Y a-t-il une menace de génocide sur les chrétiens d’Orient au Levant, comme le claironnent depuis quatre ans maintenant aussi bien les chancelleries que des archevêques, la Croix-Rouge ou Florian Phillipot ? Très objectivement, sans nier la réalité des persécutions, la Syrie n’a connu aucun massacre d’ampleur, avec principalement deux faits de prises d’otages dans le nord-est par Daech, aux confins de la ligne de front avec les Kurdes...
Si on fait un décompte macabre, les tués déclarés chrétiens représentaient, en 2014, 0,48% des 240 000 morts. La seule tuerie de masse de chrétiens par des djihadistes qui fait référence dans les discours officiels a eu lieu au Kenya, où une centaine d’étudiants furent exécutés par les shebabs, à Garissa en avril 2015. On est tout de même assez loin de l’Orient…
En France, la focalisation sur cette supposée menace de génocide, puisque c’est sous ce terme que les médias et l’ONU communiquent, revêt une fonction fortement idéologique. Elle permet à la classe politique et à l’intelligentsia d’agiter le chiffon rouge du choc des civilisations. Pour Valls ou BHL, le logiciel d’explication du conflit se développe sur l’algorithme de la guerre de religions, avec en fond d’écran à peine grisé la haine de l’islam, surtout son incompatibilité avec les sociétés occidentales et leurs zones d’influence.
Pourtant, qui assiège et bombarde avec un acharnement viscéral le fief rebelle de Zabadani, où le soulèvement a été déclenché par le père Paolo ? Le régime baassiste. Et qui, en solidarité, tente de desserrer l’étau en répondant coup pour coup sur des localités d’Idleb ? L’armée de la conquête, coalition de groupes islamistes. Eh oui, la réalité des peuples échappe parfois aux analyses à la découpe…
L’argument du sort particulier des chrétiens d’Orient détourne clairement l’attention des crimes d’Assad vers la problématique Daech. Pourtant, à bien y regarder, l’État islamique est plus préoccupé par son expansion territoriale, quitte à faire fuir les minorités religieuses qui ne lui font pas allégeance, qu’à organiser une épuration systématique sur des bases confessionnelles de ses opposants. À l’exception notable de la tentative d’élimination des yézidis en Irak, communauté zoroastrienne, qui ont dû leur salut à l’intervention du PKK.
Le régime est alors petit à petit blanchi et présenté comme un allié objectif pour contenir ce que François Hollande décrit comme « la furie islamiste », avec un Bachar déguisé en chef des croisés.
Ce positionnement montre à quel point les valeurs de l’extrême droite ont gagné les esprits. La vision d’un Occident qui doit se recentrer sur sa chrétienté est renforcée. Concrètement, le critère d’appartenance religieuse est décrit comme discriminant par les Syriens rencontrés dans la possibilité d’obtenir le droit d’asile dans l’Hexagone. Le départ du despote n’est plus à l’agenda.
Tout le monde s’est ainsi aligné sur les positions du Front national, dont on peut suivre le fil historique très stable sur le site infosyrie.fr, mis en place par l’ex-gudard Frédéric Chatillon – en veille depuis 2012. Pour l’État français, la perspective de soutenir une alternative interculturelle en Syrie n’a finalement jamais été à l’ordre du jour. Et les résistants syriens laïques et progressistes en sont encore pour leurs frais…