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Rendez-vous au 35 bis

Un livre de Christelle Hamel et Diane Lemoine

par Collectif Les mots sont importants
août 2000

Dans la multitude des livres consacrés aux « politiques d’immigration », ce livre se distingue avant tout par sa méthode : préférant la description à la dénonciation, les auteurs, doctorants en anthropologie sociale et culturelle, se sont rendus régulièrement au tribunal dit « 35 bis », où se décide le sort des étrangers interpellés en situation irrégulière. Ils décrivent minutieusement les lieux et les différents acteurs (juge, avocat, représentant de la préfecture, étranger interpellé, inteprète), leur marge de manoeuvre, leur discours et leurs actions. Des extraits de jugements sont retrancrits tels quels et analysés.

Les résultats de cette enquête sont accablants : ce qui nous est décrit ne ressemble plus en rien au rituel judiciaire : les personnes interpellées n’ont à peu près aucune opportunité de s’exprimer, et encore moins de préparer leur défense ; les avocats sont souvent commis d’office, et moins bien au fait des dossiers que les représentants de la préfecture ; les audiences sont expéditives : chaque jour, le sort de dizaines de personnes se décide en quelques minutes, dans un climat de routine très bien décrit par les auteurs. Les représentants de l’institution, eux-mêmes, semblent ne pas croire à la légitimité de leurs pratiques, et dissipent leur malaise en déclarant que « c’est pire ailleurs ».

Dans cette description et cette analyse se retrouveront tous ceux, soutiens, « parrains » ou sans-papiers, qui ont déjà assisté aux audiences du 35bis. Quant aux autres, ils sont expressément invités par les auteurs à aller vérifier par eux-même. En attendant, ils trouveront dans ce livre quelques retranscriptions d’audiences qui font froid dans le dos. On y voit par exemple une connivence qui se noue entre juges et représentants de la préfecture, parfois entre juges et avocats. On y voit même certains interprètes plaisanter avec le juge et les représentants de la préfecture, comme lors de la comparution de Lin Cheun, une femme chinoise en instance d’expulsion :
"- L’interprète : Cheun, c’est le printemps !

 Le représentant de la préfecture : et Lin, c’est le rouleau ? » (...)

 Le juge : elle a de la famille en Chine ?

 Lin Cheun : maman, papa

 Le juge : ah, on dit aussi papa en chinois ?
...

De telles descriptions valent toutes les dénonciations.

P.-S.

Ce livre est publié aux Éditions de l’aube

Compte-rendu paru dans Le bulletin critique du livre en Français.