7ème idée reçue : Il faut en finir avec les régimes spéciaux
Arguments similaires/liés souvent entendus :
— « La réforme est une réponse à la crise des gilets jaunes » [1]
— « La pension minimale à 1 000 euros pour une carrière complète est une conquête sociale »
— « Le nouveau système est plus juste car chaque euro cotisé ouvrira les mêmes droits »
La pension minimale annoncée se trouve en-dessous du seuil de pauvreté
En France, en 2017, le seuil de pauvreté pour une personne seule était de 1 041 euros nets par mois [2]. « La conquête sociale » promise par le gouvernement revient donc à instaurer une retraite minimale inférieure au taux de pauvreté actuel : les retraités qui en bénéficieront seront sous le seuil de pauvreté...
La pension minimale annoncée sera réservée aux carrières complètes
Certes, avec le système actuel, plus d’un tiers des retraités touchent moins de 1 000 euros par mois et ce n’est pas normal (cette situation concerne plus les femmes que les hommes).
Néanmoins, le gouvernement précise bien que sa « conquête sociale » des 1 000 euros nets par mois sera réservée aux carrières complètes de 43 années, à l’âge de 64 ans... Or, parmi celles et ceux qui touchent moins de 1 000 euros par mois aujourd’hui, la moitié environ n’a pas eu une carrière complète [3] et n’est donc pas concernée par l’annonce d’Édouard Philippe. En particulier, beaucoup de femmes ou d’agriculteurs, qui ont eu des revenus faibles et variables au cours de leur carrière, seront exclus de la mesure.
La pension minimale annoncée... avait déjà été votée dès 2003 !
Le gouvernement présente les agriculteurs, les artisans et les commerçants comme les grands gagnants de sa réforme. Par exemple, la FNSEA, gros syndicat d’agriculteurs, a déjà plusieurs fois été dans son sens [4]. Dans le secteur agricole, les pensions moyennes sont en effet très faibles : elles oscillent aux alentours de 730 euros pour une carrière complète.
Néanmoins, Jean-Paul Delevoye n’a fait que reprendre une promesse non tenue inscrite dans la loi du 21 août 2003, votée alors qu’il était lui-même ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l’État et de l’Aménagement du territoire [5]. En effet, l’article 4 de cette loi [6] indique que « la Nation se fixe pour objectif d’assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net ». Cet article devait donc, en particulier, concerner les salariés agricoles et leurs petites retraites.
Cette promesse, pourtant inscrite dans la loi, n’a cependant jamais été respectée... Et le gouvernement, sous les conseils de l’ex-Haut Commissaire à la Réforme des Retraites Jean-Paul Delevoye, la reprend donc 16 ans plus tard !
La réforme annoncée n’est pas du tout équitable
En parlant au sujet du système par points de « justice », Édouard Philippe semble en fait confondre les notions d’égalité stricte et d’équité [7]. Ce nouveau système serait effectivement égalitaire : tout le monde serait logé à la même enseigne : pour chacune et chacun, un euro de revenu donnerait lieu au même nombre de points.
Mais cette réforme n’a rien d’équitable, et on ne peut pas la qualifier de juste ! En effet, tout le monde n’a pas les mêmes chances d’accéder aux métiers les plus rémunérateurs et donc de cotiser plus. Les personnes aux hauts revenus seraient dans ce système gagnantes deux fois [8] : la première fois durant leur vie active, car elles gagneraient beaucoup, et la deuxième fois lors de leur retraite, car elles auraient engrangé beaucoup de points et toucheraient donc une bonne pension. Ce serait le contraire pour les plus bas salaires...
Le système est donc très inégalitaire pour beaucoup de travailleurs : les femmes, les ouvriers, les précaires, les chômeurs... toutes les personnes qui cotiseront peu pour différentes raisons et toucheront une pension moindre in fine [9].
9ème idée reçue : Le nouveau système bénéficiera aux femmes et aux familles