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Retraites : 12 idées reçues à combattre

09 – Le nouveau système bénéficiera aux femmes et aux familles

par Anaïs Henneguelle
27 janvier 2020

En soutien à la grève, et pour étendre les prochaines mobilisations, le Collectif Les mots sont importants republie une réfutation en douze points de la propagande gouvernementale sur la "réforme" des retraites. Ce guide d’auto-défense a pour vocation de fournir des arguments à tous ceux et toutes celles qui s’opposent à la réforme des retraites mais sont parfois démunis face aux éléments de langage (parfois faux, la plupart du temps incomplets ou simplistes) qu’on leur oppose. Comment répondre aux éléments de langage du gouvernement ? Que rétorquer à son ami, salarié du privé, qui prétend que « ça fait les pieds aux fonctionnaires et aux cheminots » ? Quels chiffres simples mais efficaces mettre en avant pour exprimer sa colère ou son inquiétude ? En bref, comment (se) mobiliser contre la réforme des retraites ?

8ème idée reçue : La réforme permet de protéger les droits des plus faibles

Pour Édouard Philippe, « les grandes gagnantes de la réforme, ce sont les femmes » :

• Des points supplémentaires seront accordés pour chaque enfant (majoration de 5%), et ce dès le 1er enfant(ces points seront, sauf choix contraire des parents, attribués à la mère). Dans le système actuel, il y a une majoration de 10 % mais seulement à partir du 3e enfant.

• Le système sera aussi favorable aux familles, notamment à celles de 3 enfants et plus (avec une majoration supplémentaire de 2 % accordée à partir du 3e enfant).

Les femmes vont subir de plein fouet la réforme annoncée

Il ne suffit pas de proclamer partout que « les femmes sont les grandes gagnantes du système » pour qu’elles le soient. Édouard Philippe s’attarde sur des mesures techniques mais semble oublier qu’en calculant le montant de la pension de retraite sur l’ensemble de la carrière (et non plus sur les 25 dernières années pour les salariés du privé, ou sur les 6 derniers mois pour les fonctionnaires), de nombreuses femmes seront pénalisées car elles ont des carrières plus souvent hachées, interrompues, précaires ou à temps partiel [1] que les hommes [2].

Les deux conjoints auront donc intérêt à s’en- tendre pour attribuer cette majoration au conjoint homme pour augmenter plus sa pension à lui. Ce système incitatif est donc mal configuré : les femmes risquent encore d’y perdre en cas de séparation avec leurs conjoints et d’être ainsi précarisées

Le gouvernement confond les « femmes » et les « mères »

Édouard Philippe semble également oublier que ce ne sont pas du tout les femmes qui profitent de ces quelques mesures, ce sont les mères !

Les femmes sans enfants ne sont nullement concernées.

Les hommes ont des chances de beaucoup plus bénéficier des mesures annoncées

La mesure concernant la majoration de 5 % pour tout enfant à partir du premier semble effective- ment bénéficier aux mères : par défaut, elle leur sera attribuée, « sauf si le couple en décide autrement ». Le diable se niche dans les détails : comme la majoration est exprimée en pourcentage et non en montant absolu de points, il sera beaucoup plus rentable pour beaucoup de couples de faire bénéficier de cette majoration à l’homme... puisque l’homme gagne généralement plus que la femme dans un couple hétérosexuel.

Les deux conjoints auront donc intérêt à s’entendre pour attribuer cette majoration au conjoint homme pour augmenter plus sa pension à lui. Ce système incitatif est donc mal configuré : les femmes risquent encore d’y perdre en cas de séparation avec leurs conjoints et d’être ainsi précarisées [3].

10ème idée : Les hauts salaires contribuent plus dans le nouveau système

P.-S.

Ce texte a été rédigé par Anaïs Henneguelle, maîtresse de conférences en économie à l’Université de Rennes 2, membre du collectif d’animation des Économistes Atterrés. Nous le reproduisions avec l’amicale autorisation de l’auteure. La liste des arguments décodés ici s’inspire de l’allocution d’Édouard Philippe du 11 décembre dernier.

Notes

[1En 2017, 30,6 % des femmes actives en France étaient à temps partiel contre seulement 8 % des hommes, selon ces chiffres de l’Insee

[2Comme l’explique l’économiste Sabina Issehnane ici.

[3Il faudrait ici évoquer également la suppression de la pension de réversion pour les femmes divorcées. Citons également ce rapport d’Attac, qui indique que les femmes de plus de 3 enfants pourraient elles aussi être pénalisées.