Le corps des femmes dans l’espace public est perçu par certains hommes comme une ressource publique. C’est une réalité désespérante que nous, femmes, vivons quotidiennement. Camille Laurens la décrivait comme une hiérarchie archaïque d’une misogynie ordinaire.
Les violences faites aux femmes ne peuvent souffrir d’analyses ethnocentrées qui font l’impasse des violences invisibles et invisibilisées qui se jouent quotidiennement dans le plus grand silence. Le danger sexuel comme l’analysait Mary Douglas n’exprime pas seulement les rapports de sexes mais également la symétrie ou la dissymétrie entre groupes hiérarchisés dans un ordre social.
Certain-e-s voient, en cette tragédie du nouvel an, une occasion providentielle de justifier de l’incivilité de certaines cultures qui seraient intrinséquement sexistes. Si l’ordre hiérarchique patriarcal est historiquement lié aux religions, il est aussi ancré dans l’histoire des sociétés modernes. Les victoires du siècle dernier concernant les droits des femmes en Europe, n’ont pas le pouvoir d’effacer en moins d’un siècle, la construction millénaire d’un système inégalitaire et patriarcal. L’amnésie ou le déni d’une telle base sociale n’aide pas à combattre les violences faites aux femmes.
Les ségrégations sexuelles sont l’une des expressions de cet ordre et de l’usage qui est fait du divin pour légitimer l’insoutenable proximité du féminin tentation. “Selon l’ideologie dominante, les agressions que nous subissont des hommes dans les rues ne sont que la réponse logique de ’notre’ agression exhibionniste.” Pour Fatima Mernissi, la segrégation sexuelle est l’expression d’une anomie sexuelle. Dans notre société séculière, la ségrégation n’est plus tant sexuelle que raciale. Et les inégalités persistantes montrent à quel point les hiérarchies sont profondément ancrées dans les structures sociales. L’agression exhibitionniste des migrants sous les ponts, à Calais, à la Chapelle, dans les squats sont autant de raisons qui justifient leur exclusion pour les politiques. Du sexisme au racisme, il n’y a qu’une nuance : celle des cibles auxquelles il s’adresse.
Les traitements médiatique et politique des événements de Cologne démontrent la manière dont les déviances des non-blancs sont directement interprétées en termes de culture. La culture des non-blancs : migrants, arabes, noirs, roms, hispaniques, est une manière politiquement correcte de traiter de la question raciale. La culture racialisée est ainsi décrite comme stable, homogène, archaique et dangereuse.
Evidemment, celle-ci s’oppose à la culture hégémonique occidentale qui, elle, est neutralisée, véritable étalon du progressisme égalitaire. Il s’agit là d’une violence épistémique qui est souvent le premier pas de violences institutionnelles.
Historiquement, les corps des femmes ont été utilisés pour symboliser le progrès social, mais aussi instrumentalisés pour justifier des guerres ou pour exclure tout en brandissant les droits des femmes comme passe-droit. En tant que femme, je refuse toute instrumentalisation de mon corps à des fins moralistes, nationalistes, belliqueuses ou racistes.
D’une hiérachie sexuelle, dont les agressions sexuelles sont l’expression, nous passons à une hiérarchie raciale, dont la focalisation sur la culture des migrants est l’illustration. Est-il nécessaire de préciser que leur logique et mode d’action sont analogues ?