C’est pourtant, plutôt qu’un scoop, une réflexion pas inintéressante que propose Ovidie dans un entretien donné au journal le Monde le 12 mars, après que la journaliste lui a demandé : « Après avoir été militante prosexe, vous avez entamé, à 38 ans, une « grève du sexe » qui dure encore. Pourquoi ? ».
« Cela n’a pas été d’emblée une grève. Juste un grand rejet de tout ce qu’implique le système hétérosexuel. Ces hommes si nuls au lit. Tout ce temps gâché à donner du plaisir sans en prendre, ces nuits où je me suis ennuyée, où j’ai simulé, par politesse. Ces sacrifices pour rester cotée sur le marché de la baisabilité : les heures de cardio pour perdre du poids, les chaussures à talon, le maquillage, etc. Alors, j’ai arrêté. Désenchantée », répond l’ancienne actrice, autrice et réalisatrice et aujourd’hui enseignante.
Le journaliste du Canard Enchaîné ne s’en remet pas. Et de citer un autre entretien, dans Libération - où, plus explicitement encore, Ovidie explique : « face à des rapports où mon plaisir est optionnel, je préfère qu’on me laisse 100 balles sur la commode », mettant en regard les rapports sexuels tarifés (pas de plaisir, mais une rémunération) et les rapports sexuels « amoureux », prétendument soustraits aux échanges monétaires (pas beaucoup de plaisir, pas de rémunération et les aléas des relations hétérosexuelles).
Mais qu’est-ce qui est si problématique en fait aux yeux de ce journaliste ?
– Qu’en femme politise les questions de sexualité ? Qu’une grève du sexe, et plus flippant encore : « un mouvement massif de mal baisées », puisse être tout aussi révolutionnaire qu’une grève syndicale ?
– Qu’Ovidie dise que le sexe, avec une énorme majorité de mecs, c’est vraiment pas top, et qu’« un paquet de mecs de gauche baisent comme des mecs de droite » ?
Un peu tout cela sans doute. Et la preuve que F. P. est ulcéré (la brève est titrée « Il faut sauver Ovidie ! »), c’est qu’il recommande qu’Emmanuel Macron la « reçoive » - ha, ha, ha, c’est tordant, attendez de lire la fin :
« Dans son bureau ou dans le salon Murat. La suite ne nous regarde pas ».
On ne sait pas à quel dix-millième degré d’humour F. P. tente de se hisser. On ne tentera pas de le suivre dans ces hauteurs qui puent en fait la misogynie ricanante, celle qui sévit si souvent dans les pages du Canard. Que dit, en effet, cette chute pathétique sinon que, dans l’esprit du journaliste, il y aura bien un mec qui va la baiser, Ovidie - et du même coup la reconvertir, la remettre dans le droit chemin ? Et qui de mieux qu’un président de la République, un mec de pouvoir, un vrai, pour savoir régler ses petits soucis de meuf ?
Alors un conseil : fermez ce journal et allez respirer l’air bien plus drôle du féminisme avec le film de Nina Faure, We are coming. Où l’on suit les aventures de deux copines qui tentent à leur manière à elles de résoudre l’énigme suivante : mais pourquoi donc les femmes ont-elles moins de plaisir que les hommes ?
Réponses et perspectives politiques (exaltantes !) à l’écran dès cette semaine.