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Les premiers éléments

Ou comment on construit le « grand danger » du « terrorisme »

par Noëlle Cazenave-Liberman, Sylvie Tissot
28 décembre 2014

Depuis quelques jours, les rangs se resserrent autour de Manuel Valls. Le premier ministre a affirmé que « jamais nous n’avons connu un aussi grand danger en matière de terrorisme ». Mais quel danger ? Quel terrorisme ?

Plus que bombes, attentats et explosions, plus qu’Al Qaïda, salafistes et islamisme, le signe le plus sûr de la menace terroriste semble être devenu, ces derniers jours, la combinaison de deux mots : « Allah Akbar ». La preuve absolue que le plus grand danger menaçant la France serait, non pas l’explosion du chômage, la remise en cause des réseaux d’éducation prioritaire, la misère des services de l’hôpital public, la montée du Front national ou encore les attaques contre les Musulman-e-s, mais… le terrorisme.

« Allah Akbar » ? Mais qui donc a prononcé ces mots ? Et pourquoi ?

Est-ce à Nantes, où un conducteur a foncé sur des passants, provoquant un mort et plusieurs blessés ?

Non. Il se trouve que « celui qui a crié "Dieu est grand" en arabe n’est pas le conducteur de la voiture, mais un passant qui se trouvait à côté et vu la scène ».

Le conducteur, quant à lui, aurait prononcé ces mots, il faut l’avouer, assez peu guerriers : « ça va pas ».

Cela n’a pas empêché Manuel Valls d’annoncer le renforcement du plan Vigipirate pendant les fêtes.

Est-ce alors à Joué-lès-Tours, où des policiers ont été attaqués et blessés à l’arme blanche, qu’un appel au djihad aurait été lancé ?

Peu probable. D’abord personne, parmi les proches du jeune immédiatement tué par les policiers, ne croit à l’attaque « terroriste ».

Parmi les habitants de la cité circule même une rumeur selon laquelle celui-ci aurait été interpellé et emmené au commissariat. Au moment d’entrer dans le bâtiment, il se serait opposé aux policiers et aurait sorti son couteau.

La version de la police, largement relayée par les journalistes, est d’ailleurs de plus en plus contestée :

 La veille des faits, une bagarre aurait opposé deux jeunes du quartier et un policier.

 Le jeune qui allait être abattu par la police est absent de Joué-lès-Tours à ce moment-là, mais il est interpelé le lendemain. Le jeune homme, passant devant le commissariat, aurait été appelé par des agents qui lui demandent alors les noms des jeunes impliqués dans la bagarre de la veille. C’est à l’issue de cette interpellation qui tourne mal que les policiers auraient été blessés, et que l’homme a été tué.

Cela n’a pas empêché Bernard Cazeneuve d’affirmer que « les premiers éléments de l’enquête orientent les investigations » vers des activités à « caractère terroriste ».

Donc, si ce n’est pas à Nantes, si ce n’est pas à Joué-lès-Tours, est-ce finalement à Dijon que pointe la menace terroriste ?

Qu’a dit le conducteur automobile qui a, là aussi, percuté une dizaine de piétons ?

« Pour me donner du courage j’ai crié Allah Akbar », a-t-il déclaré aux enquêteurs

C’est donc bien lui, mais l’homme est en réalité, selon les enquêteurs, déséquilibré psychologiquement bien plus que versé dans le radicalisme religieux.

« Ce qu’il faut retenir de cette dramatique affaire, c’est qu’il ne s’agit absolument pas d’un acte terroriste », a même déclaré la procureure de la République.

Cela n’a pas empêché Florian Philippot, leader du Front National (mais qui l’a contredit ?), d’affirmer que c’est « évidemment du terrorisme ».

Quant à nous, nous aimerions plutôt, tout simplement, appeler à « l’unité et au rassemblement » devant les ravages de l’automobile.

Et de l’islamophobie.