Spéciale dédicace à Sœur Caroline Fourest
Il y a quelques années, dans un passionnant entretien accordé à la revue Mouvements, Saïdou abordait déjà la question :
« Quand tu prends clairement position contre le privilège racial blanc en France, tout le monde, y compris les gens qui subissent ces discriminations eux-mêmes, vient te voir pour te dire “attention, tu bascules dans la victimisation, le racisme anti-blanc…”. Quand tu prends position là-dessus en tant qu’artiste, ce n’est pas reçu comme tel : on va te définir comme un arabe issu de l’immigration, pas comme un intellectuel ou un artiste. Alors que si Blanchard [1] dit la même chose, tout le monde va dire “Oui, effectivement, c’est indéniable…”. Ou du moins, on ne va pas bondir de la même manière que si c’est moi qui le dis. Il y a un traitement raciste de l’analyse que fait un individu. Le blanc qui siffle la Marseillaise, on va le tolérer plus facilement que l’arabe qui la siffle… L’Arabe sera un “raciste anti-français”, le blanc sera juste un “gauchiste”. L’Arabe n’a pas le droit d’être un gauchiste !
Quand il y a eu les sifflets du Stade de France, on s’est amusé à faire le test : on a joué la Marseillaise en concert, et évidemment presque tout le monde a sifflé, et pas seulement les Arabes ! On a même demandé aux Noirs et aux Arabes de ne pas siffler, pour voir, et évidemment les blancs ont sifflé eux aussi ! Il faut arrêter de se foutre de nous ! Comme si, en France, il n’y avait que les Arabes pour siffler la Marseillaise ! Comme si, chez les franco-français, il n’y avait pas d’anti-patriotisme… Comme si tous les blancs adoraient la Marseillaise, comme si les noirs et les Arabes étaient seuls à la siffler… »
Un an plus tard, il joint le geste à la parole, en enrôlant dans son entreprise de sédition des séniors tout ce qu’il y a de plus blancs. Comment comprendre la chose ? L’arabe est-il devenu gauchiste, ou bien les gauchistes se sont-ils arabisés ? Peu importe, en vérité. Ce qui est certain, qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, c’est que – comme le chantait il y a bien longtemps un certain Bob Dylan – les temps changent...