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Grande famille

Le collectif Les mots sont importants vous offre deux points de vue situés sur le monde merveilleux du cinéma

par Collectif Les mots sont importants
18 octobre 2017

Le scandale Weinstein, déclenché par une multiplication des témoignages de femmes harcelées, agressées ou violées par le producteur américain, vient rappeler une réalité sur laquelle, de longue date, des actrices ou des réalisatrices ont tenté d’alerter – dans une très profonde indifférence. La carrière saccagée de Maria Schneider n’est hélas qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, mais l’épisode mérite d’être remémoré. Cela aurait pu aussi s’appeler « Un coup d’oeil complice », ou encore « Cette blessure a été utile », ou encore « Et Bertolucci était communiste »...

« L’idée nous est venue à Brando et à moi pendant que nous prenions le petit-déjeuner, assis sur la moquette. A un moment, il a commencé à étaler le beurre sur une baguette, aussitôt on s’est donné un coup d’oeil complice. Nous avons décidé de ne rien dire à Maria pour avoir une réaction plus réaliste, pas d’une actrice mais d’une jeune femme. Elle pleure, hurle, se sent blessée. Et d’une certaine manière, elle a été blessée parce que je ne lui avais pas dit qu’il y aurait la scène de la sodomie et cette blessure a été utile au film. » Bernardo Bertolucci  [1]

« Ils ne m’ont prévenue qu’au moment de tourner, j’étais dégoûtée. J’aurais dû appeler mon agent ou un avocat, parce qu’on ne peut pas forcer quelqu’un à faire quelque chose qui n’est pas dans le script, mais à l’époque je n’en savais rien. Marlon m’a dit : ne t’inquiète pas, ce n’est qu’un film, mais pendant la scène, même si ce que Marlon faisait n’était pas réel, j’ai pleuré pour de bon. Je me suis sentie humiliée et, pour être honnête, presque violée, à la fois par Marlon et par Bertolucci. Je n’ai jamais vraiment pardonné à Bertolucci la manière dont il m’a traitée. Quand je l’ai rencontrée il y a quelques années à Tokyo, je l’ai ignoré... En plus, lui et Marlon ont gagné une fortune avec ce film, alors que je n’ai touché que 2500 dollars. Et Bertolucci était communiste ! » Maria Schneider  [2]

P.-S.

Et à la question de savoir si se comporter de cette manière sur le tournage avec les actrices serait aujourd’hui moralement acceptable, Bernardo Bertolucci a répondu, ironique, « ne pas appartenir à aujourd’hui ».

Notes

[1La Repubblica, 18/09/2013