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Le Petit Facho de Gauche (Première partie)

Bréviaire du racisme vertueux

par Fatouche Ouassak
19 août 2007

Paru en feuilleton dans le mensuel L’Indigène de la république, ce lexique propose, selon les mots de son auteure, quelques rudiments permettant de « véhiculer sournoisement, dans un long discours sur le vivre-ensemble et la tolérance, des représentations racistes, tout en ramassant le stylo tombé par terre que l’on vient d’utiliser pour signer, les larmes aux yeux, une pétition en faveur du petit Mamadou, 5 ans, menacé d’expulsion si on ne fait rien ».

Ce petit lexique peut servir de guide lors des dîners, des réunions de famille ou des discussions entre collègues autour de la machine à café, pour repérer les fachos de gauche, souvent assez difficiles à démasquer. Selon des calculs scientifiques très rigoureux, on peut estimer qu’une personne qui utiliserait au moins 4 mots ou expressions du lexique, avec le sens décliné dans le guide, lors d’une conversation de 43 minutes au moins, sur des sujets « propices au repérage » tels que « émeutes dans les banlieues » ou « voile à l’école », peut être considérée, avec un risque d’erreur minimal, comme « facho de gauche ».

Aïd : Jour de fête qui consiste pour les hommes maghrébins à égorger dans leurs baignoires de très jeunes moutons sans défense. Jour de fête qui consiste pour les femmes maghrébines à offrir des pâtisseries orientales (bien de là-bas) à leurs voisins français, dans un souci de partage et d’échange culturel, les français offrant gracieusement en retour des « mercis » (bien d’ici).

A la grande époque arabo-andalouse... : Période historique que personne ne sait situer chronologiquement, et que personne ne connait au delà de son nom. Sert surtout de référence magnifiée et poétique lorsque l’on veut montrer que les musulmans arabes n’ont pas toujours été les barbares que l’on connait aujourd’hui, mais qu’il y a très, très, très, longtemps, ils étaient civilisés. Mythe qui représente une lueur d’espoir et d’optimisme pour ceux qui ne désespèrent pas, malgré tout.

Appeler un chat un chat : Expression à utiliser dès le commencement d’un discours, en n’oubliant pas d’adopter une posture virile, lorsque l’on s’apprête à se laisser aller aux amalgames et aux préjugés racistes, pour prouver qu’on est courageux et sans compromis. Expression à utiliser particulièrement quand on sait ne courir aucun risque, dans un contexte moral et politique propice.

Arrogant : Adjectif qui qualifie le jeune maghrébin (surtout s’il est beau et intelligent), lorsqu’il prend la parole sans attendre qu’on le lui permette, comme s’il était normal que lui aussi participe au débat à égalité avec les autres.

Avoir des origines ethniques : Spécificité des français d’origine africaine ou maghrébine, par opposition aux français de souche, qui, par définition, n’ont pas d’origines ethniques, puisqu’ils sont chez eux.

Beurette : Jeune femme d’origine maghrébine mais qui, avec beaucoup de volonté et de courage (car il en faut), fait des efforts pour que cela ne se voit pas trop.

Charte de la diversité : Charte que les chefs d’entreprise prennent extrêmement au sérieux puisque la promotion de la diversité culturelle dans leur entreprise a toujours été leur objectif prioritaire. Sur la base de cette charte, il s’agit de montrer la très grande diversité culturelle dans les entreprises, diversité qui fait la chance et la richesse de la France. La charte invite à montrer qu’il n’y a pas que des cadres supérieurs, des ingénieurs ou des patrons français dans les entreprises ; il faut aussi valoriser les téléconseillères maghrébines en CDD, les techniciennes de surface maliennes en intérim, les animateurs-quartier algériens en emploi jeune... Il faut insister sur leurs très grandes compétences et leurs très grandes réussites dans leurs fonctions respectives, qu’on pourrait presque croire inventées pour eux.

Discriminations raciales : Fléau de la société qui empêche les maghrébins et les africains d’entrer en boîte de nuit.

Français de souche : Expression qui désigne le vrai français, par opposition au français (maghrébin ou africain, en vérité), qui ne ressemble pas physiquement au français normal.

Halte à la repentance : Principe de précaution qui consiste, les larmes aux yeux, l’air solennel, et agitant frénétiquement un drapeau français, à alerter sur les dangers, pour la République, d’un excès de repentance de la France face à son histoire coloniale, alors même que la repentance n’a jamais commencé et qu’elle est loin d’être prévue au programme.

Immigré : Identité de ceux qui ont migré d’un pays à un autre. Identité extraordinaire lorsqu’elle concerne les maghrébins ou les africains car ils ont la faculté de transmettre à leurs enfants le flux migratoire par le sang, même quand leurs descendants n’ont, depuis plusieurs générations, jamais quitté leur quartier de Seine Saint Denis.

Lutte contre les discriminations raciales : Combat acharné pour faire qu’enfin les maghrébins et les africains puissent entrer en boîte de nuit.

Maghrébins et Africains : Les maghrébins (pas complètement noirs) viennent du Maghreb, qui se trouve au dessus de l’Afrique ; alors que les africains (complètement noirs) viennent d’Afrique, qui se trouve en dessous du Maghreb.

Musulman modéré : Désigne le bon musulman éclairé et bien intégré dans la société française.

 Il se fait souvent appeler Mouss ou Momo car il sait que c’est beaucoup plus doux à l’oreille que Mustapha ou Mohamed.

 Il rappelle souvent à ses amis français que la littérature égyptienne du 14ème siècle, à travers de grands écrivains musulmans, était très érotique.

 Il a pris de la hauteur par rapport aux pratiques obscurantistes de l’immigré musulman de base, c’est à dire qu’il sait apprécier le bon vin, ne fait pas toute une histoire lorsqu’il mange des côtelettes de porc au restaurant, ne serait-ce que par respect pour ses amis français avec lesquels il dîne tranquillement.

 Il sait que les prières quotidiennes et le jeûne du ramadan sont des pratiques archaïques et dépassées.

 Il a pleuré sur la mort des victimes du 11 septembre 2001, en prenant la peine de se justifier et de répéter, pour rassurer ses amis français, qu’il ne cautionnait pas ces attentats islamistes.

 Il est capable de parler de « complexité du problème » lorsque l’on parle du conflit israélo-palestinien, en souhaitant des compromis de part et d’autre, en insistant même parfois sur le droit à la sécurité d’Israël.

 Il a compris qu’il devait, pour être un bon musulman, placer les lois de la république française bien au dessus de sa religion et de sa foi.

Nous (par opposition à « Vous ») : Pronom personnel à utiliser lorsque l’on s’adresse à un français qui a des origines ethniques, pour subtilement marquer la différence avec les français de souche, notamment lorsqu’on évoque la liberté d’expression, l’amour au sein de la famille, le goût pour l’art contemporain... pour éviter qu’il se sente concerné inutilement par des concepts qui lui sont étrangers.

Personne de couleur : Personne de couleur noire (ou assimilée au noir) ; les français n’ont, par définition, pas de couleur, puisqu’ils sont blancs.

Quartier folklorique  : Quartier où des gens de toutes les couleurs, toujours gais et souriants, marchent dehors toute la journée pour décorer les rues.

Se battre contre le racisme (par opposition à « Victimisation ») : Désigne l’activité philantropique des personnes généreuses et humanistes qui défendent courageusement les africains et les maghrébins, victimes sans défense du racisme, et donc incapables de se défendre eux-mêmes

Séjour en Algérie, Séjour au Mali : Réferences touristiques à proposer lorsque des maghrébins (citer l’Algérie), ou des Africains (citer le Mali) se plaignent de leur place et de leurs conditions de vie dans la société française, notamment lorsqu’ils comparent leur situation avec celle des français de souche, alors qu’ils devraient normalement la comparer avec celles de leurs semblables (respectivement algériens ou maliens), qui n’ont pas eu la chance, eux, d’être accueillis par la Francepaysdesdroitsdel’homme.

Sens de l’hospitalité : Sixième sens inné chez les maghrébins, tirant certainement son origine de la glorieuse période historique allant du 19ème siècle à la première moitié du 20ème siècle, période pendant laquelle on savait recevoir les français au Maghreb, et toujours les bras ouverts, et toujours avec le sourire.

Victimisation (par opposition à « Se battre contre le racisme ») : Processus qui concerne les maghrébins et les africains, souvent les plus ingrats et les plus prétentieux, qui ne veulent plus être les victimes passives des discriminations, mais veulent se battre et revendiquer eux-mêmes leurs droits, souvent de façon arrogante.

Vous (par opposition à « Nous ») : Pronom personnel à utiliser lorsque l’on s’adresse à un français qui a des origines ethniques, pour subtilement le renvoyer à ses semblables maghrébins ou africains, notamment lorsqu’on évoque avec lui les attentats terroristes, les allocations familiales, les violences dans les banlieues, les projets socio-culturels...

P.-S.

Fatouche Ouassak est membre du comité de rédaction de L’indigène de la république, Mensuel, 16 pages, 2 euro.

Ce texte est paru en trois parties, dans les trois premiers numéros de L’indigène de la république.