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Qui sont les blancs ?

Blancs sociologiques / blancs politiques, indigènes sociologiques / indigènes politiques

par Atman Zerkaoui
6 février 2009

Le terme blanc a (re)fait son apparition dans le champ politique. Mais que signifie ce terme ? Qui sont les blancs ? Plus qu’une nécessité pour combattre le racisme, l’utilisation du terme blanc est une exigence politique.

L’utilisation du terme blancs est nécessaire pour lutter contre le racisme, car sinon par quoi le remplacer ? Quel mot utiliser ?

Français ?

Ce serait dire que les français sont blancs et que par les non-blancs ne sont pas français ?

Français de souche ?

Ça revient à la même chose sauf qu’il ne s’agit plus de sous-entendre mais de dire que les vrais français sont blancs et que les autres ne sont que des imposteurs. C’est d’ailleurs le terme en vigueur dans les hautes sphères de l’état et dans les rédactions de journaux.

Gaulois ?

Cet euphémisme, dont le ridicule le combat au l’albinocentrisme, devrait prêter plus à pleurer qu’à rire. Car qui peut croire que les blancs d’aujourd’hui sont les descendants directs des gaulois d’hier ? Personne. Mais en parlant de "gaulois" pour désigner les blancs, on montre qu’en France les seules personnes qui sont vraiment incorporables à l’histoire de ce pays sont des blancs. Même s’ils ne sont pas des descendants de gaulois, c’est pareil puisque qu’ils sont blancs. Non ! Blancs est le seul terme qui n’exclut ni les noirs, ni les arabes, ni personnes pour désigner... les blancs.

Un acte politique

Il ne s’agit là que d’une seule raison. La plus important de toute est qu’en nommant blanc un blanc, on ne l’appelle plus français, ni gaulois, ni rien d’autre de spécial. On cesse le rendre les blancs spéciaux et supérieurs en les appelant blancs comme ils nous appellent arabes et noirs. Ainsi les blancs ne sont plus spéciaux, ils sont comme nous. Se faisant, les blancs cessent d’être une référence. Ils ne sont plus quelque chose par rapport à quoi il faut se référer, par rapport à quoi on doit se comparer. Ils ne sont plus le modèle à suivre. Ils ne sont plus le centre de la société.

En appelant blancs les blancs, nous les ramenons à notre niveau. Nous ne leur disons pas « Nous sommes comme vous » mais bien « Vous êtes comme nous », et cela fait toute la différence.

Ce nous est un nous politique, et appeler blancs les blancs est un acte politique car cela change l’ordre social établi.

Le blanc sociologique

Il faut différencier, au moins, deux utilisations du terme blanc : le blanc sociologique et le blanc politique.

Admettons cette définition : un blanc sociologique est une personne qui jouit d’un statut de privilégié du fait de la discrimination des indigènes sociologiques (c’est-à-dire noir-e-s, arabes et musulman-e-s), du fait de ne pas subir de discrimination raciste. On pourrait grosso modo dire que le blanc sociologique est une personne qui a la peau blanche et d’origine européenne.

Il faut certes noter l’existence de blancs indigénéisés qui subissent également une partie des politiques blanches et du racisme que subissent les descendants de colonisés. Pourquoi ? Car ces derniers portes certains traits d’indigènes comme la ville, le quartier, le code vestimentaire, la manière de parler, l’accent, etc...

Ces blancs ne sont toutefois pas totalement des indigènes, car :

 d’une, ils ne sont pas soumis à toutes les injonctions que doivent subir les indigènes (on ne leur demande pas, par exemple, de se faire intégrer ou s’ils serrent la main des femmes) ;

 de deux, s’ils se débarrassent des stigmates de l’indigène, ils seront blancs de nouveau.

Un blanc indigénéisé qui se débarrasse des stigmates de l’indigène deviendra en effet un blanc tout court. Un noir ou un arabe aura beau changer de nom, de quartier, sa manière de s’habiller, etc, il restera toujours un noir. Quand bien même il se travestirait en un blanc politique, il restera un indigène sociologique.

Si la notion d’indigène sociologique est aussi intimement liée à la couleur de la peau et aux origines, c’est simplement parce que la société fonctionne selon des principes racistes.

Le blanc politique

Le blanc politique est une personne qui soutient, promeut, génère, perpétue, justifie ou nie les effets de la domination blanche.

Il en résulte que, pour être un blanc politique, pas besoin d’être blanc de peau. Par exemple,

 lorsque Malek Boutih applaudit Nicolas Sarkozy et ses politiques à l’encontre des banlieues, Malek Boutih est un blanc politique ;

 lorsque Fadela Amara taille le féminisme en un outil politique contondant pour taper sur les jeunes de banlieue, les femmes voilées et les musulmans, Fadela Amara est blanche d’un point de vue politique.

Cependant Fadela Amara reste une indigène sociologique. Par exemple lorsque Ségolène Royal se moque de sa manière de parler ou lorsque Brice Hortefeux trouve qu’il n’est pas évident qu’elle soit une « compatriote »  [1].

De même, un blanc sociologique n’est pas nécessirement un blanc politique. Ainsi Marcel qui aide des sans papiers à échapper à la police n’est pas un blanc politique. Mais Marcel le devient lorsqu’il exige qu’une femme voilée ne puisse aller à l’école ou s’il se désolidarise des sans papiers quand ils s’organisent de manière autonome.

Ainsi la notion de blanc politique est extérieure à la couleur de beau, ou aux origines, mais est uniquement fonction de la pensée et aux actes politiques.

Il en découle la notion d’indigène politique qui regroupe celles et ceux qui luttent contre l’ordre colonial, celles et ceux qui résistent et luttent contre la domination blanche dont ils sont pour les uns les victimes et pour les autres les bénéficiaires involontaires.

P.-S.

Ce texte est d’abord paru sur le site des Indigènes de la république. Nous le reproduisons avec l’amicale autorisation de son auteur.

Notes

[1Note du Collectif Les mots sont importants : En présentant Fadela Amara, devenue sa nouvelle collaboratrice à l’occasion du mini-remaniement ministériel de janvier 2009, Brice Hortefeux s’est senti obligé de « préciser » que celle-ci était une « compatriote », ce qui, selon lui, « n’est pas forcément évident ». L’intéressée s’est fendu d’un grand éclat de rire et, bonne pâte, elle a assuré ce vendredi sur le plateau d’I-Télé qu’elle ne lui en voulait pas. « Je ne l’ai pas du tout mal pris. Ce n’est pas la première fois qu’il le dit, même en privé, il l’avait dit à maintes reprises. Mais je n’ai lu aucun propos tendancieux ». Mieux, elle a décrypté la saillie d’Hortefeux, y voyant une référence à leurs origines communes : « Nous sommes tous les deux Auvergnats, lui blond aux yeux bleus et moi un peu... voilà, résultat des courses on ne ressemble ni l’un l’autre aux Auvergnats, au profil des Auvergnats. C’est pour ça qu’il a dit ça ».