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Le 1er mai , fête des travailleuSes ?

Quand le « temps libre » des uns occulte le « travail domestique » des autres

par Corinne Billard
1er mai 2018

En 1889, le 1er mai devient une journée de mobilisation pour l’obtention des 8h de travail quotidien, revendication ouvrière de l’époque. Cette loi sera finalement votée le 23 avril 1919. Comme le réclamaient les syndicats, les ouvriers obtiendront un plus de "temps libre". Les ouvrières gagneront elles un peu de temps de corvée supplémentaire.

Sur cette affiche du magazine satirique L’Assiette au Beurre, le dessinateur Jules Grandjouan évoque les "8h de travail, 8h de loisir et 8h de sommeil" que la "loi des huit heures" devait permettre. Cette allégorie met en scène trois femmes nues avec leurs outils : Si la première munie d’une pioche, illustre le travail (toute nue ?) et la dernière tenant un drap, le sommeil (toute nue ?), celle qui symbolise le loisir n’a d’autre attribut que sa nudité.

Est-ce pour évoquer la liberté retrouvée des camarades salariéEs ? Cette femme est-elle nue parce que, totalement focalisée sur ses loisirs - rougeole du petit et linge à blanchir - elle n’a pas eu le temps de s’habiller ce matin ?

C’est plutôt que cette affiche imaginée par un homme s’adresse aux hommes, avec une certaine idée du "loisir" masculin (un corps de femme dévêtue). Mais c’est surtout le slogan syndical qui nous interpelle : "8h de travail, 8h de loisir, 8h de sommeil". Il faut être nourri et blanchi depuis toujours pour s’imaginer que la vie devient loisir à la sortie de l’usine. Il faut ignorer les huit heures de "loisirs ménagers" féminins quotidiens : courses, lessive, soin des enfants, repas.

Bref il faut être un homme.

Notons que sur la plupart des photos de mobilisation, comme celle poing levé de 1936, on aperçoit des ouvriers, mais peu (ou pas) d’ouvrières. Est-ce à cause de leurs "loisirs ménagers" n’admettant aucune grève : couches, biberons, lessives ? Car militer demande du temps et les femmes, occupées par le foyer, en ont moins que les hommes.

Depuis 1889, le 1er mai est appelé "Fête internationale des travailleuses et des travailleurs". Mais aujourd’hui nombreuses seront les camarades qui ne pourront pas défiler, car le 1er mai n’est pas journée de ménage chômée. On peut donc s’interroger sur cette dénomination puisque le partage des tâches ménagères - véritable travail non rémunéré- reste majoritairement féminin et se demander :

Quand les femmes obtiendront-elles enfin leurs heures de loisir ?