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Proposition de loi pour l’interdiction de Michel Onfray dans l’ensemble de l’espace public

Une intitiative citoyenne

par SPINOZA
27 juillet 2019

À l’heure où notre philosophe national-hédoniste poursuit une trajectoire de petit-blanc et de grand-bourgeois qui le mène de plus en plus près de l’allégeance pure et simple au vocabulaire et aux thèses du Front national, à l’heure où le fâcheux se spécialise dans la vanne homophobe ou transphobe ou, plus récemment, sexiste, âgiste et validiste, il nous parait opportun de relancer une initiative citoyenne de la SPINOZA (Société Pour l’Interdiction des Nuisances Onfresques Zet Anarchoracistes) qui, il y a maintenant une petite dizaine d’années, sonnait déjà l’alarme.

Exposé des motifs

Il est question, ces derniers jours, ces derniers mois et ces dernières années ainsi que ces prochains jours, ces prochains mois et ces prochaines années, d’une nouvelle loi d’interdiction de la burqa et/ou du niqab et/ou du voile intégral et/ou du bandana islamique et/ou du bandeau islamique et/ou du chignon islamique et/ou de la casquette islamique et/ou du verlan islamique et/ou de l’identité islamique et/ou du repli islamique et/ou des minarets islamiques et/ou des Quick hallal et/ou de la liste NPA Vaucluse et/ou de Tariq Ramadan et/ou du Coran et/ou des menus sans cochon et/ou des boissons non-alcoolisées.

Nous considérons que la méthode est excellente : dans notre démocratie malade et dévirilisée, il est temps de remettre un peu d’interdit et de répression. Il faut, pour reprendre le joli mot de Fadela Amara, éradiquer ! [1] Ou pour reprendre les jolis mots de Nicolas Sarkozy : liquider et nettoyer ! Ou, pour reprendre le joli mot d’Élisabeth Lévy : remettre un peu de schlague ! [2]. Mais nous estimons qu’il y a erreur sur la cible. Nous considérons quant à nous que l’urgence, pour la sauvegarde de la démocratie, pour l’avenir de la pensée et pour notre épanouissement personnel, est à une interdiction absolue de tout affichage ostensible de la grande gueule de Michel Onfray – dans le services public de télévision et de radiodiffusion, naturellement, mais aussi dans les lieux d’enseignement et de recherche, dans les administrations, dans les hôpitaux et dans tout l’espace public.

Il s’agit pour nous d’une question de principe : Michel Onfray doit être banni de l’espace public car il est incompatible avec les valeurs de la démocratie, de l’émancipation humaine et du simple bon goût. Sa suffisance et ses poses philosophantes sont une insulte ostensible à toute la corporation des philosophes ; son catéchisme antireligieux est une insulte à ce que la libre-pensée a produit de meilleur ; son anticalotinisme crétin, son hédonisme benêt et son aristocratisme puant sont une insulte à Épicure, à Lucrèce, à Spinoza, à Nietzsche, à Deleuze, à Bourdieu et à tous les grands auteurs dont il se réclame et qu’il ne fait que trahir, salir et détourner à son profit.

Ne soyons pas angéliques : la « gauche radicale » qu’il dit incarner est une mystification, un double discours dans lequel il est passé maître ! Son opportunisme et son inconstance l’ont amené à soutenir en quelques mois Olivier Besancenot, Ségolène Royal, José Bové, de nouveau Olivier Besancenot puis de nouveau Ségolène Royal et pour finir Marie-George Buffet, en démolissant au fur et à mesure de ces retournements de veste les candidat-e-s et les partis qu’il venait à peine de soutenir  [3].

Sur le plan idéologique, la duplicité est encore plus stupéfiante : comme pour mieux nous embrouiller, Michel Onfray se dit lui-même, et sans rire, libertaire et libéral  [4], gauchiste et gaulliste  [5], anarchiste et partisan de l’économie de marché  [6], propalestinien et sioniste [7]. Il affirme également, sans honte, que c’est Camus qui avait raison contre Sartre sur la question algérienne – en clair : qu’on a raison, lorsqu’il s’agit d’Algériens, de « préférer sa mère à la justice » et de refuser à un peuple le droit de disposer de lui-même.

Si Michel Onfray se réclame volontiers du peuple de gauche, la seule compagnie populaire qu’il affectionne est une petite bourgeoisie suffisamment docile et complexée pour aller l’écouter religieusement lorsqu’il pontifie à « l’Université populaire de Caen » [8]. En dehors de cette relation pas franchement libertaire et égalitaire avec une plèbe pas franchement plébéienne, l’engagement politique de Michel Onfray se résume à :

 des billets soporifiques pour Siné Hebdo ;

 des livres aussi creux et sinistres que leurs titres sont grandiloquents et prétentieux (attention : L’art de jouir, La sculpture de soi, La sagesse tragique, La puissance d’exister, Politique du rebelle, Traité de résistance et d’insoumission, À côté du désir d’éternité, Fragments d’Egypte ou encore Pour une érotique solaire ! – sans oublier les grotesquissimes quatre volumes de son Journal hédoniste intitulés, tenez-vous bien : Le désir d’être un volcan, Les vertus de la foudre, L’Archipel des comètes et La lueur des orages désirés !) ;

 quelques escales opportunistes à Saint-Germain-des-Prés, au cours desquelles sa puissance d’exister se prosterne avec la dernière servilité devant le Nabab BHL (comme l’a révélé dernièrement Le Plan B) [9] ;

 un brunch philosophique en compagnie du chef de file de l’extrême droite plurielle, Nicolas Sarkozy en personne, au cours duquel notre philosophe tragique et volcanique ne pousse pas très loin la rébellion, la résistance et l’insoumission : « Ce qu’il y a de sympathique chez vous [Nicolas Sarkozy], c’est le souci forcené de l’action et la pensée pragmatique. Je suis de ceux qui prônent également une philosophie empirique, concrète, et cette attitude n’est pas très répandue dans ma corporation » [10] ;

 et enfin d’innombrables apparitions télévisées au cours desquelles son érotisme solaire crève moins l’écran que sa cuistrerie, son égo surdimensionné et son invraisemblable mépris de l’autre.

Par ailleurs, puisque la question du sexisme a été soulevée à propos du voile, nous tenons à préciser que Michel Onfray est un gros sexiste. Son Panthéon est quasi-intégralement couillu, son œuvre totalement androcentrée, son ethos et ses postures ridiculement virilistes.

Il ne faut pas oublier non plus le misérable concours de bites télévisuel auquel Michel Onfray se livra un jour avec le romancier François Bégaudeau : le jeune coq venait de publier un Anti-manuel de littérature presque aussi mauvais que l’onfresque Anti-manuel de philosophie, et le vieux coq, en bon capitaliste libertaire, pour le coup plus capitaliste que libertaire, était sorti de son épicurienne ataraxie [11] et avait eu l’élégante idée de réclamer des royalties pour le « concept » tellement génial et tellement novateur de l’anti-manuel ! Le masque tombait définitivement : derrière les austères lunettes rectangulaires et la philosophale crinière grisonnante, un petit entrepreneur obsédé par l’argent. Sous le costume trop grand pour lui du sage qui méprise les « désirs vains » de gloire et de fortune [12], un petit Jacques Séguéla, sans la Rolex et les UV.

De surcroît, en bon VRP de lui même, Michel Onfray surfe depuis longtemps sur la vague islamophobe qui s’est emparée du pays  [13] :

 on se souvient notamment d’une minable prestation télévisée au cours de laquelle, avec l’air inspiré du grand sage qui nous révèle le secret de fabrication de l’eau tiède, il expliqua que la plus nuisible de ces nuisances fondamentales que sont les religions était, devinez laquelle, gagné : l’Islam ! [14] ;

 on se souvient aussi d’une pétition raciste qu’il a lancé « pour un soutien sans réserve » au catholique anti-mahométan Robert Redeker [15] ;

 on se souvient encore d’une préface à un indigent pamphlet anti-musulman, dans laquelle il appelle à la « défense » des « valeurs de l’Occident » [16] ;

 on se souvient enfin d’une apocalyptique mise en garde digne d’Oriana Fallacci, Maurice Dantec ou Philippe de Villiers : « désormais l’islam place des coins dans le vieux marbre d’une Europe qui ne croit plus en elle, en ses valeurs, en ses vertus, et ce avant destruction définitive »  [17] – et d’une récidive télévisuelle délirante prophétisant la mort inéluctable de l’Occident sous les coups conjugués de la « brutalité chinoise » et d’une « Oumma mondiale » !

On se souvient en outre d’une récente émission (« Ce soir ou jamais » du 5 novembre 2009) au cours de laquelle, sous le regard attendri d’Eric Besson, ministre de l’identité nationale de Nicolas Sarkozy, il fit preuve d’une paternalisme inouï à l’égard d’Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la republique. Cette dernière le lui fit remarquer simplement, poliment mais fermement, ce qui provoqua cette réaction extravagante en forme d’aveu :

« Arrêtez, sinon je vais finir par embrasser Éric Besson sur la bouche ! ». [18]

Et pour finir en apothéose, lui qui vendrait père, mère, frères, sœurs, fils, filles et amis pour une minute de prime time chez Frédéric Taddéi, Guillaume Durand ou Franz Olivier Giesbert, lui qui n’a jamais participé à quoi que ce soit de collectif dont il ne soit pas le chef, lui qui n’a sans doute pas collé d’affiches ou distribué de tracts depuis fort longtemps (à moins que ce ne soit depuis toujours), lui qui ne roule que pour lui-même, lui qui ne vit que par et pour les grands médias, Michel Onfray donc, a jugé utile d’aller, dans une tribune publiée par Le Monde le 19 février 2010, cracher son venin sur Ilham Moussaïd, « la voilée du NPA », en lui reprochant devinez quoi, à elle, jeune femme issue des quartiers populaires d’Avignon, elle qui milite au quotidien dans un parti anticapitaliste, elle qui n’a rien demandé à personne et qui s’est fait littéralement harceler par les grands partis et les grands médias ? De n’être qu’une petite écervelée en quête de… gloire « médiatique » ! [19]

Pour toutes ces raisons, et bien d’autres qu’on ne saurait répertorier ici de manière exhaustive , mais auxquelles pourra se consacrer une mission parlementaire , nous estimons qu’il est urgent de réagir. Un bras de fer s’est engagé entre la démocratie et l’occidentalisme intégriste de Michel Onfray. Seul un signal fort pourra mettre un frein au communautarisme blanc, à l’obscurantisme franchouillard, au mépris social et à la haine raciale dont Michel Onfray est le porte-drapeau. C’est pourquoi nous soumettons au peuple de France la proposition de loi suivante.

Article unique

La grande gueule de Michel Onfray est interdite dans l’ensemble de l’espace public.

Toute infraction à cette loi est punie d’un entartage.

P.-S.

La SPINOZA est la Société Pour l’Interdiction des Nuisances Onfresques Zet Anarkozystes. Cette initiative est soutenue par Jean-Claude Abdouloussen, Abd-El-Kader Aït Mohamed (militant antilibéral et antiraciste), Gaëtan Andrieux (militant écologiste), Noureddine Aoussat (formateur et conférencier), Nathou Bouh (militant queer), Sam Cabannes, Causeuse Musulmane (bloggeuse), Laurent Cavelier (historien), Sylvain Chomienne (étudiant), Manuel Colinas, Olivier Cyran (journaliste), Christine Delphy (sociologue), Patrick Druart, Cyrille Ferro-Steyaert, Jean-Marc Fillon (Aide médico Psychologique), Evelyne Fillon (Aide médico Psychologique), Philippe Frydman (chef d’entreprise), Marie Geaugey (étudiante), Nolwenn Guellec (chargée de production), Nacira Guénif (anthropologue), Mohamed Hadbi (cheminot, syndicaliste et élu à Melun), Stéphane Jacquet, Anaïs Leboeuf (féministe antiraciste), Judith Lefèvre (secrétaire du Collectif des féministes pour l’égalité), Hakima Manseri, Sébastien Marchal (graphiste), Maria Grazia Meriggi, Myriam Moreton (enseignante), Anne Gaelle Moulinier (docteure en psychologie), Laurent Mouton (enseignant), Anne Leila Ollivier (chomskienne favorable à une interdiction de causer essentiellement symbolique), Alain Parrau (enseignant de littérature à Paris 7), Nicolas Plagne (enseignant), Damien Préault, Princesse de Clèves Islamogauchiste (bloggeuse), Ali Rahni (militant associatif), Faysal Riad (enseignant), Maël Richard, Lubomira Rydzek, Claudine Vegas, Pierre Tevanian (enseignant), Michel Tibon-Cornillot (philosophe, EHESS), Louise Tréby, Sylvie Tissot (sociologue), Rémi Verbraeken (dessinateur), Roger Zandonella

Pour soutenir cette initiative, adressez vos signatures à l’adresse suivante : collectif.lmsi@gmail.com.

Notes

[1Sur cette charmante formule amarienne, cf. Isabelle Stengers et Philippe Pignarre, « Les plus religieux ne sont pas ceux qu’on croit ».

[2Sur cette délicieuse formule léviste, cf. cette réaction.

[4Cf. Jean-Pierre Garnier, « Le libertaire du président ».

[5Propos tenu dans Le Nouvel Observateur du 25 janvier 2007 : « Je défends la Constitution de 1958. Je suis gaullien, “gaullo-gauchiste” aurait dit Maurice Clavel ! ».

[6Propos tenus sur France Inter et Radio Libertaire :

 « Moi, je suis capitaliste, pour le capitalisme, je pense qu’effectivement la propriété privée est tout à fait défendable. »

 « L’enseignant est infecté par son statut de fonctionnaire ».

 « Je suis un antilibéral absolu. En revanche, moi, je ne suis pas anticapitaliste car le capitalisme, c’est la possibilité de créer des richesses avec des gens qui possèdent, qui investissent… Alors je ne vois pas d’alternative à ça » (Radio libertaire, 3 février 2004).

[7Propos tenu dans L’Express du 10 septembre 2008 : « Je suis sioniste : je défends la cause palestinienne aussi bien que la cause juive ».

[8Vendues en CD et multidiffusées sur France Culture, ces conférences de « l’Université populaire » sont construites sur le modèle le plus académique du cours magistral d’histoire de la philosophie. Elles sont de facture médiocre, dépourvues de toute originalité et mortellement ennuyeuses, malgré les pathétiques efforts du maître des lieux pour les ponctuer de « bons mots » d’une ringardise achevée.

[9Dans une dépêche intitulée « Un BHL en culottes courtes », Le Plan B n° 22, de février 2010, relate :

« Le Plan B allait-il débourser 18 euros pour s’infliger le “débat” organisé le 19 janvier par Le Monde, en partenariat avec la FNAC et le club du 3ème âge de Saint-Germain-des Prés ? Oui, car l’événement était de taille : dans la cave qui lui sert d’auditorium, le quotidien du soir élevait Michel Onfray au rang de philosophe pour retraités germanopratins (PPRG), en l’invitant à disserter sur Albert Camus avec Jean Daniel et Bernard-Henri Lévy. Devant 250 octogénaires somnolents et l’ambassadeur de Suède, le penseur “libertaire” fait le paon pour séduire “Bernard” (sic). Il secoue sa chevelure en citant Nietzsche, Heidegger, Kierkegaard, Wagner, Helvétius, Plotin ; béachélise Camus en louant son “hédonisme tragique” ; applaudit aux sentences du maître (“Tout est juste, je consens à tout ce qu’a dit Bernard”), le cajole (“On peut avoir une belle plume et être un vrai philosophe, Bernard l’incarne”). Cette assertion loufoque provoque des rires dans l’assistance, qui commence à se traîner vers la sortie, mais le petit Michel trépigne pour finir son oral : “Quand j’ai lu La Barbarie à visage humain [le premier livre, nul, de BHL], j’y ai vu du lyrisme” ».

[10Cf. Philosophie magazine, n°8, printemps 2007. Sur cette sympathique causerie, et plus largement sur la connivence idéologique entre les deux convives, cf. notre analyse à paraîre aux Éditions Spinozistes : De qui Michel Onfray est-il le con ?.

[11L’ataraxie, absence de trouble, est l’idéal de sagesse que préconise Epicure, le maître à penser de Michel Onfray.

[12Epicure préconise un recentrage de la libido sur un nombre limité d’objets facilement accessibles, et un refus radical de la fortune et de la gloire, qui sont dans toute son oeuvre l’exemple par excellence de ce qu’il nomme désir vain. Cf. Epicure, Lettres et maximes, Presses Universitaires de France

[13Ce qui lui a valu cet amusant éloge dans le journal Libération, le 5 décembre 2006 : « Pronucléaire, pro-loi sur le voile, Michel Onfray pense tout seul, à l’écart des dogmes. »

[15Cf. Pierre Tevanian, « La faute à Voltaire ? Quelques réflexions sur la liberté d’expression, à l’issue de l’affaire Redeker ». Ce texte démontre le caractère raciste de la pétition onfresque

[17Éditorial publié en mars 2006 sur le site personnel de Michel Onfray.

[19Notre cathodique intégriste disqualifie l’engagement politique d’Ilham Moussaïd en le qualifiant de « combat médiatique », avec cet argument imparable : « Dans un monde où la télévision constitue le réel, ce morceau de tissu assure qu’on attirera les caméras et les polémiques ». Nous dirons pour notre part que la télévision constitue le réel de nos piètres penseurs, et que le port de ce « morceau de tissu », quelles que soient ses motivations profondes, aura toujours comme effet indésirable d’attirer les Michel Onfray.