« Etudiant : Celui qui étudie. Particulièrement, celui qui étudie dans une université, et, en France, dans une faculté. Il y a peu d’étudiants à ce cours. Étudiant en droit. Au féminin, étudiante, dans une espèce d’argot, grisette du quartier latin. Commis et grisettes, étudiants et étudiantes affluent dans ce bal. »
Dictionnaire Littré [1]
Hubertine Auclert écrivait en 1899 :
« L’omission du féminin dans le dictionnaire contribue, plus qu’on le croit, à l’omission du féminin dans le code (côté des droits). L’émancipation par le langage ne doit pas être dédaignée. N’est-ce pas à force de prononcer certains mots qu’on finit par en accepter le sens qui tout d’abord heurtait ? La féminisation de la langue est urgente, puisque pour exprimer la qualité que quelques droits conquis donnent à la femme, il n’y a pas de mots […] En mettant au point la langue, on rectifie les usages dans le sens de l’égalité des deux sexes. La féminisation initiale est celle de la langue, car le féminin non distinctement établi sera toujours absorbé par le masculin. » [2]
Les choses ont peu changé en France si l’on en juge par les problèmes de dénomination posés par la candidature de Ségolène Royal à la présidence de la République. Au lendemain du premier tour des élections présidentielles en France, le journaliste Sylvain Besson écrivait :
« Il n’y a pas un, mais deux grands vainqueurs du scrutin de dimanche. […] Le second vainqueur – on regrette qu’il n’existe pas de féminin pour ce mot – est Ségolène Royal… » [3].
Mais si on jette un oeil sur Internet, on voit tout de suite que la fonction a légitimé un féminin. Il est question de vainqueuse de concours, de vainqueuse en sport, et surtout de la vainqueuse du deuxième tour. Un blogueur s’étonne et écrit :
« Notons que “vainqueur” n’a pas de féminin. Ça n’existe pas vainqueuse… Comme si les types de l’Académie, la société en général, n’avaient pas imaginé qu’une femme puisse être la gagnante de quoi que ce soit. »
Pourtant ce vocable est donné par le site orthographique et grammatical canadien Lextutor ; il est aussi employé en Suisse. Le même blogueur notait au passage qu’on disait de la candidate qu’elle était le successeur de François Mitterrand, car ici encore il n’y avait pas de féminin .
Et de fait, la loi dite salique, la tradition française font que le pouvoir se décline difficilement au féminin. De Pierre de Ronsard (1562) et son « Je suis plein de dépit, quand les femmes fragiles interprètent en vain les sens des Evangiles alors qu’elles devraient s’occuper de leur maison et leur ménage » au « Qui va s’occuper des enfants ? » de Fabius, camarade et rival de la candidate socialiste, en passant par le procureur Chaumette qui envoya à la guillotine celles qui eurent l’audace de penser autrement, les opposantes au statu quo l’ont vécu à leurs dépens. Toutes ces admonestations montrent bien qu’en France, les droits de l’Homme furent longtemps (continuent à être) non pas ceux de tous et toutes mais bien ceux de l’être humain mâle.
Un langage et un monde inégalitaire
Le symbolisme social étant véhiculé, structuré par le langage, c’est toute une conception du monde qui est impliquée. Les travaux en psychologie sociale ont montré que le genre grammatical influence la représentation qu’on se fait des métiers. L’utilisation du masculin dit générique biaise la représentation sociale des genres en défaveur des femmes et ceci de façon systématique, alors que l’utilisation des vocables au féminin et au masculin permet aux filles comme aux garçons de s’investir émotionnellement et intellectuellement dans la profession. En effet, la dénomination au masculin tend à dévaloriser le féminin. On parlera d’une directrice d’école mais d’un directeur de cabinet, d’un secrétaire d’état mais d’une secrétaire de direction. On trouve aussi une liste de récipiendaires de la Légion d’honneur avec « Monique Berlioux, ancien directeur de l’Équipe Olympique », mais « Mme Claude Bessy, directrice de l’École de danse de l’Opéra ».
Cette binarité entraîne une polarisation, une hiérarchisation sociale mettant le féminin et les femmes au bas de l’échelle. De plus, archaïque, elle établit une équivalence entre le masculin, le haut et le noble. C’est ainsi que « le genre masculin étant le plus noble, il doit prédominer chaque fois que le masculin et le féminin se trouvent ensemble » (Vaugelas, 1647). Le féminin, lui, est associé au bas, au vulgaire, au divers. Les mots qui passent du masculin au féminin, surtout dans les expressions figées, en témoignent : on dit le grand amour mais les amours enfantines, des œuvres diverses mais l’œuvre entier de Beethoven, de nobles gens mais de petites gens. Les suffixes féminins étant soit des diminutifs (un camion, une camionnette ; un amour, une amourette), soit ressentis comme péjoratifs (un gagnant, une gagneuse), les féminins sont rejetés pour des raisons de prestige social. Le suffixe esse – un chef, une cheffesse – est souvent réfuté parce que renvoyant au vocable fesse. Tous renverraient les femmes à leur corporalité, leur singularité. N’a-t-on pas parlé du sexe, parfois du beau sexe, pour dire les femmes ? N’est-ce pas ce que firent les académiciens en prenant position contre la féminisation des noms de métiers, titres et fonctions ? C’est ainsi que l’académicien Marc Fumaroli osait écrire à propos du féminin de recteur :
« Et pourquoi pas recteuse, et pourquoi pas rectale ? »
Dans ces conditions, on ne saurait s’étonner de ce que certain ?e ?s refusent tout ce qui est féminin. Aujourd’hui, les vocables au féminin sont néanmoins plus courants. On parle de la ministre, de la juge, de la rectrice, de la cheffe ou de la chef, de la ramoneuse, etc. On les lit dans les journaux, on les entend sur les radios ou à la télévision. Le temps est loin où Alexandre Dumas fils, secrétaire du duc d’Orléans, assurait que le jour où les femmes deviendraient secrétaires, le monde occidental s’écroulerait.
Féminisation et Académie française
La féminisation du français semble à certaines personnes problématique, voire incorrecte, en raison des avis contraires donnés par l’Académie française . En refusant de suivre ses conseils, n’irions-nous pas à l’encontre de la pureté de la langue, ne refuserions-nous pas de nous plier à des règles immuables ? Si l’Académie française a valeur de référence, il est inexact de parler de codification de la langue par cet organisme. Les tâches de l’Académie ont peu évolué depuis qu’elles ont été fixées en 1637 : devant
« nettoyer la langue des ordures qu’elle avait contractées ou dans la bouche du peuple ou dans la foule du Palais », sa fonction principale allait être de « travailler avec tout le soin et toute la diligence possible à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences. »
Le contrôle de la langue, en dehors de l’Éducation Nationale, est assuré depuis le décret du 31 mars 1966 par trois commissions dépendant du Haut Comité pour la défense et l’expansion de la langue française. En 1970 quinze commissions de terminologie ont été créées pour enrichir le vocabulaire technique (audiovisuel, bâtiment et travaux publics, énergie nucléaire, etc.). On compte en 2007 vingt-trois commissions dont a fait partie celle dite de féminisation des titres et fonctions, qui a été dissoute en 1984. Toutes les commissions fonctionnent selon le même principe : pour chaque rubrique, deux listes de termes sont proposées, l’une comprenant « les termes approuvés et dont l’emploi est rendu obligatoire », l’autre des « termes dont l’emploi est seulement recommandé ».
Depuis le 1er avril 1973, tous ces termes doivent être employés « dans tout acte et correspondance officiels, dans les marchés et contrats de l’État des établissements publics, dans les ouvrages d’enseignement, de formation et de recherche. »
C’est ainsi qu’a été créée le 24 février 1984 (décret 84-153) la commission de terminologie relative au vocabulaire concernant les activités des femmes, contre laquelle les académiciens publièrent à plusieurs reprises. L’Académie ne s’adresse curieusement qu’à une seule et unique commission, celle traitant des activités des femmes, alors que cette même assemblée d’hommes se réjouit des travaux des autres commissions qui enrichissent le langage en inventant de nouveaux mots tels que logiciel, bureautique, ordinateur, baladeur, etc. On peut se demander pourquoi le génie de la langue accepterait plus facilement l’informatique que la juge.
L’Académie française se prononça immédiatement contre la « féminisation » et attaqua les travaux de la commission ainsi que les bases théoriques qui avaient soutenu sa démarche. On le voit dans l’extrait ci-dessous daté du14 juin 1984 où l’Académie déclare :
« avoir appris par la presse l’existence d’une Commission de terminologie, créée à l’initiative du Gouvernement (décret du 29 Février 1984), chargée d’étudier la féminisation des titres et des fonctions et, d’une manière générale, le vocabulaire concernant les activités des femmes. Le décret précise que “ la féminisation des noms de professions et des titres vise à combler certaines lacunes de l’usage de la langue française ”. On peut craindre que, ainsi définie, la tâche assignée à cette commission ne procède d’un contresens sur la notion de genre grammatical et qu’elle ne débouche sur des propositions contraires à l’esprit de la langue.
Il convient en effet de rappeler qu’en français comme dans les autres langues indo-européennes, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le genre naturel.
Le français connaît deux genres, traditionnellement dénommés “ masculin ” et “ féminin ”. Ces vocables hérités de l’ancienne grammaire sont impropres. Le seul moyen satisfaisant de définir les genres du français eu égard à leur fonctionnement réel consiste à les distinguer en genres respectivement marqué et non marqué.
Le genre dit couramment “ masculin ” est le genre non marqué, qu’on peut appeler aussi extensif en ce sens qu’il a capacité à représenter à lui seul les éléments relevant de l’un et l’autre genre. Quand on dit “ tous les hommes sont mortels ”, “ cette ville compte 20 000 habitants ”, “ tous les candidats ont été reçus à l’examen ”, etc., le genre non marqué désigne indifféremment des hommes ou des femmes. Son emploi signifie que, dans le cas considéré, l’opposition des sexes n’est pas pertinente et qu’on peut donc les confondre.
En revanche, le genre dit couramment “ féminin ” est le genre marqué, ou intensif. Or, la marque est privative. Elle affecte le terme marqué d’une limitation dont l’autre seul est exempt. À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux être animés, institue entre les sexes une ségrégation.
Il en résulte que pour réformer le vocabulaire des métiers et mettre les hommes et les femmes sur un pied de complète égalité, on devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit “ féminin “ en français, genre discriminatoire au premier chef, soient évités ; et que, chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations professionnelles le genre non marqué.
Seul maître en la matière, l’usage ne s’y est d’ailleurs pas trompé. Quand on a maladroitement forgé des noms de métier au féminin, parce qu’on s’imaginait qu’ils manquaient, leur faible rendement (dû au fait que le cas non marqué contenait déjà dans ses emplois ceux du cas marqué) les a très vite empreints d’une nuance dépréciative : cheffesse, doctoresse, poétesse, etc. On peut s’attendre à ce que d’autres créations non moins artificielles subissent le même sort et que le résultat aille directement à l’encontre du but visé.
Il faudrait aussi rappeler qu’en français la marque du féminin ne sert qu’accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d’indiquer des grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l’accord des adjectifs, la variété des constructions nominales... Tous ces emplois du genre grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des sexes ne joue qu’un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. Ils risquent de mettre la confusion et le désordre dans un équilibre subtil né de l’usage, et qu’il paraîtrait mieux avisé de laisser à l’usage le soin de modifier. »
L’Académie reprend dix-huit ans plus tard le même « avertissement dont il n’a été tenu aucun compte ». Mais elle avance ici certains arguments sans aucun fondement linguistique. Ils relèvent d’une position idéologique sous-jacente et parfois inconsciente de la dévaluation du féminin. Les noms d’humains, par exemple, sauf rares exceptions, alternent tous en genre selon le sexe, et la théorie du « genre non marqué » est éminemment discutable.
On peut raisonnablement se poser la question de la misogynie de l’Académie française et penser que si la Belgique, le Canada, le Québec et la Suisse romande ont pu développer des guides de rédaction épicène et des dictionnaires féminin masculin des métiers, titres et fonctions, c’est que l’Académie française ne les régit pas, même si toutes ces sociétés sont toujours à divers degrés patriarcales.
La féminisation en francophonie
On lira ici les contributions de plusieurs membres du réseau international de féminisation. Ce réseau s’est formé à la suite du colloque de Laval en 1999 afin de promouvoir la féminisation du vocabulaire et les spécificités nationales. Les articles du Grand angle ont été écrits dans le cadre du 4e Congrès international des recherches féministes dans la francophonie plurielle à Ottawa en 2005. Cette série d’articles fait le point sur l’évolution de la langue française et de la prise en compte des femmes dans le vocabulaire et la grammaire. Hélène Dumais, autrice d’un guide de rédaction (avec Catalina Ferrer, 1988) et organisatrice d’ateliers de rédaction non sexiste, pose la question de l’occultation des femmes dans des textes gouvernementaux, qu’ils incluent ou non une mention sur l’emploi du « masculin générique ». Elle analyse précisément sa mise en place afin d’en montrer l’(in)cohérence. Elle rejoint les préoccupations d’Edwige Khaznadar qui s’attache ici à démontrer l’autorité juridique discutable du Rapport de l’Académie française (de 1998), l’inexactitude de son argumentation linguistique, le caractère polémique de la conclusion, et pour l’ensemble, le recours à des positions stéréotypées affectant le masculin à la sphère publique, le féminin à la sphère privée.
Le travail de Fabienne Baider, Evelyne Jacquey et Anita Liang analyse et critique les systèmes de hiérarchies construits par les synonymes et les exemples des banques de données terminologiques internationales, afin de rendre visibles les progrès effectifs et globaux dans le domaine des connaissances et de favoriser la construction de systèmes de savoirs non discriminatoires.
La féminisation lexicale accomplie, se pose la question du générique et de la féminisation syntaxique. On lit, on dit aujourd’hui la juge, la professeure, voire même la rectrice, mais nombre de personnes hésitent encore à dire ou écrire « elles et ils sont allés se promener » ou « les auteurs et les autrices étaient très heureuses de leur succès », car les règles de grammaire sont pour beaucoup hors du champ de l’idéologie et comme transcendantales. Toutefois, si la « féminisation » du vocabulaire et la parité grammaticale existent, on parle alors de parité linguistique. C’est à la réalité de celle-ci que s’attache Louise-Laurence Larivière, proposant un certain nombre de mesures. Pour elle, cette parité gagne du terrain dans la francophonie et tend à se conformer aux règles morphologiques de formation du genre en français, aux règles syntaxiques d’agencement et aux règles terminologiques de créativité lexicale.
Thérèse Moreau et Pierrette Vachon-L’heureux exposent comment la Suisse romande et le Québec ont cherché à résoudre la question de la rédaction épicène. On verra que si le Québec a fait le choix d’introduire une dose de féminin sans mettre en cause les accords grammaticaux, la Suisse est plus révolutionnaire dans son approche et renoue avec une tradition linguistique oubliée. Les bureaux de l’égalité entre femmes et hommes de la Suisse romande ont commencé par la rédaction d’un dictionnaire féminin masculin (Moreau, 1999), pour s’attacher ensuite à favoriser la parité syntaxique (Moreau, 2001). Malgré les remous provoqués par ces changements linguistiques, les politiques officielles recommandent l’adoption de ces nouvelles règles. Dans la rubrique Comptes rendus, Jacqueline Lamothe fait la synthèse de la table ronde « Désexisation ou parité linguistique des grands textes » qui suivit l’atelier « Féminisation linguistique, désexisation, parité » au congrès d’Ottawa. On se rendra compte que les solutions ne sont pas partout les mêmes et qu’elles se font dans le respect des identités francophones . Toutes luttent contre la domination d’un genre, d’un sexe sur l’autre et recherchent des solutions créatives qui permettent de ne pas hiérarchiser les genres.
Le Parcours de Marina Yaguello nous montre que si la féminisation lexicale emporte son adhésion, la linguiste reste néanmoins attachée aux règles de grammaire classiques. Pour elle (1989), le masculin générique n’est pas un mythe ni une construction sociale mais une réalité linguistique. Nous avons aussi demandé à l’ancienne ministre des droits des femmes, Yvette Roudy, de nous faire connaître son association, l’Assemblée des femmes, qui œuvre pour la parité en politique et qui fut très active pendant la dernière campagne présidentielle française.
Enfin, nous regrettons l’absence de celles qui, comme Claire Michard (2001) et Céline Labrosse (1996), plaident pour la disparition des genres, car nous aurions pu poursuivre le débat qui anime nos désaccords sur certains points. Nous pensons en effet que la langue française, qu’on le déplore ou non, connaît deux genres – le féminin et le masculin – et qu’en ce qui concerne les êtres animés, le féminin renvoie à la femelle (la chèvre, la daine, la femme, la lionne, la gazelle) alors que le masculin renvoie au mâle (le bouc, le daim, l’homme, le lion, le zèbre). Faire du masculin un universel continue encore et toujours à favoriser la primauté du mâle. Aussi, proposer une nouvelle orthographe (Labrosse, 1996) en créant des épicènes comme professionnèles ou de nouvelles terminaisons telles que ez en lieu et place de ?e ?s – ce qui donnerait « les professionnèles sont venuez » – nous paraît beaucoup trop complexe, même si nombre de ces propositions sont intéressantes et ont été adaptées par quelques syndicats au Québec.
Du masculin et du générique
Le générique, l’universel, posent de nombreux problèmes, quelle que soit la solution adoptée. On l’a vu voler en éclat lors les derniers jours de la campagne présidentielle en France où parler du « futur président » a mené les journalistes à poser la question de la crédibilité des sondages et de la prise de position personnelle de celle ou celui qui parlait. Car le fait qu’il y ait un candidat et une candidate impliquait que le masculin ne renvoie qu’au candidat et le féminin à la candidate. Ne parler qu’au masculin signifiait alors favoriser le candidat, indiquer que c’est à lui qu’allait la préférence. C’était appeler implicitement à voter pour… C’est ainsi que sur la radio France Inter lors de l’émission quotidienne « le sept-neuf et demi », Nicolas Demange et Clothilde Dumetz se mettaient mutuellement en garde le vendredi 4 mai. Les sondages ne devant plus être rendus publics, dire « le futur président » entraînait la correction « ou la présidente ». Dire « Dimanche à vingt heures nous connaîtrons le visage du futur président », c’était faire allusion aux sondages, et l’autre de rectifier « ou de la future présidente ». Témoignage linguistique d’actualité sur le caractère marqué, sexué, du nom masculin de la personne.
L’analyse des discours tenus lors des dernières élections présidentielles françaises, sans tenir compte des motivations proprement politiques et sans considérations sur les résultats, montre la persistance sous-jacente de la catégorisation mentale binaire primaire infériorisant la femme, tant parmi l’électorat de droite que parmi l’électorat de gauche, tant chez les électrices que chez les électeurs. Penser le pouvoir présidentiel au féminin n’a pas été plus facile pour les femmes que pour les hommes, tant chacun ?e est conditionné ?e par des siècles de subordination des femmes. On l’a entendu dans les conversations, vérifié à la sortie des bureaux de vote, le sexe du candidat était souvent plus déterminant que les idées politiques de la candidate ou du candidat, seul un homme pouvait pour la majorité incarner la France . Il est donc essentiel de continuer à agir sur tous les plans contre cette ségrégation. La parité linguistique, la nomination au féminin et au masculin pour toutes les dénominations humaines, la représentation effective des femmes dans le discours social , sont des instruments essentiels dans la conquête d’une réelle égalité.