Le 31 mars, le Parti de la presse et de l’argent (PPA) déplorait un nouveau cas de « séquestration ». Après les dirigeants de Sony, 3M Santé et FCI, premiers martyrs de la « radicalisation des luttes », c’était au tour de François-Henri Pinault, PDG du groupe Pinault-Printemps-Redoute (PPR), de se faire chahuter par son personnel, qu’il venait de gratifier d’un plan d’économies de 1200 licenciements. La troisième fortune de France est retenue une heure dans son taxi sur un parking du XVème arrondissement de Paris, pendant que ses employés scandent « Pinault, sale escroc, la crise elle a bon dos ».
Non loin de là, son attaché de presse, Bernard-Henri Lévy, affûte déjà son plumeau pour faire barrage à la « chasse aux patrons ».
Septembre noir à Grenoble
« Il n’y a qu’un pas entre les séquestrations sages d’aujourd’hui […] et le passage à la “vraie” violence, Puissent-ils [ceux qui refusent de condamner les séquestrations] méditer l’aventure d’une génération qui […] sut comprendre – juste à temps – l’irrésistible enchaînement qui mène de la “compréhension” pour les formes sauvages de la colère sociale à la célébration, étape par étape, de la délation, de la terreur dans les mots et, un jour, à Munich, du passage à l’acte et au sang ».
Ainsi braille l’hyper-philosophe dans Le Point, propriété de Pinault [1]. Une allusion à la prise d’otages perpétrée à Munich en septembre 1972 par le groupe palestinien Septembre noir, qui s’était soldée par la mort de 11 athlètes israéliens. Les salariés qui bousculent leurs patrons ont-ils conscience de l’héritage atroce qu’ils perpétuent ?
Le Plan B a voulu interpeller à ce sujet Alexis Mazza, délégué CGT de Caterpillar à Grenoble. Au soir du 31 mars, après l’annonce de la suppression de 733 emplois, les ouvriers de l’usine ont invité quatre de leurs dirigeants (dont le patron de Caterpillar-France) à dormir dans leur bureau afin que la nuit leur porte conseil, avant de les relâcher au matin avec des pains au chocolat [2]. Nous interceptons Alexis Mazza dans l’enceinte de la Maison de la culture, où il espère une entrevue avec son patron confédéral, Bernard Thibault. Lequel préférera annuler sa visite, sans doute accaparé par les commandes de merguez pour sa prochaine « journée d’action » bimestrielle [3] La comparaison béachélienne avec Munich arrache à Mazza un soupir de lassitude :
« Ces gens-là ont-ils connaissance du monde du travail ? Est-ce qu’ils savent que, tout au long de l’année, la plupart de nos directeurs des ressources humaines harcèlent moralement et même sexuellement certains de leurs salariés ? Connaissent-ils les risques psycho-sociaux qui existent dans les entreprises ? Il y a des salariés qui ont failli se suicider à cause de ces dirigeants qu’on a légèrement retenus. Cette violence-là, est-ce que les philosophes en parlent ? »
Journaliste aux Échos, Gabrielle Serraz a examiné de près la « violence inédite du conflit Caterpillar ». Ses révélations font froid dans le dos :
« […] sur fond de musique rap, d’insultes, de crachats, de vexations », une bande de « “gros bras” devenus incontrôlables » ont « paralysé les négociations » et terrorisé les délégués syndicaux plus conciliants envers la direction, qui auraient « même demandé à être protégés jour et nuit par des gardes du corps ». Ces lumpen-grévistes, « issus pour la plupart des programmes d’intégration sociale, récemment sortis de prison pour certains, ont pour seule stratégie l’augmentation de la “prime à la valise” » [4]
Cet observateur des réalités françaises n’est pas un inconnu : il s’agit du journaliste américain Ted Stanger, essayiste à succès, chroniqueur sur RTL et pilier assidu des débats télévisés sur France 2. Qu’attend Barack Obama pour inscrire la France sur la liste noire des États voyous qui encouragent le terrorisme ? Le Plan B se dépêche d’interroger l’expert. La dernière fois, il nous avait raccroché au nez [5]. Cette fois-ci, se méprenant sur notre identité, le « plus français des Américains » (selon son éditeur, Michalon) accepte d’approfondir son analyse :
« les séquestrations, c’est synonyme de terrorisme. Or la politique de Washington consiste à boycotter les États voyous qui pratiquent ce genre d’exercice ! [sic] Donc on voit un très vieil allié qui pratique sur son sol le terrorisme. Ça inquiète beaucoup ! »
L’Otan libère Pithiviers
Quand on lui rappelle que 3M est la seule société américaine – avec Colgate et Coca-Cola – à avoir augmenté ses dividendes aux actionnaires pour le premier trimestre 2009, le chouchou d’Yves Calvi s’étrangle :
« C’est la naïveté économique des Français ! On dit : une société qui fait des bénéfices n’a pas le droit moral de licencier. Moi je réponds : ce n’est pas aux salariés de gérer l’entreprise. Si vous voulez avoir une espèce de Yougoslavie où les ouvriers prennent part aux décisions, d’accord ! Mais pour l’instant, vous n’avez pas ça… »
On lui suggère alors de se rendre à Grenoble ou à Pithiviers pour expliquer aux ouvriers la meilleure attitude à adopter :
« Bien sûr que non, je serais lynché ! » se récrie Teddy dans un éclat de rire.
Puis il se met à hurler :
« Il n’y a pas de débat en France ! Les patrons qui travaillaient avec les Allemands sous Vichy, on ne leur a pas encore pardonné ! C’est un tabou ! Les salariés ont tous les droits ! »
Le fait que des ouvriers jetables soient parvenus à conquérir des indemnités moins dérisoires – 30000 euros au moins pour les licenciés de Pithiviers – que le pourboire initialement consenti fait pâlir d’envie les clones français de Ted Stanger. L’éditorialiste Jean-Louis Gombeaud persifle dans Nice-Matin :
« Quand l’usine ferme, il semble que les acteurs engagés dans des conflits violents revendiquent beaucoup moins un reclassement que des indemnités conséquentes. […] Ils se sentent dos au mur et veulent de l’argent : solde de tout compte ! » [6]
Plus inquiétant encore, pour son collègue de L’Expansion :
« Si l’on tient à nos valeurs libérales, il faut être vigilant, à l’heure où l’on peut lire, placardé sur nombre d’usines en grève, ce funeste slogan : “Le capitalisme est malade, achevons-le !” » [7].
Et le PPA [8] avec !