
Éditorialiste multicartes né en 1950, Alexandre Adler officie depuis 2002 dans les pages (privées) du Figaro et à l’antenne (publique) de France Culture, après être notamment passé depuis les années 1980 par Libération, Courrier International, Le Monde et Le Point, et il est partout présenté comme « un des plus grands spécialistes de géopolitique internationale contemporaine » [1] – ou, plus sobrement, comme un « spécialiste des relations internationales ». Et, de fait, l’intéressé donne régulièrement son avis sur les affaires du monde sous la forme, notamment, de hardis pronostics où se devine l’influence déterminante de Michel de Nostre Dame, alias Nostradamus. Malheureusement, il est, fort souvent, démenti par la réalité.
Le 8 mars 2003, par exemple, après s’être livré, explique-t-il dans Le Figaro, à une « observation minutieuse de certains faits » et sur la foi aussi de « certaines hypothèses », d’« intuitions » et d’assez mystérieuses « appréciations psychologiques », Alexandre Adler énonce doctement que la seconde guerre d’Irak, un peu comme celle de Troie, « n’aura peut-être tout simplement pas lieu » [2]. Las, douze jours plus tard, déjouant cette audacieuse prédiction, George W. Bush lance ses GI’s à l’assaut de Bagdad…
Mais c’est lorsqu’il s’aventure dans la divination électorale que ce « médiacrate tout terrain » [3] est au meilleur de sa forme. En 2003, toujours, il annonce ainsi que le candidat démocrate John Kerry « va gagner d’une courte tête », aux États-Unis, l’élection présidentielle de novembre 2004. Très mauvaise pioche : comme on le sait, c’est le candidat républicain sortant, George W. Bush, qui l’emportera, bissant son pénible mandat. Mais sa victoire ne dissuade nullement la pythie Adler de continuer à formuler, au fil des ans, de (très) burlesques prédictions.
Le 26 janvier 2006, analysant sur France Culture, avant qu’ils ne soient complètement connus, les résultats d’élections palestiniennes d’où le Hamas islamiste sortira grand vainqueur, battant largement le Fatah, il assure que ce dernier « a résisté à l’érosion et représente » toujours le « premier parti palestinien », de sorte que « la direction palestinienne restera entre des mains laïques ». Le lendemain, le futurologue amateur, de nouveau rudoyé par les faits, concède à l’antenne cette émouvante confession :
« Hier, j’ai fait une analyse qui est rigoureusement inverse de la réalité, s’agissant des élections palestiniennes. »
Mais le ridicule ne tue pas et il en faudrait beaucoup plus pour dissuader Alexandre Adler de livrer au monde ses vues sur l’avenir.
Le 29 septembre 2007, il assure donc, dans Le Figaro, que :
« les États-Unis s’acheminent vraisemblablement vers un conflit entre […] Hillary Clinton et Rudy Giuliani »
Encore raté ! L’élection présidentielle de novembre 2008 se jouera, on le sait, entre John McCain et Barack Obama.
L’omniscient Alexandre Adler, en somme, a ceci de spécial qu’il se trompe régulièrement lorsqu’il s’essaie à l’anticipation, en particulier électorale. Mais en dépit de cette remarquable addiction au fourvoiement, la presse et l’édition continuent – la foi déplace des montagnes – de le présenter comme un « expert incontesté des questions de géopolitique internationale ». Libération le portraiture même – quand on aime, on ne compte pas – comme le « Balzac de la géopolitique » [4].
