Alors, pour soigner l’insomnie de notre mauvaise conscience, nous nous construisons une âme de résistants. Et nous méprisons les collaborateurs, et tout particulièrement ce qui constitue la lie des collaborateurs : les femmes qui ont aimé un allemand. Mais ça ne va pas se passer comme ça. Il y a des limites à tout ! Les salopes ! Tondue, la salope ! Ha, ha, regardez là ! Ça lui apprendra à coucher avec les boches ! Et le voilà bien fier de lui, le bon Français. Il peut dormir en paix. Il s’est acheté, au prix d’un accroche-cœur, une bonne conscience.
Soit une deuxième insomnie : Nous avons battu nos femmes. Parfois, un soir d’ivresse, nous les avons tuées. Nous en avons violé quelques unes. Nous les laissons faire la cuisine, la vaisselle, le ménage. Nous leurs pinçons à l’occasion les fesses dans le métro. Nous lançons ici ou là des blagues salaces qui nous font rire d’un rire gras. Et puis voilà que les progrès du féminisme nous culpabilisent.
Alors, pour soigner l’insomnie de notre mauvaise conscience, nous nous construisons une âme de féministes. Et nous méprisons les sexistes, et tout particulièrement ce qui constitue la lie des sexistes : les indigènes arabo-musulmans. Qu’ils sont méchants, avec leurs femmes ! Ils les bâchent sous de hideux tissus, mais nous allons les libérer, qu’elles le veuillent ou non ! Dévoilée, la Fatma ! Il est temps qu’elle bénéficie des Lumières et de l’Universalisme ! Et le voilà bien fier de lui, le bon Français. Il peut dormir en paix. Il s’est acheté, au prix d’un foulard, une bonne conscience.