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Mon cher Hijab

Spéciale dédicace à Bergé, Badinter et Rossignol

par Nargesse Bibimoune
5 octobre 2016

Le livre de Nargesse Bibimoune, Confidences à mon voile, est enfin sorti, et l’auteure participera à une rencontre-signature le samedi 8 octobre 2016 à 18h00, à la librairie La Brèche, 27 rue Taine, Paris 12ème (métro Daumesnil). En guise de présentation, de recommandation et d’invitation, nous en publions un extrait.

Mon cher Hijab, dis à ces Rossignol, Badinter, et autres féministes mainstream qu’elles cessent de parler de toi, de moi, de nous sans nous !

Dis leur que je suis libre, et que s’ils essayent de t’enlever de ma tête, j’userai encore plus de ma liberté pour me défendre. Ont-ils seulement cherché à comprendre ce que tu incarnais pour chacune d’entre nous ?

Dis leur que tu es la preuve de ma soumission à Dieu et uniquement Lui !

Dis leur que ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que tu n’as de sens que dans une foi profonde et sincère.

Dis leur que si tu étais porté à cause d’injonctions masculinistes, alors tu n’aurais plus aucune valeur.

Dis leur que te porter pour autre chose que pour Dieu, c’est revenir à faire le plus grave des péchés dans notre religion, considérer que Dieu puisse avoir un égal pour lequel les gens agiraient, pour lequel les femmes se voileraient.

Dis leur qu’à mes yeux tu es un instrument d’émancipation face à une société qui souhaiterait me dicter ma manière d’être une femme libérée.

Dis leur que c’est toi qui m’a libérée, tu m’as libéré des diktats de la société, tu as ancré en moi la certitude que j’existais autrement que par mon corps, ou mon apparence extérieure, tu m’as poussé à cultiver mon esprit, ma critique, mes réflexions.

Dis leur que tu es à l’origine aussi de mon combat contre toutes les formes de discrimination et d’oppression, tu es ma motivation pour continuer à résister, tu incarnes ma lutte pour une société plus juste, plus égalitaire.

Dis leur qu’ils cessent de faire l’apologie de ce féminisme patriarcal qui souhaiterait libérer les femmes musulmanes de la domination masculine comme si nous possédions le monopole de cette domination et que les autres femmes étaient totalement émancipées.

Dis leur de se focaliser sur les vrais problèmes qui persistent et auxquels il faudrait sérieusement s’attaquer : les violences conjugales, le viol, les stéréotypes de genre qui nous enferment dans des construits sociaux rabaissant où la femme serait forcément l’inférieure de l’homme de par "sa fragilité, son émotivité" ou autre.

Dis leur que tu n’es en rien responsable de la violence symbolique qu’on impose à chacune d’entre nous pour que l’on réponde aux critères de beauté programmée par notre société de consommation.

Dis leur que ce n’est pas toi qui nous paye vingt-cinq pour-cent de moins que les hommes, dis leur que tu n’es pas responsable du fait que l’on se tape quatre-vingt pour-cent du travail domestique, dis leur que polémiquer sur toi c’est encore une fois questionner le paraître des femmes sans jamais se focaliser sur leur réflexion.

Dis leur que sous ces polémiques islamophobe se cache le retour aux pratiques coloniales abjectes quand, en 1958, en Algérie, la France organisait des dévoilements publics pour prouver le processus de civilisation et d’émancipation de la femme algérienne, l’indigène sauvage sous domination arabo-musulmane.

Dis leur que je n’ai jamais été aussi épanouie que lorsque je t’avais avec moi, dis leur que tu es le fruit d’une grande réflexion, et que chaque jour je te questionne.

Dis leur que je me bats pour toi avec autant de fougue qu’une révolutionnaire, Dis leur que l’encre de ma plume est un mélange de mes larmes les plus amères, celles qui ont coulé après cette loi liberticide qui t’a banni de l’école, qui cherche à nous bannir de leur monde. Dis leur que mes verbes se conjuguent au gré de leurs micro-agressions, que mes mots ne sont que le résultat de quatorze ans d’exclusion. Dis leur que je te porte chaque jour comme l’étendard de ma liberté. Dis leur que tu es ma muse, et que ma foi est mon remède face à la dureté de la vie. Dis leur qu’ils n’ont pas à te juger, ni à nous condamner, dis leur qu’on a seulement usé de notre droit à croire et pratiquer, dis leur que je te rêve coloré ou noir, porté fièrement sur toutes celles qui l’auront décidé. Dis leur que tu es mon passé, mon présent et mon avenir autant de temps que je l’aurai décidé. Dis leur que leurs lois n’y font rien, que celles qui le veulent continueront de te porter, dis leur qu’ils n’ont plus le choix, il va falloir nous accepter, dis leur que la rumeur monte, et que nous sommes voilées et révoltées.

Mais surtout dis leur qu’on continuera de se battre pour notre droit à disposer de nos corps, de nos vies, de nos cheveux, sans jamais avoir besoin d’être validées.

Dis leur qu’ils arrêtent d’essayer de nous libérer, dis leur qu’on s’en charge, et qu’on finira par gagner.

P.-S.

Ce texte est extrait de Confidence à mon voile, quatorze années au pays de la laïcité, à paraître.