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Le devoir de mémoire : pour la police aussi !

Les enfants juifs raflés et déportés : par qui ?

par Maurice Rajsfus
18 juin 2020

En hommage à Maurice Rajsfus qui vient de disparaître, nous republions un texte qu’il nous avait amicalement autorisé à publier il y a plus de dix ans. Il demeure hélas d’actualité à l’heure où, face à un mouvement national et mondial contre le racisme et la violence policière, la réponse institutionnelle est un incroyable déni et, comme aux pires heures su sarkozysme, un blanc-seing donné à une police que toutes les enquêtes accusent (de Mediapart à Arte, en passant par Human Rights Watch, Amnesty International ou le défenseur des droits). C’est justement sous Sarkozy que fut publié ce texte de Maurice, à l’occasion d’une initiative présidentielle éminemment problématique : l’appel à faire parrainer – c’est-à-dire prendre en charge – par chaque élève de CM2 la mémoire de l’un des 11000 enfants juifs raflés entre le 16 juillet 1942 et le 31 juillet 1944. Le texte de Maurice revient sur cette idée aussi obscène qu’incongrue, et propose une autre approche de ce passé atroce, en nous ramenant à la question essentielle : qui a arrêté ces jeunes ?

Ce sont nos policiers et gendarmes français, lesquels n’ont jamais hésité à les confier rapidement aux bons soins des bourreaux nazis ! Il serait donc cohérent que dans chaque commissariat soient rappelé régulièrement les exploits des anciens de nos forces de l’ordre.

De tels rappels à l’Histoire seraient tout à fait salutaires, en un temps où policiers et gendarmes sont constamment en mission pour traquer les sans papiers et, à l’occasion, les séparer de leurs enfants – sans que cela les traumatise particulièrement.

Bien sûr, il ne saurait être question de comparer les périodes, car le temps de la barbarie nazie est heureusement révolu. Pourtant, les mauvaises manières n’en perdurent pas moins, et les fonctionnaires d’autorité de la République ne se risquent jamais à transgresser des ordres qui ne sont en rien compatibles avec les traditions humanitaires du pays des droits de l’homme.

Une fois encore, on nous objectera : « Ce n’est pas pareil ! » Belle façon de faire l’impasse sur des dérives insupportables. Tout serait donc permis, dès lors qu’un régime se proclame démocratique et que ses dirigeants procèdent du suffrage universel ?

Une certitude : les policiers et les gendarmes de la République pourraient tirer grand profit de l’étude des périodes noires de notre histoire, et des missions dont les forces de l’ordre étaient investies, de l’été 1940 à l’été 1944. Enfin, si au temps de l’occupation nazie ceux qui s’accommodaient de leur fonction ne pouvaient refuser, paraît-il, les ordres reçus, il en va tout autrement en 2008.

P.-S.

Né en 1928 à Aubervilliers, Maurice Rajsfus a été arrêté en juillet 1942 avec ses parents lors de la rafle du Vél d’Hiv par un policier français qui avait été son voisin de palier. Relâché à la suite d’un ordre excluant de la rafle les Juifs de 14 à 16 ans, il ne reverra plus ses parents. Ce texte est d’abord paru sur le site rue89.fr. Nous le reproduisons avec l’autorisation de l’auteur.