : « Je considère que les Français étant ce qu’ils sont, le port du voile est, qu’on le veuille ou non, une sorte d’agression qu’il leur est difficile d’accepter. » Deux nouveaux appels sont lancés contre le projet de loi, et les signataires des trois appels se réunissent au CEDETIM et fondent le Collectif unitaire Une école pour tou-te-s / Contre les lois d’exclusion.