La comparaison de ses oeuvres d’avant et d’après juin 1997 est en effet édifiante : on y voit s’opérer, grandeur nature, un radical changement de discours. Le conseiller du ministre de l’intérieur ne ressemble plus en rien à l’ancien Sami Naïr [1], fermement engagé contre les lois Pasqua-Debré : les préoccupations de la veille sont oubliées, d’autres apparaissent, assorties de ces étranges envolées, qui doivent moins au travail intellectuel qu’à la rhétorique gouvernementale, sous sa forme la plus académique :
"Les générations futures, j’en suis sûr, reconnaîtront à Jean-Pierre Chevènement cette vertu et ce courage dans la tempête qui auront tant manqué aux belles âmes prudemment installées sur la terre ferme" [2].
La première partie de ce chapitre est une lettre ouverte que nous avions adressée à Sami Naïr dans la revue de Michel Surya, Lignes. La seconde partie est une analyse détaillée de la réponse que Sami Naïr a publié dans cette même revue, et dans laquelle il s’efforce de justifier les différentes dispositions de la loi Chevènement. Cette analyse est l’occasion de huit flagrants délits de mensonge, d’approximation ou d’incohérence.
C’est aussi et surtout l’occasion de parler, article par article, de la loi Chevènement et du tort qu’elle cause aux résidents étrangers. Il va donc être question de la double peine, des refus de visa ou de titre de séjour, des entraves au regroupement familial et des atteintes au droit d’asile. On oubliera la personne de Sami Naïr, qui importe finalement peu, pour se concentrer sur l’argumentaire qu’il a produit, et qui est loin d’être le sien propre. Il s’agira donc, à chaque fois, de s’en prendre à des argumentaires qui ont beaucoup servi, qui continuent de servir et qui serviront encore longtemps - aussi longtemps qu’on ne les aura pas définitivement réfutés et discrédités.
Texte extrait de : Pierre Tevanian, Le racisme républicain. Réflexions sur le modèle français de discrimination, L’esprit frappeur, 2002