Si de nombreux ouvrages sont consacrés aux familles homos, à leur capacité à remplir les fonctions parentales et au développement psychologique de leurs enfants, la famille hétéroparentale, en tant que telle, ne fait l’objet d’aucune problématisation scientifique.
Le sociologue Olivier Vecho a recensé, pour ces trente dernières années, trois cent trente documents (thèses, articles scientifiques, enquêtes, ouvrages…) relatifs à la capacité des parents homosexuels, au sort des enfants et aux dynamiques des familles homoparentales. Tout est passé au crible : compétences et relations sociales, estime de soi, identité et comportements sexuels, intelligence, intégration scolaire, contact avec les grands-parents…
Présentée comme une évidence anthropologique fondamentale tenant à la nature humaine et à l’ordre symbolique, l’hétéroparentalité n’est, en revanche, jamais questionnée. Contrairement aux familles homoparentales, nous ne disposons d’aucune connaissance expérimentale, d’aucune observation ni d’une théorie quelconque permettant d’analyser objectivement les filiations hétérosexuelles.
L’hétéroparentalité apparaît à la fois comme une évidence et comme une autorité multiséculaire incontestable et intangible :
– ainsi, pour le droit canonique, le mariage est l’union perpétuelle « d’un homme et une femme, ordonné par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants » ;
– la Conférence épiscopale considère le mariage hétérosexuel comme « le moyen le plus simple et le plus efficace pour élever des enfants » ;
– dans le même sens, une sociologue médiatique affirme que « la raison pour laquelle le couple homosexuel n’a pas accès au mariage est que celui-ci est l’institution qui inscrit la différence des sexes dans l’ordre symbolique, en liant couple et filiation » ;
– pour l’immense majorité de psychanalystes, l’altérité sexuelle constitue le gage non seulement de la bonne structuration psychique de l’enfant mais aussi de la pérennité de la civilisation ;
– la mixité de l’humanité, écrit Sylviane Agacinski, « n’est pas seulement une donnée de l’anthropologie physique : elle est aussi une dualité culturelle stucturante et une valeur, car elle est génératrice de singularité et d’hétérogénéité ».
Suivant ces arguments, tous les enfants issus des familles hétéroparentales devraient aller suffisamment bien pour qu’aucune enquête ne mérite la peine d’être effectuée. Or, force est de constater que deux mille ans d’hétéroparentalité n’ont pas permis d’accroître la responsabilité parentale ou tout au moins d’affaiblir les violences conjugales et intrafamiliales. Les rôles sociaux de genre continuent à se perpétuer au sein des foyers hétéros, le plus souvent au détriment des femmes et des homosexuels. Un récent rapport de l’Unicef montre que les sévices corporels, sexuels et psychologiques sont le plus souvent commis au sein de la famille hétéroparentale.
Et pourtant, on continue à prêter à cette famille « normale », (contrairement aux familles homoparentales et aussi monoparentales), des qualités et des vertus, sans que celles-ci ne soient jamais démontrées ou évaluées. Comme si la différence de sexes et les capacités procréatives étaient la garantie de stabilité des enfants et non pas l’affection, les conditions économiques des parents, l’accès à l’éducation et à la santé.
Les opposants au mariage pour tous demandent un débat serein mais pour que celui-ci soit pondéré, il faut soumettre les familles hétéroparentales aux mêmes tests, aux mêmes exigences et aux mêmes requêtes auxquels sont soumises, depuis une quarantaine d’années, les familles homoparentales. Autrement, on risque de donner l’impression de s’acharner contre une catégorie spécifique de nos concitoyens.