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Pétition : "Je n’enseignerai pas le bon temps des colonies"

Appel à signatures adressé aux professeurs d’histoire


14 avril 2005

Le collectif Les mots sont importants" a publié récemment une première version de ce texte, signée Stéphane Delanoë. Il publie auourd’hui la version plus brève qui a été retenue pour donner lieu à une véritable pétition de professeurs d’histoire. Pour signer, envoyer un mail à : loicolonies.secondaire@laposte.net, en indiquant en objet “ pétition loi 23 février ” et en précisant vos noms, prénom, établissement, ville et département d’exercice.

La loi du 23 février 2005 provoque un émoi légitime dans les salles des professeurs et les cabinets d’Histoire et Géographie.

Alors que la connaissance scientifique de la période coloniale et la juste mesure des crimes commis progressent enfin, et s’enseignent timidement dans le secondaire, des députés mal inspirés imposent par la loi l’enseignement d’une version officielle irénique et mensongère de la colonisation.

 

De quoi s’agit-il ?

 

Cette loi prescrit l’enseignement d’une histoire officielle de la colonisation dans les écoles.

Article 4 : “Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit”

Ainsi la loi considère que la période coloniale, mis à part la conquête et la décolonisation, aurait été une période heureuse, faite de progrès et de civilisation. Le bilan de la colonisation française serait “ globalement positif ”. Plus encore il faudrait rendre hommage à ceux qui en furent les acteurs : colons, administrateurs, militaires, dans leur ensemble. C’est le retour du fardeau de l’homme blanc et de sa mission civilisatrice !

Alors que de jeunes historiennes viennent très récemment d’éclairer définitivement et incontestablement des aspects essentiels de la période coloniale en Algérie (torture systématique, justice, prostitution). Alors que nous sont désormais connus les aspects racistes de l’imaginaire colonial : “ zoos humains ”, exposition coloniale. Alors qu’un Livre Noir de la colonisation est disponible, alors que nos collègues universitaires étrangers en savent souvent plus sur notre histoire que nous... Comment est-il possible d’enjoindre aux enseignants de pratiquer un semblable révisionnisme ?

Faut-il considérer que le travail forcé dans les colonies d’Afrique et d’Asie, la torture banale dans les commissariats et gendarmeries d’Algérie, même en dehors des guerres, le statut de l’indigénat, le double collège électoral, l’oppression économique, les déplacements de populations, les dévoilements forcés de femmes, le paternalisme généralisé, le pillage des biens culturels, faut-il considérer donc que tout cela doive être salué ou plutôt oublié, effacé, nié ?

Quand bien même certaines réalisations des colons furent des progrès (routes, hôpitaux, rares écoles) elles ne justifient pas une vision béate et unilatérale de la colonisation.

 

Cette loi doit être abrogée :

 parce qu’elle impose une histoire officielle, contraire à la neutralité scolaire et au respect de la liberté de pensée qui sont au cœur de la laïcité.

 parce que, en ne retenant que le “ rôle positif ” de la colonisation, elle impose un mensonge officiel sur des crimes, sur des massacres allant parfois jusqu’au génocide, sur l’esclavage, sur le racisme hérité de ce passé.

 

En attendant cette abrogation je m’engage à ne pas enseigner cette histoire officielle et révisionniste, à continuer d’utiliser les travaux des historiens pour présenter à mes élèves le bilan le plus proche possible de la réalité de la colonisation.

14 avril 2005