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« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort

Quelques réflexions autour de l’idée de totalité

par Jean-Charles Stevens, Pierre Tevanian
5 décembre 2022

Un jour, un livre : pendant toute la durée du mois de décembre, nous publions chaque jour la présentation et / ou un extrait d’un livre paru cette année, à offrir, s’offrir ou se faire offrir à l’occasion des fêtes de la Saint Nicolas, de Hanoukkah, de Noël, de la Saint Sylvestre, du Noël orthodoxe, du Noël arménien ou à toute autre occasion. Le livre du jour s’intitule : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort. Qui n’a jamais entendu ladite sentence, quasi proverbiale, énoncée toujours pour justifier le repli, la restriction, la fin de non-recevoir et la répression ? Dix mots qui tombent comme un couperet, et qui sont devenus l’horizon indépassable de tout débat « raisonnable » sur les migrations. Comment y répondre ? C’est toute la question de cet essai incisif, qui propose une lecture critique, mot à mot, de cette sentence, afin de pointer et réfuter les sophismes et les contre-vérités qui la sous-tendent. Arguments, chiffres et références à l’appui, il s’agit en somme de déconstruire et de défaire une « xénophobie autorisée », mais aussi de réaffirmer la nécessité de l’hospitalité. Les lignes qui suivent proposent, en guise de présentation, un extrait de cet ouvrage : la page 31 d’un livre qui en compte 80.

L’usage du mot « toute » renvoie à une totalité – et pas n’importe laquelle : le « monde », excusez du peu. La ficelle rhétorique est grosse, là encore : il s’agit une fois de plus d’intimider, d’impressionner, de terrifier, d’attiser des phobies en produisant un sentiment de « submersion », d’« invasion », de « grand remplacement », au prix bien entendu d’un brouillage des enjeux et d’une caricature du point de vue adverse – puisqu’il est évident, dès qu’on prend le temps d’y réfléchir, que la question est proprement absurde et hors de propos, personne n’ayant jamais demandé ni à la France ni à la Belgique d’accorder asile et titres de séjours à la totalité des 281 millions de migrant·es de la planète [1]. Pas même, pour commencer, lesdit·es migrant·es !

Il est bon en effet de le rappeler : vivre en France ou en Belgique n’est pas le rêve absolu de tou·te·s les personnes déplacées. La plupart cherchent et trouvent d’abord refuge en Afrique et au Moyen-Orient pour une grande part, dans des pays voisins des leurs, voire dans leur propre pays. Redisons-le : d’après les tout derniers chiffres fournis par le HCR en juin 2021, sur les 82,4 millions de personnes déplacées au cours de l’année 2020, 45,9 millions (soit 55%) ont trouvé refuge à l’intérieur de leur pays, et 36,5 millions (soit 45%) à l’extérieur – et sur ces 36,5 millions, 73 % ont été accueillis dans un pays voisin du leur, et 86% dans « pays en développement » [2]. Au final, seul·e·s 6,3% des déplacé·e·s ont migré vers un pays riche. Sans même compter toutes celles et ceux qui sont frappé·e·s par la misère et ne se déplacent pas.

P.-S.

Ce texte est extrait du livre de Pierre Tevanian et Jean-Charles Stevens : « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». En finir avec une sentence de mort. Nous le reproduisons avec l’amicale autorisation des auteurs et des Éditions Anamosa.

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