Nous ouvrons des bâtiments vides comme les exilé.e.s passent les frontières.
Avec détermination, par humanité et au nom d’un désir de vivre dignement que nous partageons tous.
Nous ouvrons ce bâtiment sans haine, sans armes et sans violence. En désobéissant et en résistant.
Tel un rideau de fer mortifère, Frontex dessine une ligne de partage, un nouvel axe du mal que nous refusons.
Nous ouvrons car nous ne voulons pas que l’Union Européenne et l’OFPRA aboutissent leur mutation en centres de tri par nationalité, par religion, par statut social.
Nous ouvrons avec La Nuit Debout.
Nous ouvrons contre l’État d’urgence.
Nous ouvrons des lieux comme nous ouvrons nos coeurs, nos yeux et nos oreilles aux mondes qui nous entourent.
Nous ouvrons comme des personnes solidaires de tous horizons qui souhaitent vivre ensemble, debout, avec toutes celles et ceux qui fuient la guerre, la misère économique ou les bouleversements climatiques.
Nous ouvrons parce qu’aucun être humain n’est illégal.
Nous ouvrons car nous ne nous résolvons pas à laisser à la rue des hommes, des femmes, des enfants, nos frères, nos soeurs, nos ami.e.s et même nos ennemi.e.s, quand 10% des bâtiments sont vides en région parisienne. Parce que nous avons vécu à leurs côtés près d’une trentaine de campements ces dix derniers mois et que ça suffit.
Pour offrir un toit aux réfugiés qu’on laisse dormir sous les ponts ou les porches des immeubles des quartiers populaires.
Nous ouvrons des écoles quand vous fermez des frontières, comme des Iraniens se sont cousus la bouche à Calais.
Parce que certains actes font office de mots.
Nous ouvrons car la Mairie a dit que Paris était une ville refuge.
Nous ouvrons pour nous protéger des gaz lacrymogène, des rafles et des coups de tonfa de M. Cazeneuve ou de M. Valls.
Nous ouvrons avec en tête cette déclaration tunisienne : Ni police ni charité : un toit pour s’organiser !
Nous ouvrons pour résister à notre échelle à la politique criminelle de l’Union Européenne.
Nous ouvrons parce que la liberté de circulation et d’installation ne devrait pas être le monopole des Occidentaux et des Emiratis.
Nous ouvrons en pensant à Khalil, un copain exilé dont le corps entier a été scotché et la tête enfermée dans un casque en mousse avant d’être expulsé il y a dix jours.
Nous ouvrons parce que, comme disait Brecht, Quand un homme assiste sans broncher à une injustice les étoiles déraillent. Or, nous souhaitons briller dans le noir comme une compagnie de lucioles qui éclairerait un nouveau chemin à inventer.
Nous ouvrons là un lycée, ici une ancienne usine ou un hôpital désaffecté, comme nous rêvons à la fermeture des centres de rétention, créés sous le premier septennat de François Mitterrand, à l’époque par souci "humanitaire", le même adjectif que le pouvoir de François Hollande emploie pour justifier le démantèlement brutal du bidonville de Calais.
Nous ouvrons avec des visages et des histoires en tête, une foule d’histoire, une longue liste d’injustices et d’injures institutionnelles qui trie sans cesse avec des critères opaques, iniques et arbitraires, qui doute de l’homosexualité de certains, du récit de tortures d’autres, de la validité de couples qui ont pourtant pris tant de risques ensemble.
Nous ouvrons pour toutes ces femmes, ces familles et ces enfants français ou étrangers laissés à la rue ou trimballés d’hôtels sociaux en centres d’hébergement.
Nous ouvrons pour ne plus baisser la tête, pour lever le poing tout en ouvrant les bras.
Nous forçons des portes pour forcer un dialogue avec les autorités, pour conjurer les portes fermées.
Nous ouvrons parce que ça pue en France en ce moment, que ce pays crève de son racisme, de son sexisme, de son richisme, de son jeunisme, de son arrogance qui exclue chaque jour des catégories de population toujours plus contrôlées et criminalisées.
Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, pour elles, pour eux, pour nous, pour vous, le Collectif La Chapelle Debout ! revendique cette ouverture.
Tant que des demandeurs d’asile seront expulsés, relégués, violentés et abandonnés au froid et à la faim, on ne lâchera rien !