Le projet de loi exige en particulier une condition exorbitante : « être titulaire depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler », à quelques exceptions près : réfugiés, apatrides, titulaires d’une carte de résident (carte de 10 ans désormais de moins en moins attribuée), familles monoparentales remplissant les conditions d’attribution de l’actuelle API. En conséquence seront exclus du RSA tous les étrangers non européens qui ont un titre de séjour n’autorisant pas à travailler, mais aussi ceux qui disposent d’un tel titre depuis moins de cinq ans, et ce même s’ils sont en situation régulière depuis plus de 5 ans.
Ecartés de l’aide financière, ils le seront aussi des mesures d’accompagnement du RSA, alors même que ces étrangers sont en général parmi les plus concernés par des difficultés d’insertion sociale et professionnelle (premiers emplois peu qualifiés, contrats précaires, temps partiels, salaires faibles, problèmes d’accès au logement). Pire, cette condition s’appliquera aussi au conjoint, concubin ou partenaire pacsé du demandeur alors que pour l’attribution du RMI, la justification de leur régularité de séjour par la détention d’un titre d’un an, quel qu’il soit, est suffisant.
Cette condition de résidence préalable de cinq ans est contraire à des engagements pris par la France au plan international. De nombreuses juridictions ou instances ont considéré qu’il s’agissait d’une discrimination : le Comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe, la Cour de justice des communautés européennes, le Conseil d’Etat, s’agissant d’un Algérien (violation des accords avec l’Algérie), des juridictions administratives, s’agissant des titulaires de la protection subsidiaire (violation de la directive européenne asile 2004/83/CE).
Les discriminations ne se limitent pas au demandeur et à son conjoint ou concubin, elles s’étendent aussi aux enfants : le projet prévoit un alignement sur les règles actuelles des prestations familiales, ce qui revient à continuer d’exclure les enfants entrés en France hors de la procédure du regroupement familial. Tant la Cour de cassation que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’Egalité (Halde) considèrent pourtant cette exclusion contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et à la Convention internationale des droits des l’enfant.
Le Gisti demande que le projet de loi ne soit pas adopté en l’état. Il a saisi la Halde en urgence pour qu’elle prenne position et intervienne en ce sens auprès du gouvernement et du Parlement.