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Josyane, Salif, Albertine, Évelyne et Patricia

L’insécurité dont on ne parle pas

par Amnesty International
28 octobre 2009

Un récent rapport d’Amnesty International dénonce les brutalités policières et leur impunité. Voici quatre exemples de cette insécurité dont les élites gouvernantes et les grands médias ont beaucoup plus de mal à parler que de l’ « incivilité » des « jeunes de banlieue ».

Josyane Ngo

Le 17 juillet 2007, en début de soirée, Josiane Ngo, alors enceinte de huit mois, a été interpellée par trois
policiers dans le quartier de Château-Rouge, à Paris. Ils lui ont dit qu’elle enfreignait le règlement sur le
commerce ambulant, car elle avait disposé des cartons dans la rue. Elle leur a répondu que ce n’était pas le
cas et qu’elle ne faisait que livrer des marchandises. Les policiers lui ont demandé ses papiers, mais elle a
expliqué qu’elle n’avait pas sa carte de séjour, qui était entre les mains de son compagnon, Souleymane
Traoré.

Selon le récit fait par Josiane Ngo à Amnesty International, l’un des policiers l’a alors prise par le bras et lui a
annoncé qu’ils allaient se rendre au poste de police. Elle lui a demandé de la lâcher et a voulu connaître le
motif de son arrestation. L’un des policiers lui a alors donné un coup de poing sur le nez, qui s’est mis à
saigner, et l’a poussée, si bien qu’elle est tombée à terre. La scène se déroulait devant une foule rassemblée
dans la rue ; plusieurs personnes ont réagi devant la façon dont la police traitait une femme manifestement
enceinte. Les policiers ont appelé des renforts. Ceux-ci ont entouré Josiane Ngo, qui était toujours couchée à
terre.

Le compagnon de Josiane Ngo est arrivé à ce moment. Mais quand il a essayé de remettre la carte de séjour de
la jeune femme aux policiers, ces derniers l’ont aspergé de gaz lacrymogène, qui a atteint son fils âgé de trois
ans. Josiane Ngo a également respiré du gaz. Les policiers, raconte-t-elle, l’ont forcée à monter dans un car de
police en la traînant par les cheveux et l’ont frappée. Un policier se serait assis sur son dos alors qu’elle était
allongée sur le sol du véhicule et lui aurait donné des coups de poing sur la tête. Elle ajoute qu’elle a reçu des
coups de pieds lorsqu’elle est arrivée au poste de police, où on lui a dit qu’elle serait mise en examen pour
outrage.

Josiane Ngo a indiqué à Amnesty International qu’elle n’avait pas été autorisée à voir un avocat pendant sa
garde à vue, ni à téléphoner. Son compagnon est venu prendre de ses nouvelles et lui apporter ses chaussures
(qui étaient restées sur les lieux de son arrestation), mais il rapporte qu’il n’a pas été autorisé à la voir et qu’il
n’a obtenu aucune information sur son état. Elle n’a été examinée par un médecin que dans la nuit, à 1 heure
du matin.

Josiane Ngo a été relâchée par la police le 18 juillet à midi. La procédure engagée contre elle a été classée
sans suite. Elle s’est immédiatement rendue dans un hôpital, l’Hôtel-Dieu, pour y consulter un médecin qui lui
a accordé dix jours d’incapacité totale temporaire en raison de ses blessures.

Le 7 septembre 2007, Josiane Ngo a porté plainte pour mauvais traitements auprès du ministère public. De
plus, elle a déposé directement une plainte auprès de l’IGS, et demandé la saisine de la CNDS. En juillet 2008,
Amnesty International a appris que le parquet avait classé la plainte sans suite, sans ouvrir d’enquête.
La déclaration de Josiane Ngo a été enregistrée sur vidéo par un journaliste du journal français Libération.

Salif Kamate

Le 26 mai 2007, Salif Kamaté, Malien en situation irrégulière, devait être expulsé de France. Une fois à bord
du vol Air France AF796 Paris-Bamako, à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, une bagarre a éclaté entre Salif
Kamaté et les trois policiers qui l’accompagnaient. En se débattant, Salif Kamaté a mordu l’un des policiers. Il
a par la suite été mis en examen pour « violence sur personne dépositaire de l’autorité publique ».

Salif Kamaté assure qu’il était monté à bord de l’avion tranquillement et s’était assis à sa place. Il a demandé
qu’on lui retire ses menottes ; une policière a accepté à condition qu’il prenne un « médicament ». Elle lui a
donné un comprimé et un verre d’eau, puis lui a retiré ses menottes. Salif Kamaté ne connaissait pas la
nature du comprimé.

Après l’avoir avalé, il a commencé à ressentir des nausées et a demandé à voir un médecin. Sa demande a été
refusée. Salif Kamaté s’est alors levé pour attirer l’attention du personnel de cabine et faire appeler un
médecin. Les policiers ont alors tenté de le forcer à se rasseoir et la bagarre a commencé. Salif Kamaté a
déclaré que deux policiers l’avaient frappé pendant que le troisième tentait de lui attacher les jambes. Un
policier le tenait par le cou en l’étranglant.

Plusieurs passagers ont protesté et dit aux policiers présents que leur façon de traiter Salif Kamaté était
inacceptable. Un témoin, M. D., croyant qu’il s’agissait d’une bagarre entre passagers, leur a demandé
d’arrêter. Il dit avoir vu un policier étrangler Salif Kamaté, pendant qu’un autre le tenait par les jambes et le
frappait au ventre. Un autre témoin a rapporté les mêmes faits. Les deux témoins ont été surpris de la violence
extrême utilisée, pendant un temps prolongé.

Au bout de plusieurs minutes, Salif Kamaté, qui souffre d’asthme et de diabète, a eu l’écume aux lèvres, ses
yeux se sont révulsés et il a perdu connaissance. Les policiers l’ont transporté hors de l’avion ; une équipe
médicale d’urgence s’est occupée de lui à l’extérieur.

Après que Salif Kamaté eut débarqué, d’autres policiers sont montés à bord de l’avion et ont demandé à M. D.,
qui avait été témoin des faits, de les suivre. Il a été conduit au poste de police et informé qu’il risquait d’être
poursuivi pour incitation à la rébellion, obstruction à une opération de police et entrave à la circulation d’un
aéronef. Au bout d’environ quatre heures, il a cependant été libéré sans que des poursuites soient engagées. Il
attribue la rapidité de sa libération à la vaste couverture médiatique de l’affaire, qui a été rapportée presque
immédiatement par les médias.

Le 29 juin 2007, le tribunal correctionnel de Bobigny a reconnu Salif Kamaté non coupable d’avoir agressé un
policier, au motif que la force utilisée par les policiers pour le maîtriser avait été excessive et dépassait les
méthodes professionnelles approuvées dans de telles situations, ce qui constituait une agression contre lui.
Par conséquent, Salif Kamaté avait agi en état de légitime défense lorsqu’il avait mordu le policier qui
l’étranglait.

Hormis la déclaration de Salif Kamaté lui-même, il n’était mentionné nulle part que l’un des policiers lui avait
donné un tranquillisant, ce qui aurait constitué une infraction grave au règlement.

Cependant, le ministère public a interjeté appel de la décision de relaxer Salif Kamaté et, le 18 mars 2008, la
cour d’appel de Paris l’a condamné pour blessures volontaires sur un policier. Il a été condamné à cinq mois
d’emprisonnement et à une amende de 1 200 euros, à verser directement au policier. L’avocate de Salif
Kamaté a déclaré à Amnesty International qu’elle ne savait pas où il se trouvait, car il avait disparu pour ne
pas être envoyé en prison. En juin 2007, elle a porté plainte en son nom auprès de l’IGS pour mauvais
traitements mais indique qu’aucune suite n’a été donnée à sa démarche.

Albertine Sow

Le 17 août 2006, trois policiers en civil se sont présentés rue Clovis-Hugues, à Paris, en raison d’une
altercation apparente entre un jeune homme et une jeune femme. Les policiers ont demandé ses papiers
d’identité à Jean-Pierre, un jeune homme qui se trouvait devant l’immeuble. Un affrontement violent a ensuite
eu lieu entre plusieurs policiers et trois résidents du quartier. Le compte rendu des faits émanant de la police
diffère considérablement de celui qui a été donné par Albertine et plusieurs autres témoins.

D’après les témoignages examinés par Amnesty International, les policiers ont immédiatement menotté Jean-
Pierre de façon violente et agressive, car il n’avait pas ses papiers d’identité sur lui. La cousine de Jean-
Pierre, Albertine Sow, qui était alors enceinte de six mois, a vu se dérouler la scène par la fenêtre. Selon le
récit qu’elle a fait à Amnesty International, elle est sortie pour
demander à la police ce qui se passait. Les policiers n’ont pas
répondu et, comme elle insistait pour recevoir des explications,
l’un des agents s’est adressé à elle en criant, se comportant de
manière agressive et menaçante. Il lui a dit de s’en aller, sans
quoi il la frapperait. Albertine a demandé au policier de se
calmer, mais il l’a bousculée agressivement et elle a essayé de
se défendre. Au cours de l’altercation, elle a déchiré le tee-shirt
du policier, qui lui a donné un coup de poing sur la bouche.
L’autre policier, bien qu’apparemment choqué par le
comportement de son collègue, n’a rien dit.

À ce moment, le frère d’Albertine Sow, Yenga Fele, est arrivé en
courant, ayant vu ce qui se passait depuis un immeuble voisin,
et a demandé au policier s’il se rendait compte qu’il venait de
frapper une femme enceinte. D’après les témoins, l’un des
policiers aurait demandé à l’autre s’il devait asperger le jeune
homme de gaz lacrymogène, et obtenu une réponse
affirmative. Lorsque Yenga Fele a répété sa question, le
policier a fait usage de gaz lacrymogène contre lui et Albertine
Sow. D’autres policiers sont arrivés à ce moment-là ; Albertine
Sow et Yenga Fele ont alors été frappés à coups de matraque. Albertine Sow, dont la grossesse était pourtant visible, a reçu un coup de matraque près du bas-ventre. Selon son récit à Amnesty International, elle est
tombée et a perdu connaissance.

Lorsqu’elle a repris connaissance, elle était, déclare-t-elle, couchée sur le
ventre, menottes aux poignets. Comme elle s’était blessée à la tête en tombant, une policière a demandé
qu’on lui enlève les menottes. Elle a été conduite à l’hôpital Lariboisière, où elle est restée sous surveillance
policière pendant quarante-huit heures, accusée de « violences en réunion » contre les policiers. Elle s’est vu
reconnaître une incapacité totale temporaire de trois jours et, après cet épisode, elle a commencé à ressentir
des contractions ; elle a toutefois accouché à terme d’une fille, Safi-Jeanne. Son frère, Yenga Fele, lui aussi
interpellé, a passé plus de trois mois en détention provisoire.

Selon la version des faits donnée par les policiers concernés, Albertine Sow serait intervenue violemment pour
les empêcher d’arrêter Jean-Pierre, aurait injurié les policiers et se serait jetée sur l’un d’entre eux, en
déchirant son tee-shirt, en lui donnant des coups de pied dans la jambe et en le griffant au visage. Toujours
selon les policiers, lorsque Yenga Fele est arrivé, il aurait enlevé son tee-shirt et menacé de tuer les policiers
avant de s’en prendre à eux. Selon cette version des faits, Yenga Fele, Albertine Sow et Jean-Pierre avaient
continué à les agresser et ils avaient dû se servir de leurs matraques et de gaz lacrymogène pour se défendre.
Après l’arrivée des renforts de police, Albertine Sow, « hystérique », se serait jetée sur un autre policier qui
était couché par terre, évanoui, elle aurait essayé de lui arracher ses vêtements et aurait tenté de le frapper.
Toujours selon ce récit, ce policier se serait défendu en lui donnant un coup de matraque, et elle aurait alors
été interpellée.

Le 19 août, le procureur de Paris a ouvert une enquête concernant Yenga Fele et Albertine Sow, accusés de
« violences en réunion » contre les policiers. Le 28 août 2006, Albertine Sow a porté plainte contre les policiers
auprès de l’IGS, pour mauvais traitements. Le 21 septembre 2006, elle a également déposé une plainte pénale
pour mauvais traitements auprès du tribunal de grande instance de Paris. Cependant, malgré les nombreux
témoignages (dont celui de Halima Jemni, conseillère régionale et de l’arrondissement, qui a témoigné de
l’« insolence » des policiers présents) et les certificats médicaux présentés à l’appui de sa plainte, le dossier
a été classé sans suite le 27 novembre, par décision du procureur, l’examen de cette procédure n’ayant pas,
selon le procureur, « permis de caractériser suffisamment l’infraction ». Quant au rapport présenté par l’IGS
sur les faits, il indiquait :

« Mme Sow a elle-même généré la situation qu’elle dénonce. Sa démarche auprès
de l’inspection générale des services, avec en filigrane, un climat de menaces et intimidations sur les
victimes, s’inscrit dans le cadre d’une démarche reconventionnelle. »

Le rapport a servi d’élément de preuve
dans l’information judiciaire contre Albertine Sow.
Albertine Sow, dont la plainte avait été classée sans suite par le procureur en 2006, a cependant été
convoquée le 19 novembre 2008 devant un juge d’instruction qui avait visiblement rouvert ce dossier. Elle
s’est présentée à ce juge qui a procédé à son audition, mais elle n’a pas eu de nouvelles de sa plainte depuis
lors. Le juge lui aurait laissé entendre au cours de l’audition que l’enquête aboutirait sans doute à un non-lieu
faute de preuves.

Alors que le parquet avait recommandé sa relaxe, le 27 janvier 2009, Albertine Sow a été reconnue coupable
d’avoir agressé les policiers et s’est vu infliger une peine d’un mois d’emprisonnement avec sursis. Son frère
Yenga Fele a été condamné à six mois d’emprisonnement et à verser à chacun des policiers une somme de
1 500 euros en réparation du préjudice subi. Ils ont interjeté appel de ce jugement.

Évelyne et Patricia

Le 25 août 2007, à Paris, Évelyne et Patricia rentraient chez elles en voiture vers trois heures du matin, après
avoir dîné au restaurant avec des amis. Selon le récit d’Évelyne, un véhicule de police leur a barré la route et
les policiers leur ont ordonné de se rabattre dans la voie réservée aux autobus, ce qu’elles ont fait. L’agent X
s’est approché de la voiture ; il aurait accusé la conductrice de rouler sur la voie d’autobus et lui aurait
demandé ses papiers, le tout de manière agressive. Évelyne a répondu qu’elle s’était engagée sur cette voie
parce que le policier lui en avait donné l’ordre et qu’il n’était pas nécessaire de lui parler sur ce ton. Alors
qu’elle se tournait vers Patricia (propriétaire de la voiture)
pour qu’elle lui donne les papiers, le policier X l’aurait fait
sortir de la voiture brutalement et l’aurait plaquée avec force
contre la portière arrière.

Évelyne dit s’être mise à pleurer et avoir demandé au policier
pourquoi il se conduisait d’une manière aussi agressive. Sans
répondre, il lui a passé des menottes aux poignets et l’a
emmenée dans le véhicule de patrouille. Patricia est sortie de
la voiture et a demandé au policier de ne pas se montrer aussi
violent ; ce dernier, au lieu de lui répondre, lui aurait donné un
coup de poing dans le bras. Deux autres policiers l’auraient
alors attrapée fermement, tandis que le policier X lui remettait
un éthylotest et lui criait de souffler dans le ballon. Elle a
obtempéré ; le résultat était positif, mais elle a alors tenté
d’expliquer qu’elle n’avait pas pris le volant.

Le policier X a
regagné la voiture de police. Patricia dit avoir entendu Évelyne
hurler qu’il la frappait à la tête ; Patricia s’est donc dirigée
vers le véhicule pour voir ce qui se passait. Selon elle, le
policier X l’a attrapée par le cou et l’a traînée jusqu’à sa
propre voiture, puis il l’a poussée violemment contre le véhicule et il a regagné sa voiture de service. Patricia a
demandé à un autre policier de l’aider, mais il n’aurait pas répondu. Lorsqu’elle a tenté d’utiliser son
téléphone portable, il lui a pris son appareil. Le policier X l’aurait ensuite menottée et fait asseoir sur le
trottoir en attendant l’arrivée d’une autre voiture de police, qui l’a conduite au poste.

Quand Évelyne est arrivée au poste de police de la rue des Orteaux, elle était, dit-elle, blessée à la bouche, aux
épaules et au dos, et incapable de marcher seule. Son chemisier était arraché et sa poitrine, partiellement
découverte. Patricia raconte qu’elle a vu les policiers faire avancer Évelyne en la poussant si fort qu’elle est tombée par terre. Enfin, les deux femmes ont été assises sur un banc l’une à côté de l’autre. Les policiers ont
décrit Patricia, ressortissante espagnole qui ne parle pas bien le français, comme une « Espagnole de
merde ». Quant à Évelyne, ils l’ont qualifiée de « vieille pute, en plus de lesbienne ». Ils ont tenu à propos des
deux femmes des propos insultants à caractère homophobe. Évelyne étant physiquement mal en point, un
policier a ordonné qu’elle soit conduite à l’hôpital.

Selon le récit de Patricia, elle est restée seule au poste de police, le poignet menotté à un banc. Elle aurait
demandé en espagnol et en français l’autorisation de téléphoner, mais les policiers lui auraient répondu qu’ils
ne parlaient pas espagnol et qu’ils ne comprenaient pas son français. Après une nuit passée au poste de
police, Patricia a été conduite à l’hôpital le lendemain matin. Là, on a mesuré sa tension artérielle. Elle
précise qu’aucun médecin n’a examiné ses blessures.

Elle a ensuite été ramenée au poste et interrogée. Elle a
demandé à bénéficier de la présence de son avocat, mais les policiers ont refusé. Elle a fait une déposition qui
a été traduite par un policier. On lui a dit de signer le document, alors qu’elle a précisé qu’elle ne pouvait pas
le lire (puisqu’il était rédigé en français). Patricia assure qu’elle n’en a pas reçu de copie. Les policiers lui ont
infligé une amende, le motif donné étant « piéton ivre sur le trottoir ». Elle a été libérée vers 14 heures, sans
constat officiel de sa garde à vue.

Quelques heures plus tard, Évelyne a été mise en examen pour outrage, rébellion et conduite en état d’ivresse,
puis relâchée. Elle a déclaré à Amnesty International qu’après s’être rendue à l’hôpital pour faire traiter ses
blessures, elle avait été reconnue atteinte d’une incapacité totale temporaire de vingt et un jours.
Quelques jours plus tard, Évelyne et Patricia ont porté plainte auprès de l’IGS pour les faits dont elles avaient
été victimes.

En janvier 2008, les deux femmes ont été convoquées devant l’IGS pour une audition en présence
des policiers accusés. Selon leur témoignage à Amnesty International, 10 agents de police étaient présents.
On leur avait demandé de se présenter séparément à l’audition, ont-elles précisé, et elles ne pouvaient pas
bénéficier de la présence de leur avocat. Évelyne a identifié deux des policiers accusés et Patricia, quatre.
Selon elles, les six autres policiers n’avaient pas participé à l’épisode. En raison de la peur que leur inspirait
encore la police, elles ont demandé que les policiers se présentent séparément, plutôt qu’en groupe, mais leur
requête a été rejetée. Évelyne a rapporté à Amnesty International que les policiers parlaient constamment entre
eux durant l’audition et qu’elle avait vu l’un des policiers quitter le bâtiment pour téléphoner, puis modifier sa
déclaration au retour. À la fin de l’audition, a indiqué Évelyne, les deux femmes estimaient que la procédure
avait été inéquitable, intimidante et empreinte de partialité en faveur des policiers.

La procédure sur la plainte de mauvais traitements a été classée sans suite par le procureur en
septembre 2008, malgré l’existence de certificats médicaux et de photographies qui confirmaient les
déclarations d’Évelyne. L’avocat d’Évelyne a ensuite porté plainte avec constitution de partie civile, ce qui
entraîne la réouverture du dossier et son examen par un juge d’instruction. À la date de la publication du
présent rapport, aucune suite n’avait été donnée.

Le 4 décembre 2008, Évelyne a été traduite devant un tribunal pour outrage, rébellion et conduite en état
d’ivresse. Quand la juge a présenté les faits, a-t-elle expliqué à Amnesty International, celle-ci s’est rendu
compte que de nombreuses informations ne figuraient pas au dossier. Évelyne a donc donné sa version des
faits à la juge. La magistrate s’est aperçue qu’elle n’avait pas la copie de nombreux documents, dont le
rapport de l’IGS, les certificats médicaux d’Évelyne, les photographies de ses blessures. Elle a ordonné le
renvoi de l’affaire à une date ultérieure, lorsque des éléments supplémentaires lui auraient été soumis.

Présentation générale du rapport d’Amnesty International

Autres extraits :

Pascal Taïs, Abou Bakari Tandia, Abdelhakim Ajimi

Fatimata M’Baye, Lamba Soukouna

Cf. aussi :

1997-2002 : Cinq ans d’impunité policière

P.-S.

Ce texte est extrait du rapport d’Amnesty International : Des policiers au dessus des lois ?, dont nous recommandons la lecture intégrale. Le rapport est téléchargeable ici.