« Vous avez la passion de la Science et vous vous destinez à une carrière de chercheur ? » demandait début décembre 2006 le directeur du CNRS, Arnold Migus. Alors rejoignez le CNRS et, dans l’hypothèse où vous voudriez vous faire une petite idée de ce qu’est le Centre National de la Recherche Scientifique, sachez qu’en y entrant « vous intégrerez un espace privilégiant la créativité, l’ouverture et la prise de responsabilité ». Ce sont sans doute ces critères de créativité, d’ouverture d’esprit et de responsabilité qui ont conduit Gilles de Robien à y nommer Robert Redeker, lequel est ainsi dispensé de ces pénibles concours d’entrée qui désespèrent tant de chercheurs
On savait la recherche en danger, on la découvre en danger de l’intérieur, la belle promotion de Robert Redeker sonnant comme une insulte non seulement aux authentiques scientifiques qui, toutes disciplines confondues, font vivre le CNRS, mais aux musulmans de France à qui c’est un bien triste message qui est adressé. Il faut tout de même dire que, pour intégrer le CNRS, Robert Redeker avait à la fois un bon sujet de recherche et une solide lettre de motivation. Un bon sujet : l’Islam, cet Islam que l’on serait presque tenté de qualifier de sujet sexy puisque, dès que le mot Islam est prononcé, il est scientifiquement démontré que tout le monde s’excite. Une bonne lettre de motivation ensuite, publiée dans Le Figaro où le professeur faisait un bilan provisoire de ses recherches et de ses réflexions, d’où il ressortait que l’interdiction du string à Paris-Plage était la conséquence directe du lobby islamiste cherchant à « poser sa chape de plomb sur le monde », ce qui est bien la moindre des choses venant d’une religion qui « tient la générosité, l’ouverture d’esprit, la tolérance, la douceur, la liberté de la femme et des moeurs, les valeurs démocratiques, pour des marques de décadence » et dont le prophète était quand même avant tout un « chef de guerre impitoyable, pillard, massacreur de juifs et polygame ».
Suite à ces déclarations qui ne frappent ni par leur précision scientifique, ni par leur ouverture, leur créativité et leur sens des responsabilités, il y eu en fin de compte étonnament peu de réactions dans le monde musulman. Certes Redeker se faisait un ennemi, récemment arrêté au Maroc, qui lui adressait un mail de menaces hâtivement qualifié de fatwa sans qu’on s’embarrasse trop de définir ce qu’est une fatwa, et pour un ennemi déclaré c’étaient beaucoup d’amis qui surgissaient de toutes parts, amis dévoués au point d’être bizarrement prêts à se battre, Voltaire au poing, pour des propos qu’ils déclaraient en même temps ne pas forcément approuver, peu jugeant opportun de préciser la nature de leur désaccord. Le Figaro présentait ses excuses, Redeker non, il accusait au contraire le rectorat de Toulouse, l’inspection de Philosophie et le ministre de l’Education Nationale de ne pas le soutenir, ce qui était manifestement un peu exagéré au regard de cette aimable question que lui adressa bientôt les yeux dans les yeux Gilles de Robien : Accepteriez-vous d’entrer au CNRS ?
La Recherche peut donc se féliciter d’accueillir en son sein un homme dont la Science fut trop longtemps privée. Une réserve cependant. Que faire de ces innombrables et obscurs professeurs de philosophie à la parole prudente, eux qui ont au moins le grand mérite d’essayer de ne pas trop souvent dire n’importe quoi, de n’insulter personne ni aucune confession ? Si Robert Redeker entre au CNRS, ne devraient-ils pas tous être immédiatement nommés au Collège de France ?