C’est une remarque lâchée au détour d’une phrase – en passant. Une de ces remarques, devenues presque anodines, qui jour après jour contribuent à entretenir le climat dégueulasse où prospère, dans ce pays, la réaction décomplexée. Le réalisateur Claude Lanzmann n’est pas d’accord avec l’initiative du petit chef de l’Etat français - qui veut comme tu sais confier à nos écoliers de CM2 la mémoire de la Shoah. Il s’en explique dans Le Monde [1], et en découvrant sa tribune on se dit qu’on est plutôt d’accord avec ses arguments. Sauf qu’à la fin, il évoque la projection de son maître-film « dans plusieurs lycées, dont certains réputés difficiles », et « l’impact extraordinaire des séquences choisies de Shoah sur les élèves, majoritairement maghrébins ou noirs ».
Relis ça lentement.
Vois ce que véhiculent ces quelques mots – en passant.
Ils t’enseignent, par exemple, sous le couvert d’une pédagogie (évidemment) nécessaire, qu’il y a dans nos bahuts (« difficiles ») des lycéens « maghrébins » – et non français, comme tu croyais bêtement.
Ils t’enseignent, par exemple, que ces Maghrébins et ces Noirs, que stigmatisent décidément une origine ou une couleur de peau, ne sont pas complètement comme leurs petits camarades Français blancs – puisque aussi bien Claude Lanzmann éprouve le besoin de te signaler que ces Maghrébins et ces Noirs ont eux aussi été, par extraordinaire, bouleversés par Shoah.
Ah, tiens ?
On peut donc être maghrébin ou noir, mais sensible ?
Ça valait en effet d’être souligné – en passant.