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Vous avez dit bizarre ?

Retour sur une mascarade prétendument laïciste

par Collectif Les mots sont importants
23 avril 2021

De nombreuses voix se sont élevées contre l’actuelle opération médiatique lancée par Marlène Schiappa et ceux que Jean Baubérot a appelé « les ripoux de la laïcité ». Ce coup d’État symbolique, qui tente de parachever la révolution conservatrice initiée en 2004 autour d’un principe précieux, mais vidé de son sens (ou pire : subverti), a fait l’objet d’un communiqué de désaveu, signé par l’essentiel du mouvement social, syndical et associatif laïque, et pourtant étrangement passé sous silence dans les grands médias : « États généraux de la laïcité : pourquoi maintenant, et pour qui faire ? ». Après la dissolution du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), voici donc que des États généraux sont convoqués, dans la plus grande opacité, sous l’égide d’Henri Péna-Ruiz, connu pour avoir jugé spirituel de clamer son « droit à être islamophobe » (avant de se rendre sur CNews pour discuter avec Éric Zemmour, au lendemain de ses pires déclarations racistes), et de Caroline Fourest, qui s’empresse de criminaliser le mot islamophobie comme jamais il ne l’avait été, en déclarant en toute simplicité – et en toute indécence – que c’est ce mot qui a tué les dessinateurs de Charlie. La ligne politique semble claire ; reste une question, qui devrait aller sans dire, mais apparaît pour le moins brouillée : celle de la qualification politique d’une telle orientation.

Caroline Fourest et Henri Péna Ruiz insistent beaucoup sur ce point : ils sont de gauche. Profondément, viscéralement. Et républicains. Et féministes, pro LGBT.

Cela étant posé, ils accourent au service du pouvoir de droite le plus autocratique, monarchique, pour ne pas dire versaillais, qu’on ait connu sous la pourtant très monarchique cinquième république, au service d’un président qui gouverne seul, dans le secret, qui n’a de cesse de théoriser le « manque de roi », la « verticalité », le « jupitérianisme », de copiner avec De Villiers et Valeurs actuelles, et de réhabiliter un monarchiste d’extrême droite comme Maurras ou un empereur belliciste, antisémite et esclavagiste comme Napoléon

Ils accourent au service d’un ministre de l’Intérieur nommé Darmanin qui s’est formé politiquement dans le girons de l’extrême droite monarchiste (l’Action française, fondée par ledit Maurras) et de la modérément républicaine et excessivement homophobe « Manif pour tous ».

Henri Péna Ruiz, qui aime rappeler son matérialisme, sa formation marxiste, son attachement à la justice sociale, vient servir le gouvernement le plus ultralibéral et antisocial qu’on ait connu, qui, après avoir démantelé les retraites et le service public d’éducation, gère l’épidémie de manière cynique en laissant crever les gens sans le moindre geste politique d’ampleur, notamment en faveur des soignants (6ème puissance économique mondiale, 100000 morts).

Caroline Fourest, qui aime rappeler son identité féministe, accourt au service d’un ministre de l’intérieur ayant fait l’objet de plusieurs enquêtes pour viol ou abus sexuel – et ayant reconnu comme un simple écart de « vie de jeune homme » le monnayage d’un coups de pouce d’élu contre des services sexuels.

La même Caroline Fourest, qui aime se prévaloir de ses engagements de jeunesse en faveur des droits égaux pour les homosexuel.le.s, accourt au service d’un ministre qui fut, on l’a dit, un fervent de la Manif pour tous, mais aussi l’homme de main d’un des plus féroces homophobes de France (Christian Vanneste), et qui se présenta aux avant-dernières élections municipales en jurant fièrement, et cela après le vote de la loi de la République instaurant le mariage pour tous, que jamais il ne célébrerait de mariage entre deux hommes ou entre deux femmes.

C’est tout de même un peu bizarre, non ?