Dans un billet d’octobre 2003, Nicolas Baverez énumère « sept bonnes raisons de sortir au plus vite des 35 heures » [1] après cinq ans de règne d’un socialisme de gouvernement très modérément dirigiste (où l’on aura, on l’a dit, beaucoup privatisé et dont le chef, Lionel Jospin, succombant à une crise de baverézite aigüe, aura concédé aux marchés que « l’État ne peut pas tout »), mais que l’économiste compare implicitement, sans ciller, à celui du maréchal Pétain :
« Les Français, sous le choc du déclin des années 1930, de la débâcle et de l’Occupation, ont travaillé entre 48 et 58 heures de 1945 à 1960 pour reconstruire leur pays, en acceptant de remiser la loi des 40 heures : ils doivent en faire de même avec les 35 heures pour compter parmi les puissances économiques du XXIe siècle. »
Parmi les sept raisons qui d’après lui justifieraient que l’on renonçât immédiatement aux 35 heures, mais aussi que l’on revînt même aux 58 heures hebdomadaires de l’immédiat après-guerre, Nicolas Baverez compte leur « impact social » : celui-ci serait négatif, voire franchement effroyable, puisque...
...« plusieurs études médicales [2] montrent que le temps libre dégagé par les 35 heures a pu encourager la recrudescence de certains fléaux sociaux (alcoolisme, violence…) ».
Trois jours auparavant, l’économiste-historien s’était montré plus net encore dans son appréhension de ces pathologies :
« la réduction du temps de travail est appréciable pour aller dans le Lubéron, mais pour les couches les plus modestes [3], le temps libre, c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance ». [4]
Le mépris de classe peut mettre, certaines fois, un peu de temps à s’imposer pour ce qu’il est. D’autres fois, non. Mais qu’on se rassure, dans le petit monde des « faiseurs d’opinion », patrons de presse, d’instituts de sondages ou de maisons d’édition, nul n’a tenu rigueur à Nicolas Baverez de cette râpeuse déclaration. Nul ne lui en a voulu d’avoir dit tout haut ce que chacun d’entre eux pense tout bas. Il a toujours sa place au sein du club fermé des éditorialistes mainstream, ces fabricants du consentement, qui savent si bien ce dont le (petit) peuple a besoin. Après avoir craché son venin, il continue à lancer, de ses chaires de presse, de permanents appels à plus de « réforme(s) ».