L’usage du mot « toute » renvoie à une totalité – et pas n’importe laquelle : le « monde », excusez du peu. La ficelle rhétorique est grosse, là encore : il s’agit une fois de plus d’intimider, d’impressionner, de terrifier, d’attiser des phobies en produisant un sentiment de « submersion », d’« invasion », de « grand remplacement », au prix bien entendu d’un brouillage des enjeux et d’une caricature du point de vue adverse – puisqu’il est évident, dès qu’on prend le temps d’y réfléchir, que la question est proprement absurde et hors de propos, personne n’ayant jamais demandé ni à la France ni à la Belgique d’accorder asile et titres de séjours à la totalité des 281 millions de migrant·es de la planète [1]. Pas même, pour commencer, lesdit·es migrant·es !
Il est bon en effet de le rappeler : vivre en France ou en Belgique n’est pas le rêve absolu de tou·te·s les personnes déplacées. La plupart cherchent et trouvent d’abord refuge en Afrique et au Moyen-Orient pour une grande part, dans des pays voisins des leurs, voire dans leur propre pays. Redisons-le : d’après les tout derniers chiffres fournis par le HCR en juin 2021, sur les 82,4 millions de personnes déplacées au cours de l’année 2020, 45,9 millions (soit 55%) ont trouvé refuge à l’intérieur de leur pays, et 36,5 millions (soit 45%) à l’extérieur – et sur ces 36,5 millions, 73 % ont été accueillis dans un pays voisin du leur, et 86% dans « pays en développement » [2]. Au final, seul·e·s 6,3% des déplacé·e·s ont migré vers un pays riche. Sans même compter toutes celles et ceux qui sont frappé·e·s par la misère et ne se déplacent pas.