Une question demeure, quand je repense à cette manifestation, à ces quelques « étoiles jaunes » qu’on a pu y voir, et à ces raccourcis qu’elles établissaient entre un climat raciste rappelant les années 1930 et une politique antijuive meurtrière advenue en France dans les années 1940.
Cette question s’adresse aux commentateurs indignés. La voici.
S’il est vrai que le port de cette étoile comparant la condition musulmane en contexte islamophobe à la condition juive sous l’Occupation constitue une exagération, je m’interroge sur votre empressement à faire de cette exagération une faute inexcusable, qui suffirait à disqualifier toute une manifestation antiraciste (et plus précisément la seule manifestation antiraciste organisée) à l’heure où, en France, on agresse au couteau une femme voilée et on tire sur des fidèles à l’entrée d’une mosquée.
Vous qui pensez cela, et le pensez bruyamment, et l’exprimez durement, en traitant de profanateurs ceux qui voient les choses avec plus d’indulgence, dites-moi juste une chose. Si vraiment c’est la mémoire de la Shoah qui vous importe, et les comparaisons trop cavalières qui vous insupportent, pourquoi vous a-t-on si peu entendu, quelques semaines plus tôt, après l’exagération caractérisée d’un certain éditocrate de LCI nommé Olivier Galzi, pourtant autrement plus extravagante et pernicieuse, qui consistait à comparer le port du voile à celui d’un uniforme nazi ?
Soyons clair : cette question ne s’adresse pas à toutes les personnes que l’étoile a choquée. Mais elle s’adresse à ceux, assez nombreux tout de même, qui se sont montrés plus choqués par cette étoile que par les coups de feu d’un militant fasciste sur des fidèles venus prier dans leur mosquée. Elle s’adresse à tous ceux qui ont jugé plus urgent de dénoncer le recours à ce symbole, ce raccourci, cette étoile donc, que la montée de la violence islamophobe, que le manque de sursaut républicain face à cette violence, que les raccourcis comme ceux de M. Galzi qui nourrissent cette violence.
À ceux-là, tous ceux donc qui ont voué aux gémonies les analogies trop cavalières des manifestants tout en restant placides face à celles, bien pires, de nos éditocrates (Galzi en premier lieu, mais Zemmour également, et quelques autres habitués des plateaux télévisés), je ne pose pas d’autre question. Je me contente de constater une rigueur historique et une indignation morale à géométrie très variable, qui interroge.
Pour être plus clair : si le rapprochement entre le musulman stigmatisé et le Juif déporté vous choque tant, et celui entre la musulmane portant le foulard et le SS en uniforme si peu, c’est qu’au fond ce n’est pas l’exagération dans les parallèles historiques qui vous pose problème, mais bien le fait de figurer la femme musulmane portant le foulard en victime du racisme plutôt qu’en bourreau ou en occupant. Et cela est tout de même, à mon sens, ce qui, dans toute cette controverse, est le plus choquant.