Éric Zemmour est un personnage éminemment dangereux pour notre vie politique et sociale, qui réhabilite les figures fascistes françaises, assume son racisme, son sexisme et sa lecture révisionniste de la Shoah, de l’Occupation allemande ou de la colonisation française. Il n’y aurait rien à ajouter pour s’opposer à lui si ses motivations ne nous concernaient pas directement. Mais depuis quelques années, Éric Zemmour a décidé de se mêler de nos affaires et s’y attache particulièrement depuis la dernière guerre enclenchée par l’Azerbaïdjan contre l’Artsakh (Haut- Karabakh) et l’Arménie en 2020.
Ainsi réagit-il régulièrement, sur les plateaux télévisés ou sur les réseaux sociaux, à l’actualité de cette guerre et de ses conséquences. En cette période électorale, son pseudo-soutien à la communauté arménienne de France et aux Arménien.ne.s d’Arménie est destiné à faire parler de lui auprès des populations françaises et/ou franco-arméniennes. Pire, cela pourrait même aller jusqu’à légitimer son activité politique en dehors des frontières françaises : pour la seconde fois, nous apprenons par une source sérieuse qu’Éric Zemmour prépare un voyage de nature politique en Arménie du 11 au 15 décembre prochain.
Éric Zemmour aurait donc déjà une feuille de route en Arménie, pour les affaires étrangères ? Quel intérêt ce petit pays, qui a perdu ses ressources au gré des conquêtes impériales et qui peine à exister encore, présente-t-il pour lui ? Aucun. Ce n’est pas le pays qui l’intéresse, mais la caution « arménienne » qu’il va tirer de ce voyage, alors que personne ne le connaît là-bas et que le pays est dans une période d’après-guerre désastreuse.
Le pays se vide, mais il y a une grande communauté arménienne en France (plus de 600 000 habitant.e.s), principalement issue de l’histoire douloureuse du génocide de 1915. L’histoire nous est tristement familière : Zemmour vient faire son marché sur le sang des Arménien.ne.s, après bien d’autres – comme le fasciste Marc de Cacqueray qui s’était rendu armé en Artsakh durant la dernière guerre ou le militant identitaire Jean-Eudes Gannat, qui racole l’argent arménien avec sa structure « Solidarité Arménie », sans oublier la réécriture culturaliste de Michel Onfray. Une méthode très simple mais qui produit beaucoup de confusions : s’afficher comme « l’ennemi des ennemis » – et donc « l’ami » – des groupes opprimés et isolés, comme les Arméniens d’Artsakh en automne 2020. Suivant cette logique, Zemmour serait l’ami des Arménien.ne.s, puisque leurs oppresseurs Erdoğan et Aliyev seraient les symboles d’un Islam conquérant en terre chrétienne d’Europe. En une phrase, la cause arménienne et l’auto-défense de l’Artsakh sont transformées en un champ de bataille franco-français où l’extrême- droite peut projeter ses fantasmes de « grand remplacement » et de « guerre civilisationnelle » entre Orient et Occident, Islam et Chrétienté.
Un raciste reste un raciste, et lorsqu’il encense certain.e.s immigré.e.s pour en dénigrer d’autres, c’est toujours au nom du racisme. En 2018, Eric Zemmour s’était réjoui que Shahnough Vahignag Aznavourian se soit résolu (lui, et non ses parents, par pragmatisme, et non par conviction) à se rebaptiser Charles Aznavour, afin de pouvoir exister dans un showbiz xénophobe. Traduction, en langue zemmourienne : « Arménien.ne.s, je vous aime, car vous savez renier ce que vous êtes ».
Ce n’est assurément pas l’Arménie, ni ses habitant.e.s, ni les Arménien.ne.s de France, qui intéressent Zemmour, mais ce qu’il peut faire de l’ « Arménien », une fois qu’il est à terre. Zemmour feint de défendre les Arménien.ne.s contre l’Azerbaïdjan sur CNEWS, mais envisagerait-il, président, de nommer Ministre de la Justice son avocat et ami Olivier Pardo ? Rappelons que ce monsieur est aussi l’avocat de l’Azerbaïdjan à diverses grandes occasions – telles que le procès pour « diffamation » sur la nature de son régime contre la journaliste Élise Lucet ou l’action contre les chartes d’amitié entre les collectivités françaises et la République d’Artsakh, et qu’il est aussi l’avocat du plus actif des militants négationnistes à la solde d’Ankara, reconnu comme tel par la Justice française : Maxime Gauin.
Nous connaissons notre histoire, et nous ne céderons pas à cette tentative de rapt idéologique. En défendant nos églises contre le rouleau-compresseur exterminateur de l’impérialisme turc et de ses alliés, c’est notre existence et notre culture que nous défendons, et pas celle des suprémacistes et impérialistes occidentaux. Nous refusons que notre histoire soit instrumentalisée, au nom de notre propre dignité, mais aussi par refus des fins violemment discriminantes auxquelles sert cette « OPA ». Sous quelque forme que ce soit, toute tentative de rapprochement entre notre cause et celles de l’extrême-droite, explicite ou non, relève de l’injure. Elle ne venge pas les victimes arméniennes de 1915 ou de 2020, mais les tue une seconde fois.
En France comme en Arménie, Zemmour dégage !