La relation mère / enfant, objet de l’article, y est discutée du point de vue de la difficulté de la mère de se séparer de son enfant, séparation qui serait vécue par la mère comme « une obligation et une nécessité à laquelle il faut se soumettre ».
Comme souvent dans le discours psychanalytique dominant [2], l’argumentation repose sur la référence à des réalités physiologiques ou
biologiques, supposées indiscutables car « naturelles ». On apprend ainsi que la difficile séparation
résulte du fait que
« lové dans le sein de sa mère, le bébé ne fait qu’un avec elle. Ils sont, tous deux, un ».
Sans avoir pris la peine de demander l’avis des intéressées sur la manière dont elles pouvaient vivre leurs grossesses, les deux psychanalystes font de cette période un facteur structurant de la relation mère / enfants. Sur ce qui se passe après - l’assignation des femmes au rôle « maternel », l’injonction à l’allaitement, l’inégale répartition des tâches au sein des couples par exemple -, rien n’est dit. On en reste à ce niveau « symbolique » et complètement abstrait du « deux » fondu dans le « un », tandis que, par ailleurs, tout ce que les pères peuvent investir sur leurs « héritiers » est totalement passé sous silence.
Cette fusion, nous expliquent en outre les deux psychanalystes, est encore plus forte quand
l’enfant est un garçon. Pourquoi ? Parce que la mère est aussi femme, et donc travaillée par la fameuse Différence des Sexes. Rappelons que pour certains psychanalystes (mais aussi pour certains anthropologues voire certains sociologues), la Différence des Sexes, posée comme principe universel et comme clef de compréhension de toute réalité humaine, induit une relation particulière des femmes avec le sexe masculin (spécificité là encore renvoyée, en l’absence de tout autre explication, à une réalité « naturelle »). Ce qui nous vaut cette analyse pénétrante :
« Le fils qui sort du corps de la mère n’est pas du même sexe qu’elle. Il est d’emblée
différent, éveillant par là un intérêt, une surprise, une curiosité, voire une incompréhension
qui appellent l’attrait et le désir ».
Mais nos deux psychanalystes sont bienveillants : bien que travaillées par le désir de fusion et
la fascination pour le pénis de leur fils,
« la plupart des mères font néanmoins ce chemin [de la séparation] naturellement, dans
l’intérêt de leur petit ».
En 1977, Christine Delphy écrivait un texte célèbre intitulé « Nos amis et nous », consacré à ces hommes
auto-proclamés féministes et tout entier occupés à expliquer aux femmes comment
s’émanciper [3]. En 2005, il y une
certaine régression : les hommes ne nous expliquent plus comment nous émanciper, mais
comment accomplir une maternité harmonieuse. Mais qu’importe : le plus important, c’est
que nous comptons désormais, avec Alain Braconnier et Jacques André, deux « amis »
supplémentaires !