Politique économique : prendre aux pauvres pour donner aux riches [2]
« Paquet fiscal ». Première réforme économique du gouvernement,
la loi sur le Travail, l’Emploi et le Pouvoir
d’achat (Tepa) a été votée au Parlement
le 1er août 2007. Elle se présente comme un
« paquet fiscal » : exonération d’impôts et de
charges sociales pour les heures supplémentaires,
crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt
pour l’achat ou la construction de l’habitation
principale, allégement des droits de
succession et de donation, renforcement du
bouclier fiscal, réduction de l’impôt sur la
fortune en cas d’investissement dans les PME
ou pour des dons à des organismes d’intérêt
général.
Cette loi destinée à favoriser l’emploi
et le pouvoir d’achat était censée engager un
« choc de croissance ». Mais les 14 milliards
qu’elle coûte ne font que renforcer le pouvoir
d’achat des plus riches via les allégements
fiscaux consentis sur les droits de succession,
l’ISF ou les intérêts d’emprunt. La
réforme ne favorise que les actifs déjà salariés
en les faisant profiter de bien maigres heures
supplémentaires, aux dépens des chômeurs
et travailleurs à temps partiel.
Suppression de la publicité dans l’audiovisuel public.
Après l’annonce inopinée, lors de ses voeux
à la presse le 8 janvier, de sa décision de supprimer
la publicité sur les antennes de France
Télévisions, Nicolas Sarkozy a confié à Jean-
François Copé la mission de redéfinir le paysage
de l’audiovisuel public. La « commission
Copé » a remis son rapport d’étape le
16 avril, préconisant une suppression progressive
d’ici à 2011 et à compter de 2009, mais
sans plus de précisions. Le chef de l’État avait
promis de compenser « euro par euro » la perte
engendrée par la suppression de la pub. Les
re cettes publicitaires étant estimées à
1,2milliard d’euros, la tâche s’annonce ardue
et, à cette heure, rien de crédible n’a été avancé
en matière de financement.
Les conclusions
des travaux de la commission sont attendues
pour le 25 juin. Le cours de l’action de TF 1,
dont les dirigeants avaient suggéré cette mesure
dans un rapport discrètement remis au gouvernement,
a été plus rapide : il s’est envolé
à l’annonce présidentielle.
« Modernisation du marché du travail ». Issu de l’Accord national interprofessionnel
(ANI) signé le 21 janvier 2008 par le Medef
et quatre syndicats de salariés (la CGT s’étant
abstenue), le projet de loi présenté en Conseil
des ministres le 26 mars 2008 a pour ambition
d’engager une « réforme historique » de
« modernisation » du marché du travail. Parmi
les mesures du dispositif, on note :
ROBERTS/AFP l’abrogation du Contrat nouvelles
embauches (CNE), la possibilité de
rompre un contrat de travail d’un « commun
accord » entre l’employeur et le salarié, qui
pourra conserver ses droits Assedic, ou la création
à titre expérimental du contrat de travail
à durée déterminée « à objet défini ».
Dans sa volonté de mettre en place la sacrosainte
« flexisécurité », le gouvernement a opté
sans surprise pour la flexibilité patronale
aux dépens de la sécurité des travailleurs.
La mise en oeuvre du CDD « à objet défini »,
répondant à la réalisation d’une mission sur
une durée maximale de trois ans, est un
outil de précarisation pour les cadres et les
ingénieurs, seuls concernés pour l’instant. La
« rupture conventionnelle » biaise le rapport de
force entre le salarié et l’employeur, qui
pourra user de son ascendant hiérarchique
sur le salarié pour le licencier sans motif,
tandis que l’employé aura beaucoup plus
de mal à faire appel à cette séparation « à
l’amiable » puisqu’elle implique le versement
d’une indemnité par l’employeur. Enfin, si
le CNE est enterré, les salariés automatiquement
requalifiés en CDI se verront pourtant
imposer une période d’essai avant d’être
« CDIsés », ce qui laisse le champ libre
à un licenciement de dernière minute.
« Modernisation de l’économie ». Sous cet intitulé, le projet de loi de Christine
Lagarde, dit aussi LME, en cours d’examen
à l’Assemblée nationale, reprend certaines
des mesures du « rapport Attali ». Il
a pour objectif de rapporter 0,3 point de
croissance supplémentaire à l’horizon 2009
et entend lutter en faveur du pouvoir d’achat.
Le texte met en oeuvre « le principe de la négociabilité
des prix entre distributeurs et industriels
» pour encourager la concurrence dans
la grande distribution et, ainsi, amorcer la
baisse des prix dans les supermarchés.
La
LME prévoit également l’élargissement,
dès le 1er janvier 2009, de la distribution
du Livret A, jusqu’ici réservée à la Banque
postale et aux Caisses d’épargne.
Coup de pouce à la grande distribution, la
négociation libre des tarifs entre fournisseurs
et distributeurs fait courir le risque
aux petits fournisseurs de se voir imposer une
baisse drastique de leurs prix de vente par
les distributeurs. Dans un rapport de force
inégal, les plus petits fournisseurs ne pourront
pas « jouer le jeu » de la concurrence.
Loin de démocratiser l’accès à l’épargne
favorite des Français, la banalisation du
Livret A permet au gouvernement de faire
payer la crise financière par les « petits épargnants
» en apportant une nouvelle source
de liquidités aux banques. Si la totalité des
dépôts du Livret A était jusqu’alors centralisée
à la Caisse des dépôts et consignations,
qui proposait des prêts avantageux
aux organismes HLM, c’est désormais seulement
la moitié de ces fonds qui y sera placée
par les banques privées, ce qui laisse
présager des répercussions délétères sur la
politique de logement social.
Représentation syndicale. Engagées le 24 janvier dernier, les négociations
entre les partenaires sociaux
devaient mener à une redéfinition des règles
de représentativité syndicale (inchangées
depuis la révision de la loi de 1950 en 1966),
elles ont permis de dégager, le 10 avril, une
« position commune » adoptée par la CGT, la
CFDT, le Medef et la CGPME. Bientôt traduite
dans une loi. Pour être représentatif,
un syndicat devra recueillir 10 % des suffrages
exprimés lors des élections professionnelles
; un seuil de 8% a été fixé concernant
les négociations au sein des branches
et au niveau interprofessionnel. Dans les
entreprises sans syndicats, des accords pourront
désormais être conclus avec des élus
non-syndiqués. Pour être « majoritaire », un
accord devra être signé par un ou plusieurs
syndicats réunissant 30% des suffrages. FO,
l’UPA et la CGC ont refusé de parapher le
texte, estimant que les nouvelles dispositions
favorisaient principalement les grandes
organisations syndicales. Ces négociations
ont surtout mis au jour les divisions qui
règnent entre les différentes organisations
syndicales et patronales.
Réforme portuaire. Ce projet de loi adopté en Conseil des mi -
nistres le 23 avril 2008 veut améliorer la
performance et la compétitivité des grands
ports français. Deux notions synonymes
de privatisation pour le gouvernement. Les
outillages, les installations et les personnels
de manutention des ports autonomes sont
donc transférés au privé. « La recherche de
rentabilité financière optimale au détriment de
l’intérêt général aurait des conséquences lourdes
sur les emplois, les qualifications et la sécurité »,
a prévenu la CGT.
Politique sociale : toujours moins !
Retraites. La réforme des retraites est double. Elle
concerne d’abord les régimes spéciaux, dont
le candidat Sarkozy avait promis la disparition
au nom de « l’équité » entre les Français. Les
salariés bénéficiant des régimes spéciaux de
retraite passeront progressivement d’ici
à 2012 de 37,5 à 40 ans de cotisation nécessaires
pour bénéficier d’une retraite à taux
plein. La réforme entre en vigueur le 1er juillet
à la SNCF et à la RATP. La réforme du
régime général est aussi engagée depuis que
Xavier Bertrand a lancé le 28 avril la consultation
des partenaires sociaux. Dans la droite
ligne de la loi Fillon de 2003, le ministère du
Travail entend porter de 40 à 41 annuités
la durée de cotisation à l’horizon 2012, puis
l’allonger par la suite.
Le gouvernement a beau répéter vouloir
« sauver le régime par répartition », il encourage
un système par capitalisation. Alors que le
travail à temps partiel ne cesse de se développer,
qu’aucune mesure n’a été prise pour
faire face au chômage des seniors, et que les
négociations sur la pénibilité sont en panne,
l’augmentation de la durée de cotisation
aboutira de fait à la multiplication des retraites
tronquées. Ces mesures destinées à réaliser
des économies sur le dos des salariés
les plus précaires ou les plus sujets à la pénibilité
serviront à cofinancer l’augmentation
du minimum vieillesse. Une fois encore, le
financement des mesures « sociales » est
fait au détriment des moins avantagés.
Franchises médicales. La loi de financement de la Sécurité sociale
pour 2008, promulguée le 19 décembre 2007,
instaure le système des franchises médi cales.
Mises en place depuis le 1er janvier, celles-ci
touchent tous les assurés sociaux à l’exception
des bénéficiaires de la CMU, des
étudiants et des femmes enceintes. Les
patients sont mis à contribution (50 centimes
par boîte de médicament et par acte paramédical,
et 2 euros par transport sanitaire)
pour financer le plan Alzheimer, le développement
des soins palliatifs et la lutte
contre le cancer.
À cela s’ajoute une nouvelle
vague de médicaments déremboursés. La
logique de « responsabilisation » des malades
engagée sous Chirac continue à s’accentuer.
« Revenu de solidarité active ». Le RSA voulu par Martin Hirsch vise à
rendre attractif le retour au travail ou
l’augmentation de l’activité professionnelle
des personnes allocataires de minima
sociaux, afin qu’une reprise d’activité
rémunérée en dessous ou aux alentours
du Smic ne soit pas moins « rentable »
que la perception de leurs allocations.
En annonçant son intention de « redéployer »
une partie de la Prime pour l’emploi versée
aux salariés les plus modestes pour financer
la généralisation du RSA – actuellement
expérimenté dans une quarantaine de départements
–, estimée à 1,5 milliard d’euros,
le gouvernement engage un cycle absurde où,
pour enrayer le phénomène des travailleurs
pauvres, il paupérise les travailleurs…
Réduction des allocations familiales. Un décret annoncé le 16 avril par le Premier
ministre réduit, à partir du 1er mai,
le montant des allocations familiales. Jusqu’à
présent, celui-ci augmentait avec l’âge
des enfants : majoration de 34 euros par
mois à 11 ans, de 60 euros par mois à partir
de 16 ans. Désormais, la majoration ne
sera plus que de 60 euros à 14 ans. Le
manque à gagner pour des parents dont
le deuxième enfant fête ses 11 ans après le
1ermai sera de 587 euros. Pour la branche
famille de la Sécurité sociale, l’économie
approchera les 80 millions d’euros dès
2008, et les 138 millions en 2013. « Une
mesure incompatible avec une politique familiale
dynamique », dénonce la Caisse nationale
d’allocations familiales.
Plan logement. Présenté le 29 janvier, le « plan Fillon » rallonge
de 25% les crédits en faveur du logement
pour 2008. Mais 250 millions d’euros
au lieu du 1,5milliard minimum évalué
ne permettront pas le financement du plan
ambitieux tant espéré : le collectif interassociatif,
qui s’est rassemblé pour lister 13 propositions
visant à lutter contre le sans-abrisme
et le mal logement, s’est dit extrêmement
« déçu ». Le Premier ministre a annoncé en
outre la réhabilitation de 100 000 logements
dans les quatre ans alors que la France
compte 600 000 logements insalubres. Son
plan prévoit aussi d’interdire les expulsions
locatives. Mais cette interdiction n’a toujours
pas fait l’objet d’un texte officiel. La trêve
hivernale a pourtant pris fin le 15 mars.
Bourses étudiantes. La réforme des critères d’attribution des
bourses universitaires n’a pas fait l’objet
d’une communication particulière. Et c’est
l’Unef qui a tiré le signal d’alarme le
25 mars : au nom de la « simplification »,
certains critères prenant en compte la
situation individuelle de l’étudiant (éloignement
du domicile, handicap, dépendance
d’un parent isolé) ne seront plus
retenus à la rentrée prochaine. Selon le
syndicat étudiant, 20 000 des 700 000 boursiers
verraient baisser leur allocation de
450 à 2 000 euros par an, tandis que 2 000
étudiants n’auraient tout simplement plus
de bourse. Pour faire passer la pilule de
la réforme universitaire, la ministre Valérie
Pécresse avait pourtant promis l’été
dernier une revalorisation des bourses
pour les plus défavorisés.
Services publics : vers le démantèlement
RGPP. Ce sigle ne désigne plus seulement un service
de renseignement policier rattaché à la préfecture
de police de Paris, mais, depuis le
10 juillet 2007, la Révision générale des politiques
publiques. Matrice de la plupart des
réformes affectant les services publics, cette
« RGPP », volontiers présentée comme la
grande oeuvre du quinquennat, poursuit officiellement
un triple objectif : améliorer leur
qualité, rationaliser la dépense publique et valoriser
le travail des fonctionnaires.
Dans les faits,
il s’agit prioritairement de réduire les dépenses
de l’État pour rentrer dans les clous de l’Union
européenne, qui impose un déficit inférieur à
3% et une dette publique limitée à 60% du PIB.
C’est ainsi que 200 personnes, réparties en
25 équipes d’audit, issues des corps d’inspection
de l’administration et de cabinets privés,
ont commencé à passer au peigne fin les
1 000milliards d’euros de dépenses de l’État,
réexaminant ses missions et traquant les économies
possibles, même les plus minimes.
Lors de sa seconde réunion, le 4 avril, le Conseil
de modernisation des politiques publiques,
créé pour mettre en oeuvre la RGPP et présidé
par Nicolas Sarkozy en personne, a arrêté
166 mesures devant permettre de réaliser
7milliards d’euros d’économies d’ici à 2011 dans
de nombreux secteurs : administration territoriale
de l’État, logement, aides aux entreprises,
orientations sur l’emploi, diplomatie,
services administratifs de la Défense… Dans
le courant de ce mois, une autre réunion devrait
arrêter 5milliards d’économie supplémentaire
concernant notamment la Sécurité sociale et
la solidarité. Avec toujours le même leitmotiv
: on ne dit plus « rigueur » mais… « réforme ».
Fusion ANPE-UNEDIC. La loi relative à la réforme de l’organisation
du service public de l’emploi a été promulguée
le 13 février. Elle met en place un opérateur
unique issu de la fusion ANPE-Unedic, qui
doit « faciliter l’adéquation entre l’offre et la demande
de travail ». Il est chargé de simplifier les démarches
des demandeurs d’emploi et d’offrir une gamme
de prestations complètes. Le SNU-ANPE
dénonce « la tentative de liquidation du service
public » et la « création d’un organisme conçu comme
une machine répressive à l’encontre des chômeurs ».
Ce que ne dément pas la volonté affirmée du
gouvernement de pénaliser ces derniers au
deuxième refus d’une offre d’emploi « acceptable
», c’est-à-dire requérant moins de 2 heures
de trajet par jour et rémunéré au moins 70 %
de leur ancien salaire, quels que soient le métier,
la nature et la durée du contrat.
Révision de la carte judiciaire. En dépit des mobilisations du monde de la justice
en novembre et décembre, deux décrets
parus les 15 et 17 février ont modifié le siège
et le ressort des tribunaux d’instance, des juridictions
de proximité et des tribunaux de grande
instance. Au 1er janvier 2011, il y aura en
France 862 juridictions contre 1 190 avant la
réforme. Les tribunaux de prud’hommes sont
aussi affectés, et 63 d’entre eux disparaissent
fin 2008, faisant craindre un engorgement préjudiciable
aux salariés. Toutes les fermetures
étaient-elles justifiées dans tous les territoires ?
Et quid de la justice de proximité dans cette
réorganisation en « grands pôles » découlant de
mesures d’économie bien plus que d’un souci
de rendre la justice plus efficace ?
Révision de la carte hosptitalière. Un peu sur le même principe que la carte judiciaire,
le président de la République a rendu
public, le 17 avril, un plan de réforme pour l’hôpital
prolongeant la réorganisation des besoins
de santé dans le sens du regroupement de grands
centres hospitaliers. L’idée étant d’optimiser les dépenseset de supprimerprogressivement les services jugés trop peu rentables.
Cinquième réforme concernant l’hôpital
en cinq ans, celle-ci s’inspire du rapport
remis au président par Gérard Larcher :
« Sur un territoire donné, les établissements
hospitaliers seront incités à mettre en commun
leurs moyens. Il y aura ainsi un hôpital de référence,
qui sera le lieu des compétences médi cales
obligatoires, qui travaillera en coopération avec
des hôpitaux locaux. […] Il n’y a pas de modèle
unique, tout se fera sur le volontariat. » Le risque
étant que la réorganisation finisse par dessiner
deux France : l’une concentrant tous
les moyens hospitaliers, l’autre voyant le
désert médical progresser.
Plan banlieues. Nicolas Sarkozy avait annoncé un « plan
Marshall » des banlieues. Fadela Amara,
secrétaire d’État en charge de la Politique
de la ville, l’avait baptisé « Espoir banlieue ».
Après les violences de novembre 2005 et
une aggravation des inégalités dans les quartiers
populaires depuis trente ans, tout le
monde avait plutôt envie de jouer le jeu.
Résultat, le 8 février, Nicolas Sarkozy rendait
publique une flopée de mesures ni
neuves ni chiffrées. Au rayon emploi : lancement
d’un « contrat d’autonomie » visant à
« accompagner vers l’emploi » 100 000 jeunes,
et favoriser la création de 20 000 entre prises.
Au rayon éducation : augmentation des
écoles de la seconde chance et des internats
d’excellence, et « busing » (déplacement d’un
enfant d’un établissement difficile vers une
école favorisée).
Au rayon sécurité : 4 000 policiers supplémentaires
dans les quartiers sensibles.
Au
rayon administration : un représentant de
l’État par quartier selon un système de primes
aux volontaires (au relent colonial).
Seul
chiffre avancé dans tout cela : 500 millions
d’euros pour développer les transports en
commun. Soit moitié moins que ce que Fadela
Amara avait annoncé. Pour le reste, « redéploiement
» du budget des ministères, effort
porté sur les collectivités… L’État s’en sort
pour pas cher. C’était ça, le plan.
Partenariats public-privé. Actuellement en discussion à l’Assemblée
nationale, le projet de loi relatif aux contrats
de partenariat défendu par Christine Lagarde
permettra à l’État de déléguer au secteur privé
la construction, la gestion et parfois l’exploitation
d’équipements publics. Ces contrats
de partenariat, créés en 2004, ouverts jusquelà
à des projets qualifiés d’« urgents » ou de
« complexes » vont cesser d’être une exception.
Le dispositif a certes l’avantage de ne pas
grever la dette publique, mais les concessions
accordées à des entreprises privées, souvent
pour plusieurs dizaines d’années, créent une
dette différée génératrice de rente et de profit
pour ces sociétés, et dont les citoyens auront
toutes les peines à s’affranchir.
Éducation : marche arrière
« Assouplissement de la carte scolaire ». Conformément aux engagements pris par
le président de la République, le ministre
de l’Éducation, Xavier Darcos, a annoncé
en Conseil des ministres, le 25 juillet 2007,
un assouplissement de la carte scolaire
effectif dès la rentrée 2007, première étape
vers sa disparition progressive. Devant
améliorer la mixité sociale et géographique
dans les établissements et renforcer l’égalité
des chances, la suppression de la carte
scolaire installe la libre concurrence entre
les établissements et ouvre la porte à un
système de sélection, notamment sociale.
« Autonomie des universités ». La loi sur l’autonomie des universités dite
LRU, présentée par Valérie Pécresse et promulguée
le 10 août 2007, a été une des
premières réformes à passer. L’autonomie
porte sur trois volets : le patrimoine (locaux
et mobilier), la globalisation des crédits et
les ressources humaines.
Concernant le
mode de gouvernance, la loi renforce le
pouvoir des présidents d’université et restreint
le nombre de membres des conseils
d’administration, où les représentants extérieurs
sont plus nombreux que les représentants
étudiants.
Le volet financier entérine
un désengagement financier de l’État,
encourage une politique d’emploi fondée
sur la contractualisation, et ouvre la possibilité
de faire appel à des fonds propres
via la création de fondations ou le recours
à des bailleurs. Les universités sont engagées
sur la voie de la privatisation. Les plus
zélées seront récompensées financièrement. À craindre : un dépérissement des
plus fragiles, des filières les moins rentables,
une sélection à l’entrée et une forte augmentation
des frais d’inscription induisant
une sélection sociale de fait.
Suppressions de postes dans l’éducation. Xavier Darcos a annoncé le 23 août 2007
la suppression de 11 200 postes dans le
secondaire à la rentrée 2008 pour endiguer
le non-remplacement des départs à la retraite
des fonctionnaires et réduire le volume
horaire des élèves. Depuis, élèves, parents
d’élèves et professeurs s’interrogent : comment
faire mieux avec moins ? Ils redoutent
le gonflement des effectifs par classe, les
disparitions d’options et des groupes de travail
en effectif réduit, la baisse du nombre
d’encadrants dans les établissements et l’explosion
des heures supplémentaires qui,
comme elles ne pourront pas toutes être
effectuées, entraîneront la suppression de
certains enseignements et/ou classes.
Réforme des programmes à l’école primaire. Retour aux fondamentaux : l’idée couvait
depuis un moment, Xavier Darcos l’a validée
le 29 janvier 2008 en annonçant « une
nouvelle école primaire pour la rentrée prochaine
».
Centré sur l’apprentissage du français
et des mathématiques, le nouveau programme
de primaire diminue le volume
horaire global en supprimant les cours du
samedi matin et l’heure de sport supplémentaire
initialement promise : le temps
annuel d’enseignement passe de 936 heures
à 864.
Deux nouveaux enseignements
ont été introduits : instruction civique et
morale, et histoire des arts (20 heures par
an). Les nouveaux programmes privilégient
l’accumulation des savoirs via des
apprentissages mécaniques au détriment
de la réflexion et de l’expérimentation, et
en négligeant le développement psychoaffectif
des élèves. Un retour à l’ancienne.
Réforme de l’École Nationale de la Magistrature. Rachida Dati a présenté, le 22 février, un
projet de réforme de cette école, créée dans
la foulée de Mai 68. Les 21 points de ce projet
comprennent notamment une réduction
à 26 semaines de la formation initiale
hors stages (au lieu de 30 actuellement),
une période de spécialisation plus longue,
une modification de la composition du
jury d’admission ainsi que l’introduction
de tests psychologiques lors de l’admission
afin de « repérer d’éventuelles fragilités ».
« Une manière de stigmatiser les magistrats »,
selon l’USM, syndicat majoritaire.
Un
changement du mode de recrutement des
enseignants, privilégiant les vacataires
ponctuels, est très critiqué par le Syndicat
de la magistrature, à l’origine de plusieurs
plaintes auprès de la Halde pour discrimination
syndicale dans l’embauche des
Lors du congrès annuel de la FCPE, le 26 mai 2007, à Montpellier. chargés de cours.
Police-Justice : feu sur les droits fondamentaux !
Défense de « l’identité nationale ». Au lendemain de son élection, Nicolas Sarkozy et
François Fillon créent un grand ministère devant être
« compétent à la fois pour l’immigration, l’intégration,
l’identité nationale et le codéveloppement ». Objectifs :
« Maîtriser les flux migratoires, favoriser l’intégration, promouvoir
l’identité française et encourager le codéveloppement.
»
Dès le départ, ce ministère est contesté. En associant
identité nationale et immigration dans son
intitulé, il s’inscrit dans une stigmatisation de l’immigration
et dans la ligne d’un nationalisme fondé sur
la méfiance et l’hostilité aux étrangers. Ce ministère
est perçu comme la figure de proue idéologique de la
présidence Sarkozy. Certains dénoncent la mise en place
d’un racisme d’État fondé sur un système de tri des
immigrés, et qui réduit le codéveloppement à un
dispositif antimigratoire.
Première visée de ce ministère
dirigé par Brice Hortefeux : « La lutte contre l’immigration
illégale reste une priorité absolue avec un objectif
pour 2007 de 25 000 éloignements. » Soit l’intronisation
d’une politique de quotas et de sélection des migrants
en fonction des besoins économiques.
Peines plancher. Dénoncer l’impunité des mineurs récidivistes est un
des dadas de Nicolas Sarkozy depuis son passage à
l’Intérieur. Le 10 août 2007, trois mois après son élection
à la tête de l’État, était promulguée la loi instaurant
des peines planchers pour les mineurs récidivistes.
Défendu par Rachida Dati, ce texte prévoit qu’en
cas de récidive d’un délit, même minime, commis
par un mineur âgé de 13 ans et plus, les juges ne peuvent
prononcer une peine inférieure à un seuil déterminé
par la loi. Un adolescent de plus de 16 ans peut,
quant à lui, se voir refuser le bénéfice de l’atténuation
de peine en cas de récidive de faits commis avec violence.
L’atténuation de peine, qui était le principe
pour les mineurs, devient l’exception, et l’alignement
sur la justice des majeurs devient la règle.
Ce texte part
du principe que les peines ont un effet dissuasif, ce qui
n’a jamais été prouvé. Il prend exemple sur les pays
qui pratiquent les peines planchers, comme les États-
Unis, alors que ce système n’y a fait baisser ni la délinquance
ni la criminalité mais fait exploser le taux de
détention. Enfin, il remise le principe historique d’individualisation
de la peine. Symbolique des nouvelles
orientations du gouvernement en matière de justice,
il fait de la prison la réponse centrale à la
délinquance quand tout le monde sait qu’elle est une
école de la récidive, extrêmement coûteuse de surcroît,
et en état de surpopulation alarmant.
« Service minimum ». La loi sur le dialogue social et la continuité du service
public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs
du 21 août 2007 vise à « prévenir efficacement les
conflits dans les transports terrestres et ferroviaires par le
dialogue social » et à « garantir, en cas de grève, un service
réduit, mais connu par avance de la population et répondant
à ses besoins prioritaires ».
Le service minimum
dans les transports est effectif depuis le 1er janvier.
Au prétexte d’assurer aux salariés les moyens de
transport nécessaires pour se rendre à leur travail lors
des jours de grève, il affaiblit le droit de grève et casse
les armes de la résistance sociale dans les secteurs où
le syndicalisme est encore fort. Pas étonnant, donc,
que le service minimum ait été instauré avant la mise
en place de la réforme des régimes spéciaux des cheminots.
La volonté du gouvernement d’étendre le
service minimum à l’Éducation nationale avant l’annonce
du non-renouvellement des postes d’enseignants
participe du même processus.
Vidéo-surveillance. Michèle Alliot-Marie veut tripler le nombre de
caméras de vidéosurveillance d’ici à 2009, pour le
porter à un million. Elle l’a annoncé le 13 octobre
dans un entretien accordé au journal le Monde.
« Une nécessité face au terrorisme et un atout contre l’insécurité
», a-t-elle garanti. Le développement accéléré
de la vidéosurveillance fait partie intégrante d’un
projet plus vaste : la création d’un « grand ministère
moderne de la Sécurité intérieure utilisant les technologies
les plus novatrices ».
Loi Horterfeux sur l’immigration. Le projet de loi relatif à la maîtrise de l’immigration,
à l’intégration et à l’asile, visant à limiter le regroupement
familial, correspond au cinquième texte sur
l’immigration depuis 2002. Il a d’abord déclenché
un tollé du fait de la validation, le 19 septembre par
l’Assemblée nationale, de l’amendement Mariani
généralisant l’utilisation de tests ADN pour prouver
les filiations déclarées dans le cadre d’une demande
de regroupement. Le 5 octobre, le Sénat a modifié le
texte en imposant le consentement des personnes
pour les tests ADN, une disposition avalisée par le
Conseil constitutionnel.
Cette loi stipule aussi que
les migrants, y compris les conjoints de Français,
voulant rejoindre la France doivent se soumettre à
« une évaluation de leur degré de connaissance de la langue
et des valeurs de la République ». Si besoin, ils devront
suivre une formation, d’une durée maximale de deux
mois.
La loi fixe un minimum de ressources pour
faire venir sa famille en France et précise que les préfectures
pourront régulariser, « à titre exceptionnel », les
étrangers justifiant d’une promesse d’embauche ou
d’une embauche dans un métier et des lieux « en tension
».
Pour les associations de défense des droits de
l’homme et des étrangers, ce texte porte atteinte au
droit de mener une vie privée et familiale normale,
et accroît la répression à l’égard des sans-papiers.
Dépénalisation du droit des affaires. « La pénalisation de notre droit des affaires est une grave erreur,
je veux y mettre un terme », avait annoncé le chef de
l’État lors de l’université d’été du Medef, le 30 août.
Pour « réinsuffler l’esprit d’entreprendre », le rapport Cou-
lon, remis le 20 février à la garde des Sceaux, qui s’est
aussitôt engagée à reprendre la quasi-totalité des
30 propositions qu’il contient dans un projet de loi,
suggère de supprimer une quarantaine d’infractions
et de remplacer certaines sanctions pénales par des sanctions
administratives. Les actions menées par un collectif
seront limitées au droit de la consommation et
réservées à des associations de consommateurs agréées.
Peine de sûreté. Conséquence de la politique de l’émotion née de l’affaire
Évrard (pédophile récidiviste) et de l’affaire
Romain Dupuy (meurtrier pour lequel un non-lieu psychiatrique
a été prononcé), la loi du 25 février 2008
relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité
pénale pour cause de trouble mental permettra
d’enfermer des criminels en fonction d’un pronostic
de « dangerosité », donc pour des faits non encore
commis. Elle permettra aussi de juger le malade mental
quelle que soit sa compréhension de la situation,
dans le but de rassurer sa victime.
Vis-à-vis de la
rétention de sûreté, de nombreux professionnels et
citoyens (www.contrelaretentiondesurete.fr) dénoncent
la mise en place d’un dispositif qui relève d’une
philosophie de l’enfermement et dénie à l’homme
toute possibilité d’amendement. Ils condamnent aussi
le fait que la présomption d’innocence devienne secondaire
avec ce texte, et que la justice de sûreté prenne
le pas sur la justice de responsabilité.
Réforme de l’Ordonnance de 1945 sur les mineurs. La ministre de la Justice a lancé le 23 avril un groupe
de travail chargé de réformer (encore) l’ordonnance
de 1945, qui pose le principe d’une justice sur mesure
pour les mineurs, avec des magistrats et des juridictions
spécialisés, des mesures et des sanctions adaptées.
La primauté de l’éducatif sur le répressif, qui
fait la valeur de ce texte, a « perdu de sa pertinence »
selon Rachida Dati. Les mineurs seraient-ils plus
dangereux qu’avant ? Si le principe d’une réforme du
texte fait plutôt consensus, certains s’interrogent sur
la direction de celle-ci. Quel âge minimum pour la
responsabilité pénale ? Faut-il craindre qu’il soit fixé
en dessous de la recommandation minimum du Comité
des droits de l’enfant des Nations unies (12 ans) ? Il
est aussi à craindre que, dans la lignée des peines planchers,
l’ordonnance soit modifiée dans le sens d’une
justice plus répressive. Pourtant, la réponse pénale
aux actes délictueux d’adolescents atteint déjà 85%.
Protection du secret des sources. Conformément à un engagement pris par Nicolas Sarkozy,
Rachida Dati a présenté le 12mars en Conseil
des ministres un projet de loi visant à garantir aux
journalistes un droit à la protection des sources. Il
stipule que « l’identification dans le cadre d’une procédure
pénale de l’origine d’une information ne pourra être recherchée
qu’à titre exceptionnel et à condition que la nature et
la particulière gravité du crime ou du délit ainsi que les nécessités
des investigations le justifient ». Reste à définir la
notion de « gravité ».
Accès aux archives. Le projet de loi relatif aux archives défendu par
Christine Albanel a été adopté le 29 avril en première
lecture à l’Assemblée nationale. Il prévoit la
communicabilité immédiate des archives publiques,
dont le délai était jusque-là fixé à trente ans. Les
documents soumis à un délai de soixante ou cent ans
seront désormais communicables au terme de cinquante
ou soixante-quinze ans. Pour obtenir cette
réduction, les historiens ont dû pétitionner. Ils n’ont
pu empêcher la création d’une catégorie d’archives
« incommunicables », relatives, par exemple, aux armes
de destruction massive.
Écologie : des effets d’annonce sans suite
OGM. Le très controversé projet de loi sur les OGM devrait
être définitivement adopté par les députés le 13 mai.
Le texte vise à clarifier les conditions de mise en culture
des plantes transgéniques et de leur coexistence
avec les productions conventionnelles, dans le respect
d’une directive européenne de 2001 que la France a longtemps
tardé à transcrire en droit national.
Après des débats houleux, des dissensions au sein de
la majorité et des petites phrases acerbes, le Sénat a vidé
de sa substance l’amendement du député communiste
André Chassaigne qui préconisait un encadrement
des cultures OGM dans « le respect des structures agricoles,
des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales
sans OGM ». Et écartait les régions montagneuses
et littorales ainsi que des zones couvertes par
le label AOC (appellation d’origine contrôlée) de la culture
des OGM. Dommage.
Le texte institue en outre un « délit de fauchage » passible
de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros
d’amende, peine augmentée en cas de fauchage d’une
parcelle destinée à la recherche.
Grenelle 1. Jean-Louis Borloo a présenté le 30 avril un premier projet
de loi d’orientation et de programmation sur l’environnement
censé traduire les conclusions du Grenelle
de l’environnement. Pour lutter contre le réchauffement
climatique, le texte fixe l’objectif de diviser par quatre
l’émission de gaz à effet de serre d’ici à 2050 et faire
ainsi de la France « l’économie la plus efficiente en carbone
de l’UE » d’ici à 2020. Il crée, à partir de 2010, une
norme « basse consommation » pour les bâtiments
publics et tertiaires, à laquelle seront assujettis tous
les permis de construire à partir de la fin 2012 ; il prévoit
la création de 2 000 km de lignes TGV supplémentaires
au cours des douze prochaines années, ainsi
que la multiplication par six des transports urbains
en site propre, mais hors Île-de-France, afin de désenclaver
les quartiers sensibles.
Autres dispositions : le retrait du marché d’ici à la fin
2008 de 30 pesticides « les plus préoccupants » et de
10 autres d’ici fin 2010 ; doublement du crédit d’impôts
en faveur de l’agriculture biologique dès 2009
afin de développer la surface agricole utile consacrée
à ce mode de culture, pour la porter à 6 % du total en
2013 et 20 % en 2020.
Le projet de loi est ambitieux et reprend dans une
large mesure les conclusions du Grenelle, mais il
oriente plus qu’il ne programme. L’absence de calendrier
précis et de chiffrage figure en effet parmi les
principales critiques adressées à ce projet. Pour une déclinaison
des plus opérationnelles des orientations du
Grenelle, il faudra attendre deux autres textes (Grenelle
II et III).
En comparaison, la RGPP qui programme la destruction
des services territoriaux du ministère de
l’Écologie, de son ingénierie, de ses compétences techniques,
la suppression de nombreuses missions et de
10 000 agents d’ici à 2012 est plus précise. d’optimiser les dépenses et de
supprimer progressivement les services
jugés pas assez rentables.