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Le fantôme de Flora Tristan (Chapitre 4)

Le Polar de l’été

par Abe Zauber
23 juillet 2008

Résumé des chapitres précédents : Ted Berger, enquêtant sur la disparition mystérieuse de Maurice Mikoyan, un professeur d’extrême gauche, découvre qu’il avait reçu des menaces.

Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3

Chapitre 4

Quand son téléphone sonna, Ted était en pleine réflexion. Il l’entendit sans presque s’en apercevoir. Le bureau était bruyant, parce qu’il avait laissé la fenêtre ouverte, pour aérer la pièce de la lourde fumée de son havane – un robusto D4 de Partagas. Après de brèves recherches, il avait pu déterminer – en fait, c’est Duchaussoy qui s’en était chargé – que l’un des numéros que Maurice Mikoyan avait appelés appartenait à un certain Nacer Slimani. L’autre était celui du domicile de son beau-frère, Martin Charlot. Ted finit par décrocher au moment même où son répondeur allait se mettre en marche.

- Monsieur Berger ?

- Oui, c’est moi…

- Excusez moi de vous déranger, je suis Olivier Parmentier, avocat. Je vous appelle à la demande de Madame Solange Mikoyan.

- Oui… De quoi s’agit-il ?

- Elle vous avait chargé de retrouver son mari, n’est-ce pas ?

- Si vous êtes avocat, vous devez savoir ce que c’est que le secret professionnel…

- Je comprends. En tous cas, voilà, on a retrouvé Maurice Mikoyan.

- Bien. C’est l’homme que je suis censé chercher ?

- Oui, oui… Il n’y a pas matière à plaisanter : on l’a retrouvé mort.

- Je suis désolé.

- Et Madame Mikoyan est actuellement retenue en garde à vue au commissariat de police du dix-neuvième arrondissement. On l’accuse de l’avoir tué.

- Merde.

- Elle m’a dit qu’elle avait confiance en vous ; elle voudrait que vous cherchiez à établir la vérité. Pourriez-vous passer me voir à mon cabinet, que nous en discutions ?

Ted n’hésita pas. Voilà que cette histoire de mari qui découche devenait une histoire de meurtre, comme il avait rêvé d’en avoir quand il s’était lancé dans ce métier. Comme ça, Miko était mort. On l’avait buté. Et Solange était au trou. Si elle m’a demandé de le retrouver, c’est sans doute qu’elle n’y est pour rien, se dit Ted : elle n’a pas l’air assez futée pour avoir cherché à brouiller les pistes.

Il avait hâte d’avoir quelques détails. Comment Maurice Mikoyan était-il mort ? Comment l’avait-on retrouvé ? Pourquoi accusait-on Solange ? Et puis, il y a ces choses qu’il était seul à savoir, et qui prenaient d’un coup un relief nouveau : cette lettre menaçante, ces appels téléphoniques… Ted était bien décidé, au moins dans un premier temps, à garder ça pour lui.

La visite à l’avocat lui sembla, lorsqu’il sortit de son cabinet, avoir été largement inutile. Il l’avait reçu de façon fort courtoise, dans un bureau bien agencé du boulevard Saint-Germain, mais il ne savait pas grand chose. Il avait pu voir Solange Mikoyan moins d’une demi-heure au commissariat de police, mais n’avait pas pu consulter son dossier. Elle même, très secouée, lui avait dit des choses qui n’étaient pas totalement cohérentes (maître Parmentier avait fait mine de ne pas l’entendre quand Ted lui avait demandé si elle était ivre), mais ce qui était certain c’est qu’on avait retrouvé Maurice Mikoyan dans sa voiture, à la suite d’un accident de la circulation, et que les gendarmes avaient immédiatement constaté une fuite du liquide des freins : le conduit avait été tailladé. Mikoyan, apparemment, était par ailleurs sous l’emprise de l’alcool : et sans doute, cela n’aidait-il pas.

L’accident avait eu lieu sur le boulevard périphérique, dans la nuit de samedi à dimanche, vers vingt-trois heures trente. Solange était soupçonnée, parce que, aux dires des voisins, ils se disputaient souvent, qu’elle le trompait assidûment, qu’il était parti le vendredi soir en hurlant qu’il ne voulait plus la voir, à quoi elle avait répondu : « Et toi, tu n’as pas intérêt à te repointer ici ! »

- Et il s’était repointé ? avait demandé Ted.

- Non, avait dit l’avocat, je ne crois pas.

- Qu’est-ce qu’elle dit, sur cette dispute lors de son départ ?

- Elle ne dit rien… Je vous le répète, elle était très agitée, et je ne suis pas sûr qu’elle réalisait bien ce qui arrivait… Bon, Monsieur Berger, vous acceptez ce travail ?

- Je vous dirai la même chose que ce que j’ai dit à Madame Mikoyan : mon tarif n’a pas changé.

- Oui, elle m’en a parlé ; j’ai vu avec Monsieur Charlot, son frère, c’est OK.

- Alors… je n’ai pas d’autres exigences… Juste un détail : votre client, c’est Madame Mikoyan, ou c’est son frère ?

- C’est elle.

- Mais qui vous paye ?

- C’est Monsieur Charlot, oui. Pourquoi vous me demandez ça ?

- Pour rien, pour rien…

P.-S.

Le fantôme de Flora Tristan paraîtra en 24 chapitres pendant tout l’été, du mardi au vendredi.

Prochain épisode : Chapitre 5, en ligne le jeudi 24 juillet.